G.-J.B. Target (1733-1807)

  Justice de paix et salariat sous la Révolution

L'exemple de la section du Jardin-des-Plantes à Paris (1791-fin de l'an III)

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Mots clés : Justice de paix - Paris-Jardin-des-Plantes -  Salaires - Conditions de travail - Artisanat  -  Révolution française

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Sommaire de l'article (vous pouvez accéder directement à chacune des sections du texte) :

 

Introduction : un intérêt historique ?
1. -  La place des conflits du travail dans l'activité du juge de paix
2. - Des conflits du travail variés
2.1. - Les salaires
2.2. - Les gages
2.3. - L'apprentissage
Conclusion : un complément possible pour l'étude des situations professionnelles à la fin de l'Ancien Régime



 

Un intérêt historique ?

Les conditions et les formes du travail, telles qu'elles existent au début de la période révolutionnaire dans le faubourg Saint-Marcel en général et dans la section du Jardin-des-Plantes en particulier, sont peu évoquées dans l'ouvrage de référence de Haïm Burstin [1], l'auteur s'étant attaché à cerner dans leurs détails les plus précis les aspects politiques du faubourg entre 1789 et 1794, sans mener une étude spécifique de la vie professionnelle des habitants du quartier, à l'exception de quelques entreprises comme la manufacture des Gobelins. Raymonde Monnier, dont la thèse sur le faubourg Saint-Antoine demeure une référence incontournable, a souligné les carences de l'historiographie sur la vie économique et sociale à Paris pendant la Révolution :

"(...) L'histoire de l'économie a toujours été le parent pauvre des études sur la Révolution à Paris, et quand elle a été abordée, ne l'a été souvent que sous l'angle conjoncturel ou exceptionnel, de même que la redistribution des profits n'a souvent retenu l'attention que du point de vue de la spéculation sur les biens nationaux ou les fournitures de guerre (...)" [2].

Dans le même ouvrage, la situation de l'industrie et du commerce entre 1789 et 1810 à Paris est présentée sous forme de cartes, plans et graphiques dont il ressort que la section du Jardin-des-Plantes est l'une des plus "ouvrières" de la capitale, les auteurs précisant :

"(...) Avec la concentration des petits métiers et des gens de peine le long de la Seine et dans les faubourgs (plus de 10 % des hommes, section des Invalides, des Arcis, de Montreuil, des Quinze-Vingts et du Jardin-des-Plantes), s'impose l'image du Paris le plus populaire, des sections surpeuplées du centre à la périphérie (...)" [3].

Les minutes de la justice de paix, outre le fait qu'elles renseignent le chercheur sur les professions exercées les personnes intervenant dans cette justice [4], mettent en lumière un certain nombre d'affaires qui concernent les individus dans leurs relations professionnelles. Á partir  des conflits qui apparaissent à cette occasion devant le juge de paix, il est possible de mettre en lumière quelques-uns des traits constitutifs du travail à Paris à la fin du 18ème siècle. Cet essai s'articulera autour de deux problèmes particuliers :

- la place occupée, dans l'espace judiciaire, par les conflits liés au travail ;

- la variété des conflits salariaux.

 

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1. Les conflits du travail tiennent une place non négligeable dans l'activité du juge de paix

 

Dans l'ensemble des minutes de la justice de paix étudiées sur la période, 95 affaires concernent, en totalité ou en partie, des conflits existant entre des employeurs et des salariés. Pour 89 d'entre elles, il s'agit de procès au civil entrainant un jugement, les 6 autres étant traitées devant le bureau de paix et de conciliation et donnant lieu à des procès verbaux. Le tableau qui suit résume la chronologie de ces affaires dans les deux structures judiciaires de base :

 

Chronologie annuelle des affaires concernant les conflits du travail devant le juge de paix
*** 1791 1792 1793 1794 1795* Total
Justice civile 38 21 15 13 2 89
Bureau de paix 3 0 1 2 0 6
Total 41 21 16 15 2 95

* Comme pour tous les autres tableaux, les chiffres correspondent, pour cette année 1795, à un espace de temps limité à la fin de l'an III, soit le 21 septembre 1795.

À elle seule, l'année 1791 représente plus de 43 % des cas recensés, la chute du nombre des affaires étant constante au cours des années suivantes. S'agit-il des effets de la loi Le Chapelier [5] qui réprime toute organisation revendicative concertée ? Ou bien, les conflits judiciaires liés aux relations salariales ont-ils été moins nombreux à partir de 1792, les parties en présence réglant par ailleurs leurs différends ? L'étude plus précise des cas répertoriés permettra, peut-être, de répondre à cette double question. 

 L'examen d'une chronologie trimestrielle, et non plus annuelle, n'apporte en la matière aucune conclusion précise : 

 

Chronologie trimestrielle des affaires concernant les conflits du travail devant le juge de paix
*** 91-1 91-2 91-3 91-4 92-1 92-2 92-3 92-4 93-1 93-2 93-3 93-4 94-1 94-2 94-3 94-4 95-1 95-2 95-3

Conflits salariaux

8 5 13 15 5 9 5 2 2 4 4 3 2 2 4 7 0 1 1

 

 

 

C'est immédiatement après le vote de la loi Le Chapelier que le plus grand nombre d'affaires est présenté, pendant les deux trimestres suivants, devant le juge de paix ; un autre "pic" se trouve aussi après la chute de la royauté, à l'automne 17792. Mais les chiffres sont trop faibles pour qu'une conclusion statistique valable soir tirée de ces remarques. C'est donc à l'étude plus précise d'un certain nombre de cas qu'il est possible de s'attacher maintenant.

 

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2. Des conflits de travail variés

 

Parmi les 95 affaires traitées par le juge de paix au cors de la période étudiée, quatre groupes de problèmes, d'importance quantitative très variable, peuvent être recensés et faire l'objet du tableau qui suit :

 

Répartition chronologique des problèmes liés au travail salarié
*** 1791 1792 1793 1794 1795 Total
Salaires ouvriers 36 (3) 12 9 (1) 12 (2) 2 71 (6)
Gages 3 7 6 1 0 17
Apprentissage 1 2 1 2 0 6
Contrat de travail 1 0 0 0 0 1

                                        (Entre parenthèses, le nombre des affaires présentées devant le bureau de paix et de conciliation)

 

2.1. Les conflits concernant les salaires ouvriers

 

Près des 3/4 de ces affaires traitent des conflits salariaux qui peuvent exister entre des employeurs artisanaux ou commerciaux et leurs salariés. Et pour l'essentiel, elles sont portées devant la justice civile, six d'entre elles seulement faisant l'objet d'une comparution devant le bureau de paix et de conciliation.

