G.-J.B. Target (1733-1807)

 Essai de comparaison entre deux cantons ruraux

Bellenaves (Allier) et Boissise-la-Bertrand (Seine-et-Marne) - 1791-1795

Retour à l'accueil

Guide de recherche

Glossaire

Bibliographie

Travaux personnels

 

© Il vous est possible d'utiliser, en toute liberté, dans vos propres travaux et recherches, tout ou partie de ces documents, à une double condition conforme aux usages de publication : l'exactitude des citations reproduites ; la référence de la source produite.


Mots clés : Justice de paix - Monde rural - Conflits - Allier - Seine-et-Marne - Bellenaves - Boissise-la-Bertrand


 

Sommaire de l'article (vous pouvez accéder directement à chacune des sections du texte :

 

Introduction : raisons d'une recherche

Une répartition chronologique différente dans les rythmes annuels des procès

Une répartition chronologique différente dans les rythmes mesuels des procès

Ecarts entre les procès concernant les droits patrimoniaux réels

Ecarts entre les procès concernant les droits patrimoniaux personnels

Ecarts entre les procès concernant les droits extra patrimoniaux 

Aperçu des affaires pénales traités par le juge de paix

Conclusion : les incertitudes de la recherche

Annexe 1 : les objets des litiges au pénal

Annexe 2 : un jugement en comparution volontaire de deux soeurs

Annexe 3 : une rixe à Seine-Port qui a failli mal tourner

Notes




             La présente étude a pour objet le traitement juridique des conflits, au civil comme au pénal, dans les justices de paix de deux ensembles géographiques et humains qui, au moment de la Révolution française, présentent un certain nombre d'analogies. D'une part, en effet, il s'agit de deux cantons essentiellement ruraux, à la démographie comparable (entre 5 000 et 6 000 habitants vers 1793) [1], et dont aucune des localités qui les composent ne comporte plus de deux mille habitants à la fin du XVIIIe siècle. D'autre part, ils sont tous deux soumis au droit coutumier [2] et leurs juges de paix ont vu leur mandat renouvelé pendant toute la période qui s'étend des premières élections des juges de paix (fin 1790) jusqu'à la mise en place de la constitution de l'an III (fin de l'été 1795) [3]. Certes, le nombre total d'actes recensés dans les deux juridictions présente un déficit relatif  à Bellenaves, comme le précise le tableau suivant :

Actes recensés dans les deux juridictions entre 1791 et 1795 (inclus)
--- Justice civile Police rurale et correctionnelle Justice gracieuse et administrative Bureau de conciliation Total
Boissise-la Bertrand 835 154 523 0 1512
Bellenaves 982 60 92 87 1221

Mais le corpus des jugements établis en matière contentieuse (justice civile) ou pénale (police correctionnelle et rurale), représentant les conflits et objets de la présente analyse, est quantitativement comparable :

1. Ensemble des affaires traitées au civil et au pénal par le juge de paix
--- Justice civile Police rurale et correctionnelle Total général
___ Total JC % Total PC % XXX
Boissise-la-Bertrand 835 84,4 % 154 15,6 % 989 = 100 %
Bellenaves 982 94,2 % 60 5,8 % 1 042 = 100 %

 

Certains de ces procès, au civil ou au pénal, ayant donné lieu à des reprises au cours de plusieurs séances, on peut limiter les chiffres recensés aux seules "affaires différentes", que celles-ci aient été traitées au cours d'une ou de plusieurs audiences :

 

2. Ensemble des affaires différentes traitées au civil et au pénal par le juge de paix
--- Justice civile Police rurale et correctionnelle XXX
--- Total JC % Total PC % XXX
Boissise-la-Bertrand 756 83,6 % 148 16,4 % 904 = 100%
Bellenaves 912 95,5 % 43 4,5 % 955 = 100 %
 

Il apparaît donc que les deux juges de paix ont traité, au cours de la période, un nombre sensiblement égal d'affaires "différentes" (de 904 à 955, soit entre 15 et 16 affaires nouvelles par mois), même si leur répartition entre la justice civile et la police correctionnelle présente des différences qui seront analysées ultérieurement.

 

Retour possible au sommaire

 Une double problématique comparative

L'enquête comparative menée dans  les minutes des deux juridictions pourrait apporter des éléments de réponse à deux questions :

1 - leur répartition (annuelle et mensuelle) présente-t-elle quantitativement des différences notables ?

2 - l'étude des objets des procès ainsi répertoriés présente-t-elle des écarts entre les deux juridictions et, à travers eux, des différences dans ce monde rural de la fin du XVIIIe siècle ? Et, dans l'affirmative, quelles peuvent en être les interprétations ?

 

1. Une répartition chronologique partiellement différente dans les deux juridictions

Existe-t-il une différence notable de ces rythmes au cours des années ? Perçoit-on des différences dans les rythmes mensuels moyens au cours de la période considérée ? C'est à ces deux questions que l'étude des données chiffrées peut permettre de répondre.

 

1.1. Des rythmes annuels différents selon les cantons et les formes de justice

Il est possible d'établir en premier lieu un tableau comparatif des rythmes annuels des affaires [4] traitées par les deux juges de paix selon qu'il s'agit de la justice civile ou de la police correctionnelle [5] :

 
Procès en justice civile
--- 1791 1792 1793 1794 1795
Boissie_la_Bertrand 195 145 175 125 120
Bellenaves 208 210 160 155 175

Procès en police rurale et correctionnelle

---

1791

1792

1793

1794

1795

Boissise-la-Bertrand

5

30

42

48

35

Bellenaves

0

10

8

18

10


Pour les procès en justice civile, les rythmes annuels marquent des différences sensibles entre les cantons. À Boissise-la-Bertrand, c'est dès la seconde année que les procès se ralentissent, même si l'année 1793 connaît un regain d'intérêt. À Bellenaves, les deux premières années témoignent d'un fort appel à cette justice nouvelle ; au cours des années suivantes le rythme se ralentit pour décroître, comme à Boissise, en 1795.

En ce qui concerne les actes de la police rurale ou correctionnelle établis en justice de paix, les rythmes annuels sont peu significatifs, même si leur importance quantitative est infiniment plus importante dans le premier canton présenté. Cette différence peut s'expliquer soit par la plus grande fréquence des délits proprement correctionnels commis à Boissise, soit par le transfert en correctionnelle de délits qui, à Bellenaves, sont du ressort de la simple justice civile, les autorités administratives, souvent demanderesses à Boissise, ne s'insérant pas ici dans le processus du règlement de conflits interpersonnels.

 

Retour possible au sommaire

1.2. Des rythmes mensuels différents selon les cantons et les formes de justice

Les moyennes mensuelles des affaires traitées peuvent apparaître dans le tableau comparatif suivant : 

Moyennes mensuelles des affaires traitées par le juge de paix entre 1791 et 1795 (inclus)

---

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Septem.

Octob.

Novem.

Décem.

Boissise-la-Bertrand

10

11

12

10

17

14

17

17

17

16

11

8

Bellenaves

14

14

11

10

14

10

13

13

16

22

24

18

Les deux cantons se distinguent nettement pour la période d'automne, le juge de Bellenaves ayant alors beaucoup plus d'affaires à traiter que son collègue de Boissise-la-Bertrand : c'est pendant les trois mois d'octobre à décembre qu'il connaît sa plus grande activité.

Ceci peut s'expliquer par la différence des structures agraires existant entre les deux cantons. À Bellenaves domine la petite exploitation dont les acteurs sont soit des petits propriétaires soit des métayers ou petits fermiers : ils accumulent tout au long de l'année des dettes pour leur alimentation quotidienne ou pour le paiement de leurs fermages, et leurs créanciers attendent les rentrées d'argent fournies par les moissons et les vendanges pour leur réclamer le paiement de ces dettes [6]. Dans le canton de Boissise-la-Bertrand, les grandes propriétés sont gérées par des fermiers généraux qui, à l'instar de leurs homologues de l'Artois décrits par Jean-Pierre Jessenne [7], ont des rapports d'employeurs à salariés avec leurs cultivateurs ou manouvriers  : les conflits sont moins d'ordre marchand que social et les ressources provenant des récoltes ne fixent pas le calendrier des procès.