 

Sept affaires ajoutent au conflit de salaire une réclamation concernant un autre objet.

Par exemple [6], le 10 août 1791, le sieur François Parizot, doreur de son état, réclame pour son fils non seulement le versement d'un salaire impayé mais une indemnité pour coups et blessures portés par le défendeur sur la personne dudit fils. Le jugement ne précise pas le détail des "ouvrages d'imprimerie" que l'ouvrier a réalisés ni le temps consacré à ce travail. Mais la réclamation de la somme due à cette occasion entraîne de la part de l'employeur des "voies de fait" qu'il ne conteste pas, les attribuant à "un instant de vivacité", et qui cause chez la victime une incapacité de travail déclarée par le père. Quant aux autres affaires "multiples", elles portent, avec les dus salariaux, sur des bagarres entre employeur et salarié, des dettes d'argent, des dus pour des produits alimentaires livrés ou livrables en sus du travail fourni.

Toutes les autres affaires portent uniquement sur des conflits salariaux qui toujours mettent en cause l'employeur,  à l'instar de l'exemple cité plus haut.

 

Sur les 71 conflits de salaires recensés au cours de la période, 68 sont évoqués par des salariés contre leurs employeurs. Seuls deux employeurs réclament à leurs ouvriers le remboursement d'un trop perçu sur des salaires versés et un autre, le 29 juillet 1791 [7], exige de ses salariés qu'ils reprennent un travail interrompu pour cause de contestation du prix payé à la tâche. Il s'agit du "sieur Nicolas Dumontot, marchand de bois demeurant rue des Fossés Saint Bernard" qui emploie des empileurs de bois pour décharger des bateaux sur son chantier : il sera, au terme du jugement, obligé de consentir une augmentation de salaire et de payer aux ouvriers "dix-neuf livres pour chaque train à venir et, après l'empilage de tous, vingt-quatre livres en sus". Il renonce par ailleurs à "répéter contre Onfroy [le porte parole des empileurs] aucune indemnité pour le tort que lui a fait éprouver l'interruption de l'empilage".

 

Si, dans la plupart des cas, l'employeur est accusé de ne pas avoir payé tout ou partie des salaires dus à son salarié, deux situations particulières méritent d'être retenues ici : celle où la contestation porte sur le montant du salaire versé ; celle des réclamations collectives à l'endroit d'un employeur.

D'une part, en effet, certains employeurs refusent de payer à l'un de leurs salariés une somme différente de celle qu'ils versent aux autres ouvriers. Un exemple significatif est donné par le procès qui oppose, en août 1794 [8], quelques jours après la chute de Robespierre, "le citoyen Joseph Guillon, compagnon charpentier demeurant rue et île de la Fraternité" au "citoyen Pierre Tirel, charpentier, demeurant rue de Seine Victor". Le premier, compte tenu sans doute de ses compétences et responsabilités particulières, bénéficiait d'un salaire quotidien de six livres, alors que ses homologues ne percevaient que cinq livres. Le patron, sans raison apparente, a décidé de le mettre à la toise commune et de ramener son salaire à la somme de cinq livres. Le juge de paix donne tort à l'employeur et l'oblige à maintenir le salaire contractuel passé avec ce salarié "attendu que, d'après le livre journal de paie des ouvriers, il en résulte que les ouvriers étaient payés cinq livres par jour ; attendu la déclaration faite par le citoyen Tirel qu'il avait promis et avait coutume de payer au citoyen Guillon vingt sols de plus qu'aux autres ouvriers".  Il applique en la matière l'usage des contrats individuels de travail et se conforme par là-même aux prescriptions reconnues par les lois votées depuis la  loi Le Chapelier.

D'autre part, contournant devant la justice de paix les effets de cette loi, des salariés intentent collectivement des procès contre des employeurs qui refusent de verser des salaires. Trois affaires de de cette espèce sont présentes en 1791, une en 1793 et une en 1794. Ces cinq procès portent sur de salaires non versés par l'employeur pour diverses causes : ou bien les salariés n'ont pu travailler au cours d'une journée en raison de l'absence de matière à œuvrer, ou ben ils ont effectué un ouvrage qui ne leur pas été payé. À l'exception du conflit qui oppose, le 1er août 1793, 6 "ouvriers vidangeurs" à leur employeur, "le citoyen Giroux, maître vidangeur" [9], toutes ces procès mettent en cause des marchands de bois qui ont refusé de payer à leurs salariés ("empileurs de bois", "tireurs de bois" et autres "coltineurs de bois") des journées de travail. L'affaire qui oppose, au cours de deux audiences, à la fin de l'année 1791, 17 ouvriers travaillant sur le port à leurs employeurs est emblématique de ce que peut être un conflit salarial porté devant le juge de paix.

 

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2.2. Les conflits concernant les gages domestiques ou/et ouvriers

 

Dans un jugement daté du 2 décembre 1791 Annexe 1 , 16 ouvriers travaillant sur le port au bois du Quai de la Tournelle intentent un procès contre le "sieur Rigault, marchand de bois demeurant à Paris, rue de Seine". Ils ont "tiré de l'eau, mis sur la berge, chargé, voituré et empilé dans le chantier du sieur Rigault la quantité des dix derniers trains de bois flotté que ledit sieur Rigault a fait déborder et empiler en son dit chantier". Le document nous livre ici une description précise des opérations qui président à l'approvisionnement en bois de chauffage de Paris à partir du flottage organisé depuis le Morvan jusqu'à le capitale, comme le précise le texte même : le sieur Rigault est "marchand de bois à brûler pour l'approvisionnement à Paris".

Les demandeurs précisent devant le juge de paix que "lesdits ouvrages [ont été] faits par les susnommés par les ordres du sieur Dupuis, commis du sieur Rigault, le tout suivant les prix et conventions faits entre les parties". Le contrat de ce travail à la tâche, établi verbalement, est conforme aux usages en vigueur : ni les employeurs, par la voix de leur commis, ni le juge même dans ses conclusions ne mettent en doute les demandes des salariés.

Les sommes réclamées sont importantes : les ouvriers en cause demandent que "lesdits sieurs Rigault et Dupuis soient condamnés solidairement  à payer aux demandeurs , savoir au sieur Dupont, maître de berge, la somme de soixante livres, aux quatre tireurs la somme de quatre cent cinquante livres, aux quatre chargeurs la somme de deux cent trente livres dix sols, aux quatre empileurs la somme de deux cent soixante deux livres et enfin aux trois voituriers la somme de sept cent cinquante-quatre livres douze sols, savoir quatre cent quarante-six livres douze sols au sieur Pierre Chatenel, cent quarante-quatre livres au sieur Courtois et soixante cinq livres au sieur Oury".

Le temps passé à ce travail est , aussi, important. En effet, le mois précédent [10], onze ouvriers du port avaient intenté un procès à leurs employeurs, "les sieurs Lebœuf et Dumontot, marchands de bois à Paris, y demeurant ensemble rue des Fossés Saint-Bernard". Le jugement prononcé alors indique les salaires quotidiens versés à chacun d'eux "à savoir six livres aux quatre tireurs, et cinq livres à chacun des douze coltineurs". Tout compte fait, l'ensemble du travail accompli par les ouvriers en cause dans l'affaire du 2 décembre 1791 a donc duré environ dix-huit jours, ce qui en montre l'importance.

Le commis en question, cité, en même temps que le marchand de bois, dans l'exploit du trente novembre précédent, comparaît en personne, en l'absence de son patron et confirme "qu'en sa qualité de commis du sieur Rigault, il avait fait faire les ouvrages dont il s'agit suivant les prix et conventions susnommées, mais que n'ayant agi que comme commis, il ne pouvait être personnellement condamné à payer et que dans tous les cas, il demandait à être garanti et indemnisé du montant des condamnations qui pourraient intervenir contre lui en principal, intérêts et frais, non seulement par le sieur Rigault, mais même par privilège sur les marchandises ; qu'à cet effet, il demandait que les marchands de bois qui avaient vendu au sieur Rigault les bois dont il s'agit [...] fussent mis en cause pour être par nous statué avec eux ce qu'il appartiendra"". Le juge décide donc de renvoyer à sa prochaine audience la suite des débats : "les marchands de bois qui ont saisi revendiqué les bois dont il s'agit seront mis en cause [...] ledit sieur Rigault sera cité de nouveau pour lesdits jour et lieu".

Trois jours après,  le lundi 5 décembre [11], le commis propose "de payer dès à présent, et de ses deniers, les sommes ci-dessus annoncées" et selon le jugement prononcé, il "sera et demeurera subrogé" au privilège que les ouvriers avaient sur les trains de bois en l'absence du paiement de leurs salaires. Il est alors autorisé par cette décision de justice "à retenir sur le prix à provenir de la vente desdits bois le montant des sommes qu'il aura payées". Le sieur Héreau, qui a vendu le bois flotté à Rigault, ainsi que ce dernier sont condamnés solidairement aux dépens.

Ainsi les salariés obtiennent contre leur employeur la satisfaction totale de leurs revendications par un jugement définitif : les défendeurs ne peuvent faire appel dans la mesure où la somme reçue par chacun des salariés n'excède pas cent livres. Et le recours à cette justice de proximité que représente le juge de paix depuis la loi des 16-24 août 1790 témoigne bien de son efficacité. comme il permet au chercheur de lever un voile sur l'opaque situation des classes les plus défavorisées de la société parisienne de l'époque.

 

Quelques aperçus sur les gages des domestiques du quartier

 

Le terme de "gages" recouvre, dans les actes de la justice de paix, aussi bien les émoluments perçus par les "garçons" des artisans et commerçants que la rétribution accordée aux "domestiques" qui vivent au sein de la famille pour y exercer des tâches ménagères. Les premiers ont un statut intermédiaire entre celui d'"apprenti" et celui de "compagnon" ; les seconds n'interviennent pas dans la hiérarchie socio économique de l'ensemble familial.

Comme le précédent tableau l'indique, dans l'ensemble des affaires étudiées 17 affaires concernent des problèmes liés au versement de gages : 11 sont le fait de domestiques et 6 sont le fait de "garçons" employés dans l'artisanat.  Pour chacun de ces deux groupes, il est possible de présenter une affaire particulièrement significative.

 

Quand une domestique réclame ses dus à son maître, chirurgien rue Saint-Victor

 

Dans l'acte du 27 octobre 1793-6 brumaire an II [Annexe 2] , la "citoyenne Legendre, fille majeure, demeurant rue Mouffetard" se présente devant le juge de paix accompagnée du "citoyen Rémond, chirurgien, demeurant rue des Fossés Saint-Victor". Ils comparaissent volontairement pour que jugement soit rendu entre eux à propos d'un différend qui les sépare à la suite des services domestiques que la première a rendus au second. La complexité des rapports salariaux qui existent entre eux est bien représentée dans les attendus de la demande : elle a servi trois mois comme simple domestique à raison de huit livres de gages par mois, puis sept mois, à raison de deux livres supplémentaires par mois, pendant lesquels elle a assisté le praticien dans des ouvrages que son patron avoue lui-même avoir consisté "en des objets pénibles, difficiles et rebutants attendu qu'il étaient relatifs aux traitements des maladies vénériennes dont il entreprenait la guérison". Aux gages et dus ainsi promis s'ajoute la remise d'un "déshabillé" dont le détail n'est pas décrit mais dont la valeur n'est pas indiquée ; il s'agit d'un cadeau important, puisque les parties déclarent qu'il a coûté "soixante livres", et qui a été acheté par le chirurgien et une de ses patientes "en reconnaissance des peines extraordinaires" manifestées par la servante-auxiliaire de soins. C'est donc à une centaine de livres par an que cette domestique d'un chirurgien aurait droit si elle n'avait apporté aucune aide à son maître dans l'exercice de la profession de ce dernier. Et, comme souvent s'agissant de domestiques personnels, ces gages s'accompagnent de présents en nature qui augmentent d'autant la valeur de leurs services. La gratuité du vivre et du couvert ainsi que celle du blanchissage donne aux revenus de cette domestique une valeur supplémentaire. Ainsi est illustrée dans les actes de la justice de paix l'analyse présentée, à partir des archives notariales, par Daniel Roche [12] qui oppose la situation matérielle des domestiques à celle des salariés de l'artisanat et du commerce, la première apparaissant comme nettement supérieure à la seconde au sein du peuple de Paris.