Il serait donc possible d'établir une corrélation entre les rythmes des activités du juge de paix et la chronologie sociopolitique dans les deux cantons ruraux : d'une part, ces activités sont d'autant plus nombreuses qu'elles se situent au début de la période considérée, soit jusqu'à la fin de la monarchie constitutionnelle ; d'autre part, elles sont fortement liées aux rythmes annuels de l'activité agricole et aux formes mêmes des structures sociales de chacun des cantons.

 

Retour possible au sommaire

2.  Une répartition des objets différente dans les deux cantons

Les annexes 1 et 2 ont servi de base de travail pour cette partie de l'étude comparative. Seront examinées successivement les affaires contentieuses, puis les affaires de police rurale ou correctionnelle.

 

2.1. Les affaires contentieuses

Les affaires liées aux droits patrimoniaux (réels et personnels) seront distinguées de celles, beaucoup moins nombreuses, qui portent sur les droits extrapatrimoniaux [8].

2.1.1. Les procès concernant les droits patrimoniaux réels (1.1)

Le tableau qui suit permet d'établir une comparaison entre les deux cantons à propos de la répartition de ces droits patrimoniaux dans les conflits qui opposent les individus :

Procès concernant la défense des droits patrimoniaux réels

---

Canton de Boissise-la-Bertrand

Canton de Bellenaves

---

1791

1792

1793

1794

1795

Total

% T1-1

%TG**

1791

1792

1793

1794

1795

Total

% T1-1

% TG**

1A* [9]

15

26

26

25

23

115

82,7

15,2

8

19

5

11

14

57

57,6

6,3

1C*

0

1

8

8

2

19

13,7

2,5

2

3

1

2

2

10

10,1

1,1

1D*

4

0

0

1

0

5

3,6

0,7

8

5

4

7

8

32

32,3

3,5

T1-1

19

27

34

34

25

139

---

18,4

18

27

10

20

24

99

---

10,9

 * Voir le glossaire (objet juridique) pour la signification des sigles

** Pourcentage établi par rapport au total général des affaires nouvelles en justice civi

Ces procès occupent, dans les deux cantons, une place relative peu différente par rapport à l'ensemble des actes de justice civile entre les deux juridictions, même si cette proportion est plus faible à Bellenaves qu'à Boissise. Par contre, les procès concernant la défense des droits de propriété  (1A) sont nettement plus nombreux dans ce dernier canton. Il est possible de rapprocher ce constat de la structure différente des exploitations agricoles ici et là. À Boissise, les grandes propriétés dominent, la plupart du temps tenues par des fermiers soucieux de la défense stricte des surfaces cultivables. L'exemple le plus significatif est fourni par les très nombreux conflits qui opposent, pour des anticipations assez importantes, sur le territoire de Pouilly-le-Fort, hameau de la paroisse de Vert-Saint-Denis, le fermier-laboureur André Charon, du même village, au fermier-laboureur Louis Berton, demeurant au village d'Éprunes, sur la paroisse limitrophe de Réau, ou à d'autres fermiers des environs. Ainsi, le 11 août 1791 [10], après les moissons, le premier accuse devant le juge de paix les seconds de "coupe et enlevement des bleds … sur deux pieces de terre … ensemencées l'an dernier" ; un expert est nommé malgré les dénégations du défenseur qui prétend avoir toujours labouré et ensemencé les parcelles litigieuses. La semaine suivante [11], sur le rapport de l'expert et après les témoignages de quatre manouvriers "qui ont unanimement déposé qu'il etoit a leur connoissance que ledit Charon avoit labouré ensemencé l'année dernière les portions de terrein désignées en notre jugement du 11 aout dernier", Berton est condamné par défaut à "rendre les trente sept gerbes ou a payer pour la valeur d'icelles la somme de vingt sept livres" ; il est en outre condamné aux dépens qui s'élèvent, compte tenu de la "taxe" payée à chacun des témoins [12] à la somme de 12 livres. L'opposition au jugement présentée à l'audience suivant [13] par le condamné est, malgré les témoignages de trois des employés de ce dernier, définitivement rejetée par le juge.  À Bellenaves, de nombreux exploitants, travaillant sur des parcelles infimes, combattent les empiètements qui sont effectués sur ces terres dont la moindre superficie est précieuse : "… un fossé creusé le long d'un pré d'un pied de large sur quinze pouces de profondeur …" [14] " … anticipation d'un rais de trois pieds de terre …" [15]); "… une petite partie de terrain pour y pratiquer un chemin…" [16].

La part plus importante prise, dans ce canton, par les affaires liées aux problèmes de succession (1D) peut être mise en relation avec le fait que c'est devant le juge de paix que les intervenants portent leurs différends, les sommes et biens en cause étant souvent de faible valeur : l'annexe 3 donne un exemple de la modicité de ces successions et de l'intérêt qu'elles représentent cependant pour la  vie des héritiers [17].

En ce qui concerne la répartition dans le temps de l'ensemble des procès concernant la défenses des droits réels, les différences apparaissent dans le diagramme suivant :

Procès concernant l'ensemble des droits patrimoniaux réels
1791 1792 1793 1794 1795
Boissise-la-Bertrand 19 27 34 34 25
Bellenaves 18 27 10 20 24

Aucune analogie ne peut être établie entre les deux courbes, à l'exception des deux premières années au cours desquelles elles sont identiques. Elles divergent ensuite totalement, sans qu'il soit possible d'énoncer une explication plausible à ce phénomène, même si les causes sont nettement plus nombreuses à Boissise en 1793 et 1794. Peut-être est-il possible d'évoquer, pour la situation à Bellenaves, le rôle du représentant Fouché dans le département de l'Allier en octobre 1793 ? Mais l'étude de cette corrélation éventuelle reste à mener.

Retour possible au sommaire

2.1.2. Les procès concernant les droits patrimoniaux personnels

Le tableau qui suit témoigne des différences qui peuvent exister pour la défense des droits personnels :

Procès en justice civile concernant la défense des droits personnels
--- Boissise-la-Bertrand Bellenaves
--- 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1-2 % TG1 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1-2 % TG 1
1E* 16 10 4 4 2 36 7,1 % 4,5 % 18 30 30 16 12 106 13,8 % 11,6 %
1F* 40 18 24 12 18 112 22 % 14,8 % 46 49 30 36 51 212 27,6 % 23,2 %
1G* 10 6 5 1 3 25 4,9 % 3,3 % 26 13 17 10 12 78 10,1 % 8,6 %
1H* 8 0 2 1 2 13 2,5 % 1,7 % 19 16 13 4 4 56 7,3 % 6,1 %
1I* 12 9 18 11 9 59 11,6 % 7,8 % 15 17 12 17 23 84 10,9 % 9,2 %
1J* 15 14 17 19 19 84 16,5 % 11,1 % 32 23 21 28 25 129 16,8 % 14,1 %
1K* 54 36 39 26 24 179 35,1 % 23,7 % 27 26 21 12 13 99 12,9 % 10,9 %
1N* 0 0 0 1 1 2 0,4 % 0,3 % 2 0 0 1 2 5 0,7 % 0,5 %
T1-2 155 93 109 75 78 510 --- 65,5 % 185 174 144 124 142 769 --- 84,3 %

* Voir le glossaire (objet juridique) pour la signification des sigles

** Pourcentage établi par rapport au total général des affaires nouvelles en justice civile

 

Sur l'ensemble des données, la différence entre les deux juridictions est plus nette que pour les droits réels : les procès concernant ces droits personnels sont beaucoup plus nombreux à Bellenaves, en chiffres absolus et relatifs. Il est possible de rapprocher cette situation de "l'habitude procédurière" qui agite traditionnellement les milieux campagnards du Bourbonnais [18]. Mais l'explication plus profonde du phénomène peut être recherchée dans les structures mêmes de l'économie et de la société de cette partie de la haute Auvergne rurale : les conflits sont d'autant plus nombreux que la pauvreté générale pousse aux emprunts quotidiens de toute sorte et à l'insolvabilité permanente d'une partie importante des journaliers et métayers qui peuplent ici les campagnes  [19].