 

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Un "garçon" à quatre livres par semaine

 

Tout différent est le tableau que présente, dans les documents étudiés ici, la place de ces autres "gagés" que sont les "garçons" des artisans dans leurs relations à leurs employeurs.

Le 16 février de la même année 1793 [Annexe 3], "Henri Bouchoux, garçon boucher et demeurant rue Censier"  vient réclamer devant le juge de paix le paiement du restant des gages que son ancien maître, "le citoyen François Robert, marchand boucher demeurant rue du Paon Saint-Victor", lui doit. Il s'agit d'une "somme de cinquante-huit livres cinq sols restant de celle de soixante-dix sols" pour les trois mois et demi pendant lesquels il a été à son service, du 1er octobre 1792 au 16 janvier 1793. Les gages en question seraient, aux dires du demandeur de "cinq livres par chaque semaine", soit, à raison de six jours ouvrés par semaine, de 19 sols par jour. Le défendeur explique son refus de payer les gages par trois raisons : le temps passé (trois semaines et non trois semaines et demie) ; le montant du salaire hebdomadaire (quatre livres et non cinq) ; la perte d'un veau dont il rend responsable son garçon. Le juge rend une sentence appropriée : il accède aux deux premiers arguments du patron boucher : il s'agit bien de trois mois de services, payables sur la base de quatre livres de gages par semaine ; par contre, il refuse de rendre responsable le garçon de la perte du veau, l'affaire ayant eu lieu en présence du maître, seul responsable de la fuite de l'animal et il condamne l'employeur aux dépens.

Cette même année, d'autres documents émanant de la même juridiction font état des salaires versés à d'autres catégories de salariés du quartier et permettent d'établir non pas une véritable grille des salaires, mais quelques repères concernant les tarifs pratiqués alors à Paris. Ainsi, en janvier, un charretier au service d'un voiturier [13] gagne "cinquante sols par jour", soit 2 livres et  10 sols par jour. Une "fille majeure, journalière" travaillant pour le compte d'un aubergiste [14] , réclame et obtient "trois livres douze sols pour trois journées faites dans le courant du mois de juin dernier", soit 1 livre 4 sols par jour. Six vidangeurs, demeurant tous rue Traversine, se voient payer, par décision de justice, un salaire de "quatre livres pour une nuit de travail qu'ils n'ont pu effectuer, la nuit du 15 au 16 juillet dernier, dans une maison rue de Paradis, n° 3, faute de voiture, laquelle ils ont attendu jusqu'à minuit sonné". Enfin, à la fin de l'année [15], des tireurs de bois se font payer en nature "à raison de deux voies de bois pour quatre jours de travail à tirer le bois" : il n'est pas possible de comparer cette dernière donnée aux précédentes. A partir de ces exemples comparables, la hiérarchie des fonctions est ainsi bien définie, depuis l'apprenti jusqu'aux ouvriers proprement dits en passant par le garçon et le compagnon. Ces salaires, toujours inférieur lorsqu'ils concernent des femmes, varient en fonction des métiers et des tâches accomplies par les salariés.

 

2.3. Les conflits liés à l'apprentissage

 

Les six conflits recensés dans le corpus et concernant l'apprentissage sont de nature très différente et lèvent un voile sur les problèmes liés à cette situation "pédagogique".

Dans un cas, le juge déclare son incompétence à intervenir. Le 13 juillet 1792 [16], "le sieur Leurté, cordonnier et la demoiselle Marie Joseph Lannion, son épouse, demeurant rue du Plâtre Saint-Jacques, n° 4" intentent un procès contre "le sieur Pierre Moreux, facteur à la Petite Poste et le dame son épouse, demeurant rue Saint-Victor, au coin de la rue de Versailles" à propos de l'interprétation de "l'acte d'apprentissage" qui les liait avec la fille des défendeurs. Il s'agit là, à l'évidence d'un domaine qui renvoie aux termes mêmes des contrats d'apprentissage de l'époque et de la profession et le juge renvoie les parties "devant les juges qui doivent en connaître".

Quatre cas de rupture du contrat d'apprentissage donnent par ailleurs lieu à procès entre le maître et l'apprenti (ou ses représentants juridiques). 

Le 24 octobre 1791 [17], c'est le maître qui a pris l'initiative de la rupture, sans autre raison que la prétendue mauvaise volonté de l'apprenti. Le juge renvoie l'affaire à l'audience suivante, exigeant que le maître produise alors "le traité d'apprentissage". Mais l'affaire n'apparaît pas dans la suite du corpus, les parties s'étant peut-être mises d'accord hors du champ judiciaire. 

De même, le 25 mai 1794-6 prairial an II [19], la "citoyenne Marguerite Fayet, couturière demeurant rue Victor, n° 135" réclame 100 livres de dommages intérêts à "Pierre Notot, jardinier demeurant rue des Boulangers, n° 32" dont la fille a rompu l'apprentissage qu'elle faisait chez la demanderesse six mois avant la fin du contrat. Le père "croit que c'est pour les mauvais traitements qu'elle a été forcée de sortir" et affirme que la maîtresse d'apprentissage li avait promis "une diminution" sur le prix de l'apprentissage, ce que la demanderesse confirme en niant les prétendus mauvais traitements. Le juge donne raison à cette dernière et condamne le père de l'apprentie à verser 72 livres de dédit ou à renvoyer immédiatement sa fille chez la citoyenne Favet pour les six mois restants prévus par "l'acte d'apprentissage". 