Seuls les dus pour produits agricoles bruts (1F), les dus  pour achat, vente ou échange de produits manufacturés (1I) et les dus entre bailleurs et preneurs de locations diverses (1J) présentent une certaine analogie. Il est impossible d'en tirer une conclusion quelconque quant à la convergence relative des données dans les deux cantons. Pour ne s'en tenir qu'au dernier objet (1J), n peut affiner l'observation en faisant apparaître, dans le tableau suivant, les différents types de loyers qui donnent lieu à procès dans les deux cantons :

Types de loyers (en pourcentage)
--- Maisons Cheptel Fermage Divers
Boissise-la-Bertrand 55 8 38 2
Bellenaves 23 17 57 1
 

De grandes différences apparaissent alors dans les types de loyers en cause. À Boissise, les dus pour loyers de maisons impayés occupent la première place (55 % des causes) ; ensuite, et pour un peu plus d'un tiers des occurrences, apparaissent les dus liés aux problèmes de fermage ; enfin, à titre anecdotique, sont comptabilisés les dus pour gestion du cheptel loué (6 %)  et les dus pour loyers divers (les deux procès portent ici sur des locations impayées de bateaux pour des transports sur la Seine). À Bellenaves, la place respective des loyers de maisons et de fermage/ métayage est pratiquement inversée par rapport aux données de l'autre canton : 58 % pour les dus liés au fermage et au métayage et 25 % pour les loyers de maisons. Si les dus pour loyers divers sont, comme à Boissise de peu d'importance (2 %), les dus pour pratique de location de cheptel sont encore notables (15 %). Ici apparaît clairement la différence des modes de faire valoir des terres : à Boissise, il n'y a aucune forme de métayage, les seuls conflits de location de terre intervenant pour les fermages dus aux propriétaires par les fermiers ou les laboureurs/cultivateurs ; à Bellenaves, le métayage (la plupart du temps incluant une prise de cheptel associé à la culture des terres) est plus fréquent que le fermage et les conflits nés à l'occasion de la cessation des baux et/ou des répartitions des récoltes dans le cadre du métayage sont particulièrement nombreux (et prendront des proportions encore plus importantes sous le Directoire [20]).

La différence des niveaux de vie entre les deux cantons peut être partiellement approchée à l'occasion des conflits nés des dettes d'argent (1E). À  Boissise, ces dettes font l'objet de 36 procès, alors qu'elles sont présentes à 105 reprises à Bellenaves. On emprunte donc moins souvent près de Melun que dans le canton bourbonnais ; au moins, ces prêts sont moins souvent remboursés par les débiteurs ici que là. La seule raison objective ne peut être recherchée que dans les plus grandes difficultés de vie éprouvées dans le canton de Bellenaves. La différence entre les deux cantons se remarque aussi par rapport à la fréquence chronologique de ces procès, comme en témoigne le tableau suivant :

Procès concernant les dettes d'argent en justice civile
--- 1791 1792 1793 1794 1795
Boissise-la-Bertrand 16 10 9 9 5
Bellenaves 18 33 27 16 12
 

  De 1791 à 1792, ces affaires augmentent très fortement à Bellenaves, alors qu'elles ne cessent de diminuer à Boissise depuis le début de la période pour n'être plus que des traces dès 1793. Cependant, dans les deux cas, la baisse est notable dès la fin de la monarchie constitutionnelle, ce qui peut être rapproché du début de la dépréciation de l'assignat : on prête d'autant moins d'argent – et l'on réclame donc d'autant moins de remboursement - que l'on perd confiance dans la valeur du papier monnaie. Le troc, qui compensera de plus en plus les effets de la dévaluation monétaire jusqu'en 1797 [21], n'apparaît pourtant qu'à la fin de la période et les actes y faisant allusion sont en nombre presque égal dans les deux cantons (7 cas à Boissise et 8 à Bellenaves). À Boissise, le premier cas de troc est répertorié le 15 messidor an III-3 juillet 1795, l'exemple le plus précis étant relevé lors du conflit qui oppose, le 25 brumaire an IV- 16 novembre 1795 [22] "la citoyenne Proteau, demeurant actuellement à Saint-Port" au "citoyen Coulon père, demeurant à Noisement, commune de Savigny-Balory" : la demanderesse a "(…) fourni et livré (…) au mois de thermidor dernier la quantité de trois livres de savon de Marseil, à raison de quarante huit livres la livre, de plus une livre de chandelle de vingt quatre livres, ce qui fait au total la somme de cent soixante huit livres pour lesquels objets ledit Coulon devoit fournire a laditte Proteau trois boisseaux de pommes de terre a vingt livres le boisseau et deux hotés de perches a cinquante cinq livres, le tout rendu chez le citoyen Betouillé, passeur a Saint-Port (…)". À Bellenaves, le premier acte évoquant un paiement contesté par troc apparaît six mois plus tôt, le 5 nivôse an III-25 décembre 1794, sept autres procès portant mention de ce système d'échange au cours de l'année 1795. Parmi ceux-ci, le 1er brumaire an IV-22 octobre 1795 [23] "Mathieu Couriol, sabotier et faiseur de pelles, demeurant au Pré-du-Four, commune de Lizolle" réclame à "Jean Pinel, voiturier demeurant à La Charrière, commune de Bellenaves, deffendeur, dix boisseau de seigle et deux boisseau de froment pour prix de deux douzaines de pelles de bois a luy fournis (…)".

Retour possible au sommaire

En ce qui concerne les dus pour achats de produits agricoles bruts (1G), le tableau fait apparaître une différence importante entre les deux cantons. On se chicane beaucoup plus à propos de ces échanges à Bellenaves qu'à Boissise, en chiffres absolus (78 – 25) comme en pourcentage par rapport à l'ensemble des droits personnels (10,1 % - 4,9 %). Ici encore apparaît sans doute la différence entre les structures socio-économiques des deux cantons : les petits propriétaires et les métayers qui sont prépondérants à Bellenaves ont besoin d'emprunter des petites quantités de céréales ou d'autres produits agricoles, tant au moment des semences qu'à l'occasion des disettes, voire des famines qu'ils supportent lors des années de faible récolte, le système même du métayage renforçant alors la pénurie des preneurs de baux. À cette remarque peuvent se rattacher aussi les différences constatées à propos des conflits qu'entraînent les ventes et achats d'animaux : au métayage est presque toujours lié la prise en cheptel de bestiaux qui servent à l'exploitant notamment pour les travaux des champs, qu'il s'agisse de chevaux ou de bovins.

Pour les conflits liés aux prestations de services et aux rapports entre employeurs et salariés (1K), la situation des deux cantons peut être représentée dans un tableau qui fait apparaître, en pourcentage, la part prise par les différents types d'affaires :

 
Pourcentage des procès concernant les dettes salariales dues par les employeurs
--- Boissise-la-Bertrand Bellenaves
1. Gages des domestiques 11,2 % 19,2 %
2. Salaires ruraux (hors les gages des domestiques) 20,1 % 8,1 %
3. Salaires artisanaux 7,3 % 3,0 %
4. Autres prestations pour travaux ruraux 16,2 % 21,2 %
5. Autres prestations pour travaux artisanaux 34,6 % 30,3 %
6. Honoraires et appoints divers 10,6 % 18,2 %
Total 100 % 10 %%

 

Les procès concernant les différentes formes de travaux effectués dans le cadre des activités artisanales ou agricoles (4 et 5) ne présentent que de faibles écarts entre les deux cantons. À l'inverse, les confits nés des sommes dues par des employeurs à leurs salariés (2 et 3), qu'il s'agisse des travaux des champs ou des fabrications artisanales, sont très différents : ils sont nettement plus fréquents à Boissise qu'à Bellenaves, le salariat semblant être beaucoup plus développé dans la région parisienne que dans la zone profondément rurale de l'Allier, aussi bien dans le secteur artisanal que pour l'exploitation des terres. Par ailleurs, les petits agriculteurs de Bellenaves, propriétaires ou métayers, paraissent employer en permanence plus de personnel domestique (1) que les grands fermiers du plateau briard qui recourent à une main d'œuvre plus occasionnelle en fonction du rythme des travaux. Restent les honoraires et appointements divers (6), qui concernent essentiellement deux catégories de prestataires de services : les chirurgiens et les hommes de loi : ici encore, les dettes semblent toucher plus directement la population bourbonnaise dont les moyens d'existence plus faibles peuvent sans doute expliquer les difficultés à s'acquitter du prix des consultations et ordonnances médicales et des papiers administratifs et juridiques auxquels ils ont nécessairement recours.