Le plus emblématique de ces conflits est provoqué, le 23 janvier 1792 [Annexe 4], à l'initiative de l'apprenti et non plus à celle du maître. Le premier, "le sieur Benoit Jean Francois  Mouillot, apprenti fondeur en caracteres demeurant à Paris rue Galande", réclame au second "le sieur Jean Baptiste Demailly, fondeur en caracteres demeurant à Paris quai des Miramiones ancien hotel de Clermont Tonnerre" une somme de huit livres pour quatre journées de travail et déclare qu'il a quitté son maître "attendu qu'il pretend que le sr Demailly l'a renvoyé" . Ce dernier ne nie pas  devoir les huit livres mais affirme qu'il n'a fait que éloigner momentanément son apprenti de ses camarades à l'occasion d'une rixe qui avait dégénéré entre eux. Le juge le condamne donc à payer sa dette et oblige l'apprenti à reprendre son apprentissage conformément aux termes "de la convention faite entre eux". Il apparaît donc, à la lecture de ce document, qu'un apprenti qui a fait un travail particulier peut être payé par son maître et que, dans cette profession, la durée de l'apprentissage est, à cette époque de quatre ans. La sentence se fonde en droit sur une parfaite impartialité du juge à l'égard des parties en présence, aucune d'elles ne bénéficiant d'une quelconque mansuétude particulière.

C'est enfin la réalité même de l'apprentissage qui est contestée, le 18 mai 1794-29 floréal an II [20]. Le jeune "Louis Antoine Lemaire demeurant rue de Neuilly, n° 11 et à présent logé chez Cochegrue, rue des Fossés Bernard" réclame "trente livres pour huit journées de travail" au "citoyen Doré, charron rue des fossés Bernard". L'employeur reconnaît bien la présence auprès de lui du demandeur, mais que celui-ci "ne connaît pas encore bien son état" et lui offre seulement 20 livres pour les 8 jours effectués. Le jeune Lemaire déclare connaître suffisamment le travail que "son père, lui-même charron, lui avait appris". Le juge fait comparaître le père, mais celui-ci ne répond pas à l'invitation. Le jugement porte à 25 livres le prix des huit ourss de travail, les dépens étaant compensdés entre les parties.

En conclusion, donc, si ces minutes de la justice de paix n'ont pas pour objet la présentation systématique de la situation socioprofessionnelle des individus, elle peuvent apporter quelques éclairages précis sur le monde du travail de l'époque.

D'une part, les chiffres des gages et des salaires peuvent être considérés comme fiables, dans la mesure où c'est un juge qui les cautionne, tant au niveau de l'exposé des motifs que dans les sentences qu'il prononce pour chaque cas.

D'autre part, les modes de realtions entre les employeurs et les salariés (travail de production ou/et apprentissage ; paiements au temps ou à la tâche ; pressions diverses sur le salariat lui-même, etc.) sont assez significatifs pour servir, sinon de modèles, au mooins d'exemples particuliers dans cet espace géographique.

Enfin, le rôle du juge de paix est ici reconnu par les parties en présence : ses estimations, les propositions de conciliation qu'il avance parfois, le jugement qu'il rend au civil ou le procès-verbal qu'il établit en bureau de paix et de conciliation sont autant de décisions qui lui confèrent une audience et une fonction éminentes. Ceci peut expliquer qu'en dehors des aléas de la conjoncture politique, l'élection du personnage est considérée comme importante et utile aux relations inter humaines, fussent-elles nécessairement conflictuelles comme souvent lorsqu'il s'agit, comme ici, de relations sociales.

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Annexe n° 1 - Archives de Paris, D 12 U1 8, n° 323

"Aujourd'hui dix août mille sept cent quatre vingt onze, par devant nous Jacques René Mortier juge de paix de la section du Jardin-des-Plantes à Paris, assisté de Messieurs Lemoine et Almain nos assesseurs, en notre audience tenante en une des salles de St -Victor est comparu le sieur François Parizot doreur, demeurant à Paris rue des Précheurs, demandeur, suivant l'exploit de citation  signifié à sa requête le huit de ce mois par Malgras, huissier commis pour le service de notre juridiction, au sieur Cordier, tendant ledit exploit à ce que le sieur Cordier soit condamné a lui payer 1° la somme de six livres pour ouvrages d'imprimerie faits par le fils mineur dudit sr Parizot pour le compte et d'après les ordres dudit sr Cordier ; 2° la somme de quarante huit livres par forme de dommages intérêts résultant de ce que le sr Cordier a frappé le fils du sr Parizot dimanche dernier sept du courant  lorsqu'il s'est présenté  chez lui pour être payé de ladite somme de six livres et lui a fait des contusions et blessures au visage, par l'effet desquelles blessures il est au lit malade sans qu'on sache quand il pourra être rétabli, offrant le demandeur de justifier des faits en cas de dénégation, et à ce qu'il soit fait défense au sr Cordier de plus à l'avenir frapper et maltraiter le fils dudit sr Parizot , et que pour l'avoir fait par le sr Cordier il soit permis au sr Parizot de faire imprimer et afficher le jugement à intervenir, et ce au nombre de deux cents exemplaires dans l'étendue de la capitale, aux frais et dépens du sr Cordier, et, par forme de réparation civile le tout aux dépens dans lesquels entreraient les frais d'impression et d'affiche.

Est aussi comparu le sr Claude Edmond Cordier, exorciste du diocèse de Paris, y demeurant quai des Miramiones, défendeur, lequel a soutenu, savoir sur le premier chef de demande, ne devoir que quatre livres quatre sols au lieu des six livres demandées, et à offert de payer au sr Parizot ladite somme de quatre livres quatre sols ; et, sur le second chef de demande, a déclaré que, par le résultat de la transaction verbale faite le sept de ce mois entre le sr Parizot père et lui, en présence de M. Mandon, commissaire de police de cette section, en la salle où nous sommes, le sr Parizot père a accepté la promesse que lui a faite ledit sr Cordier de lui payer, dès le lendemain, une somme de vingt-quatre livres par forme d'indemnité de voies de fait auxquelles, dans un instant de vivacité, lui sr Cordier s'est livré contre le fils du sr Parizot, et, en effectuant sa promesse, a offert réellement en notre présence et celle de nos assesseurs, au sieur Parizot la somme de vingt-quatre livres en deux billets de la Caisse patriotique montant ensemble à vingt-cinq livres sur lesquels il a demandé qu'il lui fût rendu vingt sols par le sr Parizot qu'il a soutenu non recevable dans le surplus de son second chef de demande.

Après avoir entendu les dires et moyens respectifs des parties, nous, de l'avis de nos assesseurs, donnons acte au sieur Cordier de ce que le sr Parizot s'est restreint à quatre livres quatre sols sur le premier chef de demande. En conséquence, condamnons le sr Cordier suivant ses offres à payer au sr Parizot la somme de quatre livres quatre sols pour le restant des ouvrages d'imprimerie faits par le fils dudit sr Parizot au compte et par les ordres dudit sr Cordier. En ce qui concerne le second chef de la demande du sr Parizot, donnons pareillement acte au sr Cordier de ce que le sr Parizot, après être convenu verbalement à notre audience, avoir accepté la promesse que lui avait faite ledit sr Cordier, le sept de ce mois, de lui payer le lendemain matin une somme de vingt-quatre livres par forme d'indemnité des suites des voies de fait auxquels il s'était livré contre le fils dudit sr Parizot. Et après avoir ajouté que, s'il avait formé devant nous une demande pour raison desdites voies de fait, c'était parce que le sr Cordier avait refusé, le huit au matin, d'effectuer sa promesse, a déclaré à cette même audience se restreindre à ladite somme de vingt-quatre livres pour les dommages intérêts résultant des suites desdites voies de fait, à condition que le sr Cordier lui paierait incontinent la dite somme. En conséquence, condamnons le sr Cordier à payer au sr Parizot la somme de vingt-quatre livres dont il vient de faire des offres réelles. Faisons défense au sr Cordier de plus à l'avenir maltraiter ni frapper le fils du sr Parizot. Sur le surplus des fins et conclusions formant le second chef de la demande du sr Parizot, mettons les parties hors de procès. Condamnons le sieur Cordier aux dépens que nous avons liquidés à trois livres, tant pour le coût de l'exploit de citation que pour le coût de la levée et notification de notre présent jugement, non compris le papier.

Ainsi jugé et prononcé aux parties par nous, juge de paix, de l'avis de nos assesseurs, lesdits jour et an."

3 signatures : Mortier - Lemoine - Almain

Ponctuation et orthographe reconstituées

 

 

 

Annexe n° 2 - Archives de Paris, D 12 U1 9, n° 1651

"Cejourdhuy sextidi six brumaire de lan deuxieme de la République francaise Une et Indivisible, pardevant nous, Jean Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes, assisté des cens Sebire et Felix nos assesseurs, en notre audience tenante en notre demeure, rue des Fossés St Bernard N° 38.

Sont comparus la cenne Legendre, fille majeure, demte rue Mouffetard N° 350, maison du cen Gaillard, demanderesse d'une part, et le cen Rémond, chirurgien, demt rue des Fossés St Victor, deffendeur d'autre part.

Lesquels nous ont declaré se presenter devant nous volontairement et sans citation affin d'avoir jugement sur le différent elevé entre eux 1° relativement au payement que demande la citoyenne Legendre contre le cen Rémond de dix mois de gages, savoir : trois mois à raison de huit livres par mois et sept mois à raison de deux autres livres par mois, non compris le blanchissage 2° relativement à la remise d'une somme de vingt cinq livres restant de celle de trente livres confiée au cen Rémond pour la cenne Legendre 3° Relativement à la remise d'un deshabillé acheté pour ladite cenne Legendre pour recompense de peines extraordinaires 4° enfin relativement a la remise de differents linges hardes et effets consistant en ce qui suit, savoir : une robe et un jupon de mousseline rayée, un rideau d'indienne dont la cenne Cluvatier luy à fait cadeau, six chemises, sept bonnets ronds dont un garni de dentelle, cinq mouchoirs de poche, quatre jupons de dessous, et une toile cirée, et le tout avec interests et depens.

Après que le cen Rémond est convenu que la cenne Legendre lavoit servi pendant dix mois ; que pendant les trois premiers mois elle ne luy servoit que de femme de ménage et qu'elle devoit etre payée à raison de huit livres ; qu'à legard des sept autres mois il ny avoit pas eu de prix de fait après qu'il est convenu que chacun des malades devoir donner dix livres par mois pour les services quelle leur rendoit ; qu''il avoit eu pendant le temps que la citoyenne Legendre la servi deux, trois et jusqu'à quatre malades ; qu'il luy avoit eté remis une somme de trente livres pour la cenne Legendre ; qu'il avoit eté fait un deshabillé pour la cenne Legendre en reconnoissance des peines extraordinaires ; que ce deshabillé avoit couté soixante livres et qu'il avoit recu dix livres d'une personne etrangere pour cooperer a l'achat dudit deshabillé ; après qu'il nous a representé la notte de toutes les sommes par luy payées et remises jusqua ce jour à la cenne Legendre montant à cinquante huit livres cinq sols ; après qu'il a avoué que les travaux de la cenne Legendre consistoient en des objets penibles, difficiles et rebuttants attendu qu'il etoient relatifs aux traitements des maladies veneriennes dont il entreprenoit la guerison ; après qu'il a reconnu que les effets revlamés par la cenne Legendre etoient encore en paquets chez luy tels qu'elle les avoit laissés et qu'il etoit pret à les remettre ; après que la cenne Legendre a reconnu avoir recu les sommes ennoncées au bordereau representé par le cen Rémond et avoir retenu sur les trente livres à elle données la soe de cinq livres et navoir remis que vingt cinq livres ; après qu'elle a observé que dans le bordereau il se trouvoit une somme de quatre livres quinze sols pour le blanchissage et que le blanchissage luy etoit du et qu'elle avoit depensé pour ledit blanchissage trois livres ou quatre francs par mois.