Le déroulement chronologique de ces procès s'établit selon un rythme décroissant parallèle et presque identique entre les deux cantons, comme en témoigne le tableau suivant,  et n'appelle aucune remarque particulière:

 
Procès concernant les achats, ventes et échanges de bestiaux
--- 1791 1792 1793 1794 1795
Boissise-la-Bertrand 29 23 20 17 18
Bellenaves 52 38 40 26 23
 

Retour possible au sommaire

2.1.3. Les procès concernant les droits extra- patrimoniaux

La place qu'ils occupent dans l'ensemble de la justice civile est bien lisible dans le tableau récapitulatif de l'annexe 2 et peut être rappelée dans le tableau qui suit :

 
Procès concernant des injures (1L), des voies de fait (1M) et les deux associées (1LM). Total = T1-3
--- 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1-3 % TG1 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1-3 % TG1
1L* 12 15 15 12 7 61 57 8,1 3 72 25 57 7 24 54,5 2,6
1M* 3 2 0 2 4 11 10,3 1,5 1 4 4 3 3 15 34,1 1,6
1LM* 7 7 18 1 2 35 32,7 4,6 0 1 0 4 0 5 11,4 0,5
T1-3 22 24 33 15 13 107 --- 14,2 4 12 6 12 10 44 --- 4,8
 
Représentant près de 15 % des affaires traitées en justice civile à Boissise, ces procès ne participent qu'à un peu moins de 5 % dans les mêmes affaires à Bellenaves. Dans les deux cantons, les rixes seules (1M) sont relativement  peu nombreuses, la plus grande place étant prise par les injures et diffamations (1L). Mais les deux atteintes à ces formes de droits extrapatrimoniaux sont souvent combinées (1LM), les conflits verbaux se doublant rapidement d'empoignades physiques plus ou moins conséquentes.

Les injures et diffamations – sans coups associés - (1L) mettent en cause, aussi bien à Boissise qu'à Bellenaves, beaucoup plus d'hommes que de femmes, tant comme auteurs que comme victimes, comme le précise le tableau qui suit :

 
Procès concernant des injures et/ou diffamations (1L)
--- Auteurs d'injures et de diffamations Victimes d'injures et de diffamations
--- Femmes Hommes Femmes Hommes
Boissise-la-Bertrand 24 23,8 % 77 76,2 % 17 18,9 % 63 81,2 %
Bellenaves 7 19,4 % 29 80,6 % 8 29,6 % 19 70,4 %
Total des deux cantons 31 22,6 % 106 77,4 % 25 23,4 % 82 76,6 %

Ces acteurs, hommes ou femmes, sont beaucoup moins nombreux à Bellenaves qu'à Boissise. Faut-il y voir une vie sociale plus paisible en province que près de la capitale ? Il est difficile de répondre à cette question : les causes de ces conflits ne sont pas toujours explicitées dans les minutes rédigées par le greffier ; pour celles dont le contenu apparaît, les différences ne sont pas évidentes entre les deux cantons.

Il s'agit presque toujours de conflits liés au voisinage, les interlocuteurs habitant le plus souvent dans le même village, voire dans des demeures contiguës ou très proches.

Quant aux situations sociales des intervenants, elles sont semblables dans les deux cas : les protagonistes appartiennent presque exclusivement aux couches "moyennes" de la population, les "puissants" réglant leurs différends en évitant les injures ou diffamations ad hominem  et les plus pauvres redoutant sans doute de porter ce type de conflits devant une justice estimée par eux particulièrement redoutable. Quelques affaires à résonance politique sont repérables ici. Dans le canton de Boissise, certaines municipalités intentent des procès contre leurs administrés à la suite de propos tenus pour injurieux à l'égard de l'autorité : ainsi, le 5 janvier 1791 [24], le maire de Vert-Saint-Denis, Martin Cabaret, accompagné de quatre des officiers municipaux de la paroisse, poursuit en diffamation Jean Guy, manouvrier demeurant dans le même village, qui a déclaré publiquement que "les officiers municipaux mettoient de l'infidélité dans la réception des demandes pour la nomination des garde chasses". De même, le 3 octobre 1793 (12 vendémiaire an II), le maire de Boissettes, Antoine Joncières, assisté de deux officiers municipaux, Charles Duchemin et Jean Lefort, et du procureur de la commune, Louis Bourlier, demande réparation à Louis Duchemin, vigneron dans la commune, parce que "ledit Duchemin s'est permis de dire en pleine assemblée que la municipalité avoit reçu l'argent de sa giberne [offerte à "l'un des volontaires du recrutement de mars dernier"], qu'elle ne lui avoit pas rendu et qu'il ne savoit pas ce qu'elle en avoit fait". Murmures des contestations politiques qui transparaissent dans le huis clos de la demeure du juge de paix ou simple affirmation du rôle et de la puissance des autorités constituées ? La réponse n'est pas ici évidente …

Retour possible au sommaire

Les rixes et les divers coups et blessures - sans injures associées - (1M), sont toujours plus nombreuses à Boissise qu'à Bellenaves. Comme pour les causes précédentes, la part des hommes est nettement prépondérante dans ces bagarres et les crêpages de chignons des dames semblent moins fréquents que les virils horions de leurs époux. Parfois, l'algarade est si violente que la présence du chirurgien s'avère nécessaire pour panser les plaies : ainsi, dans le canton de Boissise, un garçon batelier est grièvement blessé par un garçon vitrier au cours d'une rixe [25].

Restent les procès au cours desquels sont évoquées à la fois des injures verbales et des violences physiques (1LM). Particulièrement nombreux à Boissise, où ils représentent près du tiers des affaires liées aux droits extrapatrimoniaux, ils mettent en cause aussi bien de hommes que des femmes, victimes ou agresseurs, comme en témoigne le tableau qui suit :

 

Personnes impliquées dans des injures accompagnées de sévices corporels (1LM)
Auteurs d'injures et de sévices Victimes d'injures et de sévices
--- Femmes Hommes Femmes Hommes
Boissise-la-Bertrand 19 38,8 % 30 61,2 % 17 38,6 % 27 61,4 %
Bellenaves 1 20 % 4 80 % 3 50% 3 50 %
Total des deux cantons 20 37,1 % 34 62,9 % 20 40 % 30 60 %

Il n'est pas très pertinent de prendre en compte les données du canton de Bellenaves, compte tenu de leur faible importance. Pour le canton de Boissise, la part des femmes, tant comme agresseurs que comme victimes, est plus importante que dans les procès portant sur les seules agressions verbales. Mais ce constat ne peut être interprété autrement que comme une donnée brute sans explication particulière.

Au total l'étude des objets traités en justice civile en général montre des différences essentiellement quantitatives entre les deux cantons, l'importance des conflits liés à la défense de ces droits étant toujours plus grande dans la région parisienne que dans l'ancien Bourbonnais. Les écarts observés ne proviennent ni de la personnalité des juges de paix ni d'une différence d'interprétation dans la pratique personnelle de leurs nouvelles fonctions. Lorsqu'ils existent, ils renvoient essentiellement à la différence qui apparaît nettement entre les modes de faire valoir des terres et les situations socio économiques qui en découlent : à Boissise, grandes propriétés dirigées par des fermiers généraux et sur lesquelles travaillent de nombreux manouvriers ; à Bellenaves, faire valoir direct ou baillé en métayage. Le contenu même de ces jugements pourrait donc porter témoignage des différences économiques et sociales existant dans ce monde rural. Et l'on peut retrouver là  les fondements de la critique sans appel formulée par Arthur Young [26] à l'encontre des systèmes de culture de la France en général et, en particulier, de la place qu'il jugeait exorbitante laissée au métayage prépondérant notamment dans le centre du royaume.