Nous juge de paix, de lavis de nos assesseurs, donnons acte a la cenne Legendre des declarations et des aveux du cen Rémond, le condamnnons en consequence à payer a la cenne Legendre la somme de cent quatre vingt douze livres quinze sols savoir 1° vingt quatre livres pour trois mois à raison de huit livres par mois 2° cent seize livres quinze sols pour les sept mois de gages à raison de deux autres livres par an, somme a laquelle nous avons fixé lesdits gages vu le genre de travail de ladite cenne Legendre 3° vingt cinq livres pour depot fait par ladite cenne Legendre 4° vingt sept livres, somme a laquelle nous fixons le prix de son blanchissage ; le condamnons a payer les interests de toutes lesdites sommes a compter du jour de la demande ; disons neantmoins qu'il sera fait sur le montant desdites sommes deduction de celle de cinquante huit livres cinq sols, montant du bordereau des sommes remises et avancées par le cen Rémond, lequel bordereau representé par luy et reconnu exact par la cenne Legendre demeurera annexé à notre jugement après avoir eté de nous signé et paraphé ; disons en outre que le citoyen Rémond sera tenu de remettre dans le jour de la notiffication de notre present jugt suivant ses offres a ladite cenne Legendre les linges hardes et effets ennoncés en la demande et a elle appartenant ; disons qu'il sera egalement tenu de luy remettre dans le même delay le deshabillé acheté pour elle ; sinon, et faute de remettre dans ledit delay tous lesdits effets, le condamnons a payer la somme de soixante livres pour le deshabillé et, à l'égard des autres effets, la valeur suivant l'estimation qui en sera faite ; et condamnons le cen Rémond aux depens que nous avons liquidés à cinquante cinq sols pour le coust de la delivarnce et notification du present jugement, non compris le papier et l'enregistrement.

Ainsi jugé par nous juge de paix de lavis de nos assesseurs, lesdits jour et an".

3 signatures : Felix - Lessore-Sebire

"Et a l'instent ledit cen Rémond a payer, à compte du montant des condamnations cy dessus et sans prejudice de ses droits pour se pourvoir contre ledit jugement, la somme de vingt livres duquel payement nous luy avons donné acte, lesdits jour et an".

3 signatures : Sebire - Felix - Lessore

Orthographe conservée. Ponctuation reconstituée

 

 

 

Annexe n° 3 - Archives de Paris D 12 U1 9, n° 1356-1372-1380

[1356] Cejourdhui seize fevrier mil sept cent quatre vingt treize, deuxieme de la republique francaise, pardevant nous Jean Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes a Paris, assisté des citoyens Testard et Rosier nos assesseurs en notre audiance tenante en notre demeure, rue des Fossés Saint Bernard n° 38.

Est comparu le citoyen Henry Bouchoux, garcon boucher demt a Paris rue Censier demandeur, aux fins de l'exploit de citation du treize du mois signiffié a sa requete par Malgras, huissier commis pour le service de notre juridiction, au citoyen Francois Robert, md boucher demt a Paris rue du Paon Saint Victor deffendeur, tendant ledit exploit a ce que le deffendeur soie condamné de payer au demandeur la somme de cinquante quatre livres cinq sols restant a payer de celle de soixante dix livres pour gage de salaire du au demandeur pour avoir servi le deffendr pendant trois mois et demi en sa qualité de garcon boucher, depuis le premier octobre der jusques et compris le seize janvier de la pte année a raison de cinq livres par chaque semaine, prix convenu entre les parties ensemble avec interests suivant la loy et aux depens.

Est aussi comparu le citoyen Robert deffendr, lequel a dit que le demandeur na travaillé chez lui que douze semaines, ce qui ne peut faire trois mois et demi ; qu'en outre il est prest de payer lesd. douze semaines a raison du prix convenu de 4 # a la charge par le demandeur de tenir compte d'un veau quil sest laissé voler dans sa voiture à la Halle.

A quoi a eté repliqué par le demandeur qu'il  n'est point responsable des accidents quil peut lui arriver lorsquil est avec son maitre etant avec lui lorsque le veau a été volé, pourquoi il ne peut lui en tenir compte et persiste dans ses conclusions.

Nous, de l'avis de nos assesseurs, donnons acte au demandeur de la declaration faite par le deffendr de ce qu'il a resté chez lui pendant douze semaines et de ses offres de payer le prix de quatre livres par semaine. Et, avant de faire droit aux dittes parties, remettons la cause a jeudi vingt un fevrier present mois, jour auquel les parties comparoitront de nouveau devant nous, et le deffendeur apportera son registre, tous les droits de parties et dépens reservés.

Ainsi jugé par nous juge de paix susdit, de lavis de nos assesseurs, lesd. jour et an.

Trois signatures : Rosié - Testard - Lessore

 

[1372] Et le jeudi vingt un fevrier audit an mil sept cent quatre vingt treize deuxieme de la Republique francaise, pardevant nous Jean Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes, assisté des citoyens Rosier et Testard nos assesseurs en notre audiance tenante en notre demeure rue des Fossés Saint Bernard , conformément à la remise de cause enoncée en notre jugement du seize fevrier  present mois, sont comparus de nouveau les citoyens Henry Bouchoux, demandeur et Robert, deffendeur.

Après avoir entendu de nouveau les dires et moyens respectifs des parties ; attendu que le deffendeur ne represente pas son registre ; et attendu l'impossibilité ou a paru etre pour l'instant le deffendeur de repondre clairement aux questions a lui faite, vu l'exploit de citation a notre jugement susdatté ;

Nous, de lavis de nos assesseurs, remettons la cause a jeudi prochain vingt huit du present mois, jour auquel les parties comparaitront de nouveau pour leur faire droit, tous leurs droits et depens reservés.

Ainsi jugé par nous, juge de paix, de lavis de nos assesseurs, lesd. jour et an.

Trois signatures : Rosié - Testard - Lessore

 

[1383] Et le vingt huit fevrier audit an mil sept cent quatre vingt treize l'an deuxieme de la republique francaise, pardevant nous Jean Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes a Paris, assisté des citoyens Rosié et Testard nos assesseurs en notre audiance tenante en notre demeure rue des Fossé Saint-Bernard n° 38, conformément à notre jugement de remise de cause a cejourdhui en datte du vingt un fevrier pt mois, sont comparus de nouveau les citoyens Henry Bouchoux, demandeur d'une part, et Robert, deffendeur d'autre part,

apres avoir entendu de nouveau les parties, après que le citoyen Bouchoux a persisté a declarer que pendant que son maitre l'a occupé le veau dont il s'agit a eté volé ; et apres que le citoyen Robert a declaré que c'est après avoir chargé son garcon dun veau, que lui a eté pour charger sa voiture et quil a persisté à soutenir quil ne devait payer que quatre livres par semaine,

nous, de lavis de nos assesseurs, condamnons le citoyen Robert a payer au citoyen Bouchoux la somme de quarante huit livres pour le prix de douze semaines a raison de quatre livres par chaque semaine et renvoyons le citoyen Robert de sa demande en compensation pour la perte dudit veau ; condamnons également le citoyen Robert aux depens que nous avons liquidés a la somme de cinq livres huit sols tant pour le cous de la citation, que pour la delivrance de nos jugements interlocutoires, notre present jugement et la notification d'iceux, compris le papier et non l'enregt.