Retour possible au sommaire 

2.2. Les affaires pénales

Le législateur a, au cours de la Révolution, donné au juge de paix un rôle sans cesse accru en matière pénale, tant pour les délits concernant la police municipale que pour ceux qui relèvent de la police rurale [27]. Dans la période considérée ici, l'évolution quantitative des procès au pénal devrait donc être sans cesse croissante à partir de la promulgation de la première loi "relative à l'organisation d'une police municipale" (loi des 19-22 juillet 1791) [28] et de celle "relative aux biens et usages ruraux et à la police rurale (loi des 28 septembre-6 octobre 1791), improprement appelée "code rural" |29]. Le diagramme qui suit témoigne des nuances qu'il faut apporter à cette affirmation apparemment évidente :

Chronologie des affaires traitées en justice pénale
--- 1791 1792 1793 1794 1795
Boissise-la-Bertrand 5 30 42 48 25
Bellenaves 0 10 8 18 14

Si les deux courbes sont globalement ascendantes jusqu'en 1794 (avec une chute en 1793 à Bellenaves), elles retombent brusquement au cours de la dernière année. Faut-il y voir une conséquence des événements politiques qui entourent, après les journées de prairial an III, l'adoption et le vote de la constitution de l'an III, comme si la prudence à l'égard de l'état devenait une règle de la vie au village ? Ou bien s'agit-il d'une chute conjoncturelle sans raison particulière ? La courbe des résultats à Bellenaves jusqu'à la fin de l'an VI (septembre 1798), hors de la période étudiée ici, montre que les procès en justice pénale continuent à diminuer en nombre (16 en 1796 ; 1 en 1797 et 0 en 1798) et semblent donc donner valeur au premier terme de l'alternative. Mais la même étude conduite par l'auteur dans le canton d'Ébreuil, mitoyen de celui de Bellenaves dans l'Allier, infirme cette conclusion : si la courbe est parallèle à celle de Bellenaves jusqu'à la fin 1795, elle s'élève nettement au cours des années suivantes, à l'inverse de ce qui se passe dans les deux cantons analysés et comparés ici. Il serait donc hasardeux de vouloir trancher le débat et il est préférable, en l'attente d'autres études similaires, d'en rester au simple constat des faits.

Le tableau qui a été dressé en annexe 1 fait immédiatement apparaître d'importantes différences entre les deux juridictions de Boissise-la-Bertrand et de Bellenaves.

D'une part, le nombre total des procès intentés au pénal présente une différence très importante : 148 à Boissise et 43 seulement à Bellenaves. Y aurait-il plus de délinquants le long de la Seine qu'au bord de la Bouble ? Ou les forces de police seraient-elles plus vigilantes près de la capitale ? Ici encore l'étude des objets de ces procès peut seule apporter quelques éléments de réponse.

D'autre part, les deux grandes rubriques mises en place [30] (références aux textes législatifs à caractère général – références aux textes législatifs à caractère conjoncturel) offrent de notables disparités numériques : 98,6 % pour la première à Boissise et 79,1 % pour la même catégorie à Bellenaves.

Par ailleurs, si, dans les deux cantons, le nombre des délits commis par des bestiaux sur des propriétés publiques ou privées (2G) [31] est proportionnellement assez comparable (58,1 % à Boissise et 46,4 % à Bellenaves) et occupent, de très loin la première place dans le prétoire de la justice correctionnelle, la plupart des autres délits se trouvent très diversement présentés.

L'étude ne peut présenter quelque intérêt statistique que si le nombre de ces procès dépasse une quinzaine de cas [32]. Le tableau suivant en dresse la liste :

 
Délits relevant de la police correctionnelle et rurale
Boissise-la-Bertrand Bellenaves
2A. Coups et blessures 21 0
2B. Vol de bois 12 13
2C. vol de produits agricoles 16 0
2G. Délits commis par des bestiaux 86 13

Compte tenu des données ainsi chiffrées, la présente étude se limite aux seuls délits commis par des animaux sur les propriétés des plaignants.

Retour possible au sommaire

La prédominance des délits commis par des animaux (2G)

Ce type de délits donne lieu, dans les deux cantons, à des poursuites pénales ; mais leur importance quantitative est très différente (86 à Boissise et 13 à Bellenaves) comme est différente leur présence dans le temps, ainsi que l'indique le diagramme qui suit :

Procès pour des délits commis par des animaux
1791 1792 1793 1794 1795
Boissise-la-Bertrand 1 23 28 23 10
Bellenaves 0 3 0 7 5

D'une part, les chiffres concernant l'année 1791 sont de peu de valeur, les lois définissant les règles à appliquer en matière de police correctionnelle comme en matière de police rurale n'ayant été promulguées qu'au cours de la seconde partie de l'année et leur application n'ayant donc pu porter que sur une courte période ; d'autre part, la faiblesse quantitative des cas repérés à Bellenaves pendant toute la période ne permet pas d'établir une réflexion pertinente sur ce canton.

Ceci dit, la différence quantitative entre les deux cantons est trop importante pour ne pas poser au chercheur une série de questions.

Le nombre des bestiaux susceptibles de causer des dégâts est-il si différent dans les deux cantons ? Aucune statistique ne permet d'apporter une réponse précise.

Les possesseurs de ces bestiaux sont-ils moins soucieux du respect des lois à Boissise qu'à Bellenaves ? C'est possible, mais aucune indication, dans les attendus des procès comme dans les autres affaires ne donne une solution.

La vaine pâture traditionnelle est-elle plus habituelle et plus "laxiste" dans la région briarde que sur les terres du Bourbonnais ? Ni les coutumes ni les procès intentés dans le cadre de la justice seigneuriale de Bellenaves [33] ne peuvent éclairer le problème.

Un seul élément peut être pris en compte pour éclairer, au moins en partie, ce constat : à Bellenaves, il semble que les exactions commises par les animaux, notamment dans les forêts, soient plus systématiquement dépénalisées par le juge et traitées pour l'essentiel dans le cadre de la justice civile : sur l'ensemble de la période 1791-fin de l'an VI étudiée par les auteurs de l'ouvrage cité précédemment, si 29 cas de dégâts causés aux propriétés par des animaux sont portés au pénal, 32 ne donnent lieu qu'à des actions en justice civile [34] ; à Boissise, et sur les seules années 1791-1795, aux 86 affaires portées au pénal ne correspondent que 14 cas instruits dans le cadre de la justice civile. La proximité des agitations parisiennes, l'importance des grandes propriétés mises en fermage, la pression plus contraignante des autorités administratives, et notamment des procureurs des communes puis des agents nationaux expliquent-elles cette différence dans la situation juridique des même faits ? Il n'est pas possible, ici encore, de conclure entre ces diverses hypothèses explicatives ; mais le fait demeure et justifie, semble-t-il, une analyse différenciée du phénomène.

Un tableau permet de visualiser les lieux dans lesquels les dégâts ont été commis :

Lieux des délits commis par des bestiaux
--- Bois et forêts Terres cultivables Autres terres Prés/Prairies Bois communaux Vignes
Boissise-la-Bertrand 28 25 10 8 8 6
Bellenaves 2 6 2 2 1 3


Bien que les chiffres concernant Bellenaves soient de faible importance, il apparaît que ces lieux témoignent, ici encore, des différences entre les structures géographiques et économiques des deux cantons.

Retour possible au sommaire

À Boissise, zone de campagne ouverte et de grande propriété, les dégâts commis par les habitants et leurs animaux concernent d'abord les bois et les terres cultivées dans lesquels les ramassages et les pacages font partie de traditions séculaires que la nouvelle législation réduit au minimum au nom du droit sacré de la propriété. La résistance aux modifications de la coutume s'exacerbe à l'époque du gouvernement révolutionnaire et notamment entre le printemps 1793 et thermidor an II, la justice de paix étant alors un lieu où l'on peut contester les nouveaux droits de la propriété privée sur les habitudes communautaires anciennes : au cours de ces 16 mois, 32 des 41 procès intentés pour des dégâts commis par des bestiaux portent sur ces délits. Ainsi [35], "le jeudy dix huit juillet mil sept cent quatre vingt treize, deuxième année de la république francoise a comparu le citoyen Caille, fermier cultivateur à Servigny, municipalité de Lieusaint, demandeur, contre Delhomme et sa femme, Boulanger, sa femme et leur servante, Modeste Leroy et sa servante, le nommé Bernard et le père Cadet et son garcon, tous demeurant au Petit-Plessis, municipalité de Savigny sur Balory, défendeurs et délincants (…) au sujet de délits par eux commy dans les prez et avoine dudit sr Caille". À la suite des déclarations du procureur de la commune et de celles des prévenus, le juge de paix, dans ses attendus souligne que "le foin etoit enlevé lorsque le vaches y ont eté (…) ledit sr Caille n'a pas coutume d'y faire du regain et qu'au contraire les bestiaux ont coutume d'y aller après laditte recolte (…)  il n'y avoit pas de fossé ni de cloture (…) pas de dommage dans l'avoine et l'orge qu'ils ont traversé" en conséquence de quoi il condamne les délinquants à une simple "défense de recidiver" et à des dommages et intérêts de 5 livres " dus solidairement", somme faible et sans accompagnement d'aucune peine d'amende ou de prison [36]. À Bellenaves, zone de petites propriétés parcellisées et de forêts domaniales, près de la moitié des procès (6 sur 13) sont intentés pendant la seule année 1794, entre janvier et septembre : malgré la faiblesse numérique des cas, il est possible de voir là une certaine correspondance entre les deux cantons, même si dans l'Allier, les délits causés par les animaux ne se trouvent pas, à une exception près, dans les zones forestières.

L'étude des prévenus, témoigne de différences à la fois quantitatives et qualitatives entre les deux cantons.

Dans les 13 procès de Bellenaves, 26 individus comparaissent devant le juge de paix, dont seulement 3 femmes ; 4 procès concernent des délits collectifs, 9 mettant en cause des individus isolés. Parmi les hommes, un seul n'a pas d'état indiqué ou de profession définie. Les autres appartiennent en majorité aux catégories liées directement à la propriété ou à l'exploitation de la terre ( 16, dont 2 petits propriétaires, 4 locataires, 4 cultivateurs, 3 métayers et 3 journaliers), les autres exerçant des professions artisanales (un meunier, un maréchal et un boulanger) ou commerciales (3 voituriers) : la profession des trois voituriers explique la possession d'animaux et les délits dans lesquels ils peuvent être impliqués. Dans tous ces cas, les délits concernant la divagation des animaux sont le fait de petites gens qui tentent de limiter leur misère en faisant paître au moindre prix leurs animaux.

Dans les 86 procès de Boissise, 238 personnes, dont 67 femmes, sont traduites en justice pénale et correctionnelle ; 25 hommes et 5 femmes comparaissent dans plusieurs affaires, les récidives pouvant aller jusqu'à 4 fois pour certains prévenus. Le nombre des actions collectives est beaucoup plus important qu'à Bellenaves, 42 affaires (soit près de la moitié) ayant trait à des divagations d'animaux provoquées ou tolérées par plusieurs individus.

La situation juridique et économique des femmes peut être approchée dans cette étude. Elles sont moins nombreuses que les hommes à récidiver dans ce type de délit (5 contre 25 hommes) ; 5 d'entre elles sont totalement "anonymes" dans les minutes (il s'agit de 4 "servantes" et d'une "domestique") ; 27 sont simplement mentionnées comme la femme de …, 16 comme la veuve …, 7 comme la fille de …, 1 comme la mère de …: la dépendance de ces femmes dans le cadre familial est nettement marquée et leur comparution, lorsqu'il s'agit de femmes mariées ou d'enfants, ne se fait évidemment qu'avec l'autorisation de leur époux ou de leur père, seul maître juridique de la famille. Leur troupeau se résume à quelques têtes de bétail, comme dans le cas de "la femme de Cyprien Bignet, manouvrier, demeurant à Savigny sur Balory", accusée le 29 août 1793 [37] par "le nommé Rozay, laboureur" dans la même commune, pour avoir "fait paître sa vache dans une piesse de pré appartenant au demandeur" ; elle est condamnée, avec son époux, à verser au plaignant 3 livres de dommages-intérêts, à une amende de 30 sols qui sera versée immédiatement au receveur de l'enregistrement, ainsi qu'aux dépens. Seule "la veuve Galice", demeurant à Cesson, connaît un sort plus valorisant [38] : elle est "fermière" de terres importantes en revenus ; elle dispose d'un cheptel nombreux constitué notamment de 250 moutons et peut rivaliser avec les hommes qui ont le même rang social, comme en témoignent les actions qu'elle intente par ailleurs, soit pour faire reconnaître ses droits d'usufruit sur les domaines qu'elle gère, soit pour réclamer aux cultivateurs qu'elle emploie les sommes et les travaux qui lui sont dus. Les troupeaux qui sont cause de sa comparution en justice de paix sont importants à l'instar du jugement rendu le 19 juillet 1792 [39] où Jean Foucault, "fermier laboureur demeurant à Vert-Saint-Denis" se plaint des "degats commis par un troupeau de 250 moutons appartenant a la dame Galice et conduits par son bergé sur les terres …". Le demandeur est d'ailleurs débouté et condamné aux dépens, car, constate le juge à partir des dénégations de la prévenue, "ladite dame Galice est en possession depuis nombre danné et notamment depuis plus dan et jour de faire conduire son troupeaux".

Si les divagations d'animaux sur des terrains privés ou publics amènent un certain nombre d'individus dans le camp des prévenus, il s'agit parfois d'actions qui mettent en cause les droits coutumiers de vaine pâture dont les textes législatifs ont modifié brutalement l'usage. Par exemple, la même "Dame veuve Galice, fermière à Cesson", le 21 juillet 1791 [40], intente un procès contre la femme de Pierre Brisset, demeurant à Cesson qui "a envoyé sa vache dans un pré dépendant de la ferme de la veuve Galice".  Celle-ci fait appel à la loi du 26 juin1790 qui prévoit "l'exécution des coutumes et usages en matière de pâturage et que la coutume de Melun défend d'aller dans les prés à regain avant la Saint-Rémy [41]". La prévenue et son mari se voient interdire de récidiver et sont condamnés aux dépens sans dommages-intérêts ni amende [42].

Retour possible au sommaire

Les plaignants peuvent être de même inventoriés et classés.

Dans les 13 procès recensés à Bellenaves pour ce type de délit, à l'exception de François Berthomier, meunier du Moulin Auclair à Échassières, les plaignants sont soit les plus importants propriétaires fonciers du canton [43], soit l'agent national de la commune qui se porte partie au nom des gardes qui ont dressé des procès verbaux. Par exemple,  le 29 juillet 1794-11 thermidor an II, René Esmelin, agent national de la commune et par ailleurs fils du juge de paix, fait comparaître six habitants pour "sept chèvres capturées par le garde champêtre dans un plant vif". Aucun petit propriétaire, aucun métayer ou fermier d'une locaterie n'intervient comme demandeur à ce sujet devant la justice correctionnelle : les délits ne sont-ils commis que sur les propriétés conséquentes, ou bien les petits exploitants agricoles hésitent-ils à faire appel à la justice de paix lorsque leurs exploitations sont l'objet de dégâts causés par les animaux d'autrui ? L'une ou/et l'autre des hypothèses reste plausible en l'absence d'autre renseignement.