Ainsi jugé par nous, juge de paix, de lavis de nos assesseurs, lesd. jour et an.

Trois signatures : Rosié - Testard - Lessore

Orthographe conservée. Ponctuation reconstituée

 

Annexe n° 4 - Archives de Paris D12U1 8, n° 655       


       Cejourd'hui, vingt trois janvier mil sept cent quatre vingt douze l'an quatrième de la liberté, pardevant nous Jacques René Mortier juge de paix de la section du Jardin des Plantes à Paris, assisté de Messieurs Lemoine et Praslon nos assesseurs en notre audience tenant en une des salles de Saint Victor, sont comparus le sieur Benoit Jean Francois  Mouillot, apprenti fondeur en caracteres demeurant à Paris rue Galande d'une part, et le sieur Jean Baptiste Demailly, fondeur en caracteres demeurant à Paris quai des Miramiones ancien hotel de Clermont Tonnerre d'autre part.
       Lesquels ont déclaré se presenter, volontairement et sans citation, à l'effet d'avoir jugement sur le différent élevé entr'eux relativement au payement de la somme de huit livres pour quatre journées que repete le sr Mouillotot contre le sr Demailly et sur le refus que fait le sr Montiot de continuer de travailler chez le seur Demailly, conformement à la convention fait entr'eux pour son apprentissage, attendu qu'il pretend que le sr Demailly l'a renvoyé.
       Après avoir entendu les dires et moyens respectifs des parties, apres que le sr Demailly a reconnu devoir au sieur Montiot la soe de huit livres et demie et avoir renvoyé le sr Mouillotot ; mais a déclaré que dans un moment où il le voyait se disputer et prêt à se battre avec d'autres apprentis, il l'a fait sortir dans le moment de la querelle ; après qu'il a demandé qu'il soit par nous ordonné que le sr Mouillot soit tenu de rentrerde l'atelier de lui sieur Demailly suivant la convention faite entr'eux pour l'apprentissage dudit sieur Mouillot ; et après que le sr Mouillot a reconnu que, par la convention faite entre le sieur Demailly et lui pour son apprentissage, lui sieur Mouillot s'est engagé pour quatre ans, et qu'il a été fixé un dédit de cinquante livres ;
       Nous, de l'avis de nos asseseurs, donnons acte au sieur Mouillot de l'aveu fait par le sr Demailly de lui devoir la soe de huit livres ; en consequence, condamnons le sr Demailly à paÿer au sr Mouillot le soe de huit livres pour les causes cy dessus énoncées ;  et, faisant droit sur la dde incidente formée par le seiur Demailly à fin d'execution de la convention faite entre les parties pour l'apprentissage du sieur Mouillot, donnons acte au sr Demailly de l'aveu  du sr Mouillot de sêtre engaagé pour quatre ans avec dédit de cent cinquante livres ; donnons acte au  sr  Demailly de la denegation d'avoir renvoyé le sr Mouillot et de sa declaration de l'avoir seulement éloigné pour le moment, pour éviter dees querelles entre lui et ses camarades ; en consequence, disons que le sr Mouillot sera tenu de rentrer chez le sr Demailly pour y continuer son apprentissage, depens compensés entre les parties.
Ainsi jugé et prononcé aux parties par nous, juge de paix, de l'avis de nos assesseurs, lesdits jour et an.

Trois signatures : Lemoine - Mortier - Pralon

Orthographe conservée. Ponctuation reconstituée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

[1] BURSTIN Haïm, Une révolution à l'oeuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Éd. Champ Vallon, Seyssel, 2000.

[2] DUCOUDRAY Émile, MONNIER Raymonde, ROCHE Daniel, Atlas de la Révolution française, t. 11, Paris, Paris, EHESS, 2000, p. 38.

[3] Ibid., p. 40. 

[4] Voir, sur ce site, l'article "Minutes de justice de paix et professions à Paris. L'exemple de la section du Jardin-des-Plantes (Sans-Culottes) de 1791 à 1795".

[5] Loi du 14 juin 1791 :

"(...) Art. 2. Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d'un art quelconque ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.
Art. 3. Il est interdit à tous les corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou pétition pour la dénomination d'un état ou profession, d'y faire aucune réponse ; et il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette manière, et de veiller soigneusement à ce qu'il ne leur soit donné aucune suite ni exécution.
(...) Art. 8. Tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail appartenant à toutes sortes de personnes, et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l'action de la police et l'exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et adjudications publiques de diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux, et, comme tels, ils seront dissipés par les dépositaires de la force publique, sur les réquisitions légales qui leur en seront faites, et punis selon tout la rigueur des lois sur les auteurs, instigateurs et chefs desdits attroupement, et sur tous ceux qui auront commis des voies de fait et des actes de violence".

[6] A.Paris, D12 U1 8, 323.

[7] A.Paris, D12 U1 8, 475-478.

[8] A.Paris, D12 U1 9, 1849.

[9] A.Paris, D12 U1 9, 1547.

[10] A.Paris, D12 U1 8, 295.

[11] A.Paris, D12 U1 8, 475.

[12] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris, Fayard, Paris, 1998, ch. 3, "Fortunes et infortunes populaires", p. 90 sqq.

[13] A.Paris, D12 U1 9, 1267.

[14] A.Paris, D12 U1 9, 1524.

[15] A.Paris, D12 U1 9, 1704.

[16] A.Paris, D12 U1 8, 1124.

A.Paris, D12 U1 8, 465.

 [18] A.Paris, D12 U1 9, 1710.

[19]  A.Paris, D12 U1 9, 1809.

[20]  A.Paris, D12 U1 9, 1805-1810.