Dans les 86 procès du même type  à Boissise, trois catégories principales de plaignants [44] se révèlent : les grands propriétaires agissant directement dans les conflits ; les fermiers généraux de ces grands propriétaires ou d'autres possesseurs de grands domaines ; les autorités locales.

À l'exception du sieur Dartois qui n'intervient qu'une seule fois pour ses propriétés du village des Joies à Boissise-la Bertrand, tous les grands propriétaires fonciers du canton se présentent devant le juge de paix pour réclamer l'application des procédures pénales à propos de la divagation d'animaux sur leurs terres. Le plus présent de ces plaignants est le sieur Claude-Xavier Caroillon des Tilliers, propriétaire de la terre de Sainte-Assise à Seine-Port (anciennement Saint-Port) [45] qui, entre le 12 avril 1792 et le 14 mai 1795-24 floréal an III, intente 8 procès aux propriétaires des bestiaux qui viennent paître sur ses domaines. Avec lui, se trouvent Jean Barre-de-Saint-Venant, propriétaire de la terre de Fortoiseau (dépendant alors de la commune de Dammarie-les-Lys), De Chalais-Jonville à Saint-Fargeau (Jonville), Fraguier au Mée, Edmée Laborne à Vert-Saint-Denis (Bréviande) et le roturier Poupault à Dammarie-les-Lys (Farcy).

Dans la seconde catégorie se trouvent tous les fermiers ou fermiers laboureurs qui forment cette "fermocratie" locale chère à Jean-Pierre Jessenne [46] : Edmée Aymard de Cesson (Saint-Leu), Claude Caille de Savigny, André Coisnon de Saint-Fargeau (Auxonnettes), Nicolas David (Cesson), Duclos (Le Mée), Jean Foucault de Vert-Saint-Denis (Bréviande) et Henri Rabourdin aussi de Vert-Saint-Denis. Seul Jean Foucault intervient à deux reprises, les autres ne se plaignant qu'une seule fois. Plus directement liés à la population locale dont ils sont parfois les élus, ils sont moins souvent en butte aux dégâts commis par les divagations d'animaux que les grands propriétaires eux-mêmes : en ces temps de contestation et de révolte paysanne, les propriétés de ceux qui sont directement considérés comme des ci-devant sont sans doute des lieux plus ouverts au pacage libre des troupeaux individuels ou collectifs.

Enfin, les autorités locales, par la voie du procureur de la commune (et de l'agent national à partir de 1793) ou du maire et de ses officiers municipaux, font aussi appel à la justice correctionnelle et pénale pour interdire aux habitants d'utiliser le domaine public comme terrain illimité de vaine pâture : ainsi, Jean Bouillet, procureur de la commune de Dammarie-les-Lys, intente le 26 juillet 1792 [47] contre le sieur Cabouret, fermier de la même paroisse, à cause d'un "troupeau de 350 moutons qu['il] envoie journellement sur les uzelles de la commune uniquement destinées pour les bestiaux de la commune" ; le prévenu est condamné aux dépens et se voit interdire de récidiver. Certaines municipalités n'hésitent pas à se pourvoir devant le juge de paix pour faire respecter contre d'autres municipalités leurs droits de propriété et d'usage sur ces "uzelles". Ainsi, à propos d'un "delit commy (…) par le citoyen Hautefeuille (…) en menant paître son troupeaux de moutons sur la partie des uzelles de Boissise la Bertrand, le long de la troisième remise (…)", Jean-Pierre Dautremont, agent national de la commune de Boissise-la-Bertrand, réclame le 5 mars 1794-15 ventôse an II [48] contre le prévenu l'application de la "loy rurale" des 28 septembre-6 octobre 1791, et contre l'agent national de Cesson, Jean Hanat, la rigueur de la loi du 25 juin 1793 concernant les biens communaux [49]. Le même jour, les deux agents nationaux s'affrontent à propos de dégâts commis par "les troupeaux d'Edmée Aymard", fermier à Cesson, "conduits par le berger dudit Aymard, le nommé Etienne Huet". Dans les deux cas, le juge condamne les délinquants aux dépens et leur défend de récidiver, mais il se garde bien de se prononcer sur la propriété desdites uzelles entre les deux communes, renvoyant celles-ci à se pourvoir "devant les juges qui doivent en connaître". Le même jour encore, le même Dautremont réclame au civil contre les municipalités de Cesson d'une part et de Vert-Saint-Denis d'autre part, la reconnaissance du droit de propriété de la commune de Boissise-la-Bertrand, d'uzelles contestées ; le juge renvoie à nouveau les parties devant les juges compétents. Ces conflits témoignent de l'importance ici de ces biens communaux [50], importance qu'on ne trouve pas dans les actes de la justice de paix de Bellenaves. Par ailleurs, ils mettent en évidence l'une des fonctions exercées par ces agents nationaux, héritiers provisoires des procureurs des communes et prédécesseurs des commissaires du pouvoir exécutif  auprès des municipalités de canton sous le Directoire.

Au total, l'examen précis des procès concernant les dégâts commis par les animaux sur les propriétés foncières témoigne de l'importance de l'usage ancestral des droits de vaine pâture et des différences notables qui existent dans leur application dans ces deux cantons ruraux.

Retour possible au sommaire 

Pour conclure provisoirement ...

Cet essai de travail croisé entre les minutes des justices de paix de deux cantons ruraux entre 1791 et 1795  montre les limites et les perspectives que présentent les études monographiques sur une période restreinte, même si ce moment est capital dans la chute de l'Ancien Régime.

Limites, car le seul champ d'étude parcouru ici, tant du point de vue géographique que chronologique répond moins aux questions posées qu'il n'appelle une extension beaucoup plus large. Il serait en effet indispensable de poursuivre cette analyse dans d'autres régions françaises (les zones de montagne, les paysages de l'Ouest bocager, les pays du Sud-Ouest aux structures juridiques fortement marquées par le droit romain, etc.) pour dresser un tableau plus complet de l'image de la France rurale en cette fin du XVIIIe siècle. De même, l'étude des conflits qui peuvent opposer, au civil comme au pénal, les éléments divers de cette paysannerie gagnerait en pertinence si elle se poursuivait, au-delà même de la période révolutionnaire et impériale jusqu'aux grands mouvements d'exode rural que connaissent, par grands soubresauts, les XIXe et XXe siècles. Enfin, les dossiers de la justice criminelle peuvent apporter leur lot de renseignements, notamment en ce qui concerne le sort et le rôle de tous les exclus de la "société rurale reconnue" que sont les vagabonds et les sans titres qui parcourent au gré de leur misère les campagnes françaises et commettent, ici ou là, un certain nombre de délits.

Perspectives, car, à nouveau, apparaît assez clairement ici l'intérêt que recèlent les fonds d'archives judiciaires pour les connaissances historiques. Parce qu'ils présentent une grande homogénéité dans leur expression linguistique (les codes des auteurs de ces actes sont parfaitement normalisés) et qu'ils concernent des domaines bien délimités des rapports humains (ici les conflits interindividuels et les relations de l'individu à la loi), ils permettent de mettre en place une certaine pertinence dans la recherche comparative en histoire. D'une part, les conditions de production de ces documents sont comparables : une organisation judiciaire de base pour la première fois territorialement unifiée par la création de ces justices de paix ; une situation économique et politique liée, autour de Boissise-la-Bertrand comme aux environs de Bellenaves aux mêmes bouleversements politiques qui touchent également les deux ensembles ruraux considérés ; une même prégnance des structures anciennes sur la vie quotidienne de la population rurale qui se reconnaît encore mieux dans ses coutumes et usages que dans la nouveauté des textes législatifs nouveaux. D'autre part, et a contrario, les différences vécues au sein de cette paysannerie française qui forme l'essentiel de population à la fin du XVIIIe siècle, apparaissent comme beaucoup plus importantes que ne le laisserait supposer l'unicité de sa définition. La présente étude confirme, s'il en était besoin, et précise dans le domaine spécifique de l'exercice de la justice de paix, la très grande variété des situations individuelles selon les lieux où se trouvent les acteurs de la vie économique et sociale. Aux grandes propriétés foncières que possèdent autour de Paris un certain nombre de nobles et de grands financiers de l'entourage royal et qui sont gérées au nom et place de ces propriétaires par d'importants fermiers généraux, s'opposent la multitude des petites parcelles, exploitées directement ou mises en métayage, qui constellent le paysage du sud bourbonnais. Là, les relations humaines, plus ouvertes aux échanges, se caractérisent au niveau des conflits par la place occupée par les intérêts marchands que révèlent bien des procès, qu'il s'agisse de la défense des droits de propriété ou des conflits liés aux prestations de service entre fermiers employeurs et manouvriers salariés. Ici, les rapports entre les individus sont d'autant plus compliqués qu'à quelques exceptions près de propriétaires exploitants d'une certaine aisance, la masse des producteurs agricoles est composée d'infimes propriétaires de lopins de terre qui se louent par ailleurs pour assurer le minimum de survie à eux-mêmes et aux leurs : les différences sociales sont moins évidentes et les conflits interindividuels d'ordre économique portent moins sur les rapports salariaux que sur les relations de voisinage et la défense des éléments quotidiens de survie, comme en témoigne l'importance des dettes contractées tout au long de l'année et que les créanciers, souvent eux-mêmes peu argentés, réclament devant le juge de paix après les récoltes estivales et les vendanges d'automne. Paysannerie française ou paysans des divers paysages de France ? Tels demeurent les termes de la problématique et de l'alternative de ce propos.

 

Retour possible au sommaire



ANNEXE 1

Objets des procès en justice civile et en police rurale et correctionnelle. Tableau comparatif

Pour les correspondances des sigles (1A, 1C ...) avec la nature des différents objets, consulter le Glossaire "objet juridique"

Procès en justice civile
--- Boissise-la-Bertrand Bellenaves
--- 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1... % TG1 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T1 ... % TG1
1A 15 26 26 25 23 115 82,7 15,2 8 19 5 11 14 57 57,6 6,3
1C 0 1 8 8 2 19 13,7 2,5 2 3 1 2 2 10 10,1 1,1
1D 4 0 0 1 0 5 3,6 0,7 8 5 4 7 8 32 32,3 3,5
T1-1 19 27 34 34 25 139 --- 18,4 18 27 10 20 24 99 --- 10,9
1E 16 10 4 4 2 36 7,1 4,5 18 30 30 16 12 106 13,8 11,6
1F 40 18 24 12 18 112 22 14,8 46 49 30 36 51 212 27,6 23,2
1G 10 6 5 1 3 25 4,9 3,3 26 13 17 10 12 78 10,1 8,6
1H 8 0 2 1 2 13 2,5 1,7 19 16 13 4 4 56 7,3 6,1
1I 12 9 18 11 9 59 11,6 7,8 15 17 12 17 23 84 10,9 9,2
1J 15 14 17 19 19 84 16,5 11,2 32 23 21 28 25 129 16,8 14,1
1K 54 36 39 26 24 179 35,1 23,7 27 26 21 12 13 99 12,9 10,9
1N 0 0 0 1 1 2 0,4 0,3 2 0 0 1 2 5 0,7 0,5
T1-2 155 93 109 75 78 510 --- 67,5 185 174 144 124 142 769 --- 84,3
1L 12 15 15 12 7 61 57 8,1 3 7 2 5 7 24 54,5 2,6
1M 3 2 0 2 4 11 10,3 1,5 1 4 4 3 3 15 34,1 1,6
1LM 7 7 18 1 2 35 32,7 4,6 0 1 0 4 0 5 11,4 0,5
T1-3 22 24 33 15 13 107 --- 14,2 4 12 6 12 10 44 --- 4,8
TG1 196 144 176 124 116 756 --- --- 207 213 160 156 176 912 --- ---
Procès en police correctionnelle et rurale
--- Boissise-la-Bertrand Bellenaves
--- 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T2... % TG2 1791 1792 1793 1794 1795 Total % T2 ... % TG2
2A 1 2 3 11 4 21 14,7 14,2 0 0 2 0 2 4 11,8 9,3
2B 0 1 2 4 1 8 5,5 5,4 0 1 0 0 1 2 5,9 4,7
2C 2 3 2 4 1 12 8,2 8,1 0 6 2 4 1 13 38,2 30,2
2D 0 1 4 3 8 16 10,9 10,8 0 0 1 0 0 1 3 2,3
2E 0 0 1 1 0 2 1,4 1,4 0 0 0 0 0 0 0 0
2F 0 0 1 0 0 1 0,7 0,7 0 0 0 0 0 0 0 0
2G 2 23 28 23 10 86 59 58,1 0 3 0 6 4 13 38,2 30,2
2H 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 3 2,3
2I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
T2-1 5 30 41 46 24 146 --- 98,6 0 10 6 10 8 34 --- 79,1
2J 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
2K 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 8 0 8 88,9 18,6
2L 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 11,1 2,3
2M 0 0 0 0 1 1 50 0,7 0 0 0 0 0 0 0 0
2N 0 0 0 1 0 1 50 0,7 0 0 0 0 0 0 0
T2-2 0 0 0 1 1 2 --- 1,4 0 0 0 8 1 9 --- 20,9
TG2 5 30 41 47 25 148 --- --- 0 10 6 18 9 43 --- ---


Retour possible au sommaire


 
ANNEXE 2

 

Extrait d'un jugement en comparution volontaire de deux sœurs héritières [51]

 

" Ouy les parties en présence, de l'avis de nos assesseurs, considérant que laditte Marie Deboudard est demeuré avec sa mere pendant l'espace de quinze ans, qu'après le decés de sa mere arrivé depuis environ dix mois elle fut rester avec Pierre Sinturel et Gilberte Deboudard, sa femme, ou elle transporta tous les effets qui etoit dans la maison maternelle, que ses effets appartenoient tant a laditte Marie Deboudard qu'a sa ditte mere puisque de l'aveu même de laditte Gilberte Deboudard, sa sœur, ils avoient eté acheptés soit par l'une soit par l'autre (…) disons que nous avons ledit Pierre Sinturel et sous son authorité laditte Gilberte Deboudard, son epouse, condamné a ouvrir divizion et partage à laditte Marie Deboudard, leur sœur et belle sœur, des meubles dont la description s'ensuit, scavoir : rideaux de toille ; deux coches de lit ; un chevet avec sa plume neuve ; un coffre en menuiserie sans serrure ; une mauvaise mes [52] ; une chaudière ; une marmitte de fer ; deux chevres ; deux oies ; une chaise de paille avec un ban ; deux chaises de cuvier ; deux echelles ; une entrousse [?] de porte en paille ; deux planches ; trois cuillieres d'etain ; cinq fourchettes ; cinq bouteilles dont trois de ver et deux de terre ; une cuilliere de bois ; six plats de terre ; une ecuêlle de terre ; un pot a l'eau de fayance ; un t(…) de terre ; trois pots ; un mauvais sacs de coutils avec du gland ; cinq assiettes ; une boutasse [53] pleine de plumes neuves ; un echevau ; un pagnier ; cinq petits pagniers ; un bois de lit garni de planches ; une serpe ; deux brenions [54]  et la plume salit qui est dans les coêttes ; une mauvaise couetrille qui contient de la bale d'avoine ; un mauvais sac de coutil ; deux mauvaises chemises et quatre livres de plume neuve (…).

Retour possible au sommaire




ANNEXE 3

Une rixe à Saint-Port qui a failli mal tourner … [55]

Ce jourd'huy vingt sept juillet mil sept cent quatre vint onze, huits heures du soir, est comparu devant nous , Etienne Cartault, juge de paix du canton de Boissise-la-Bertrand, le Sieur Crétet, chirurgien a St Port, lequel nous a dit qu'il y avoit audit lieu un homme dangereusement blessé des coups qu'il a reçue d'un nommé Linon, garcon vitrier a St Port ; que le blessé nommé Pierre Billiard, garcon batellier au passage de Ste Assise etant or d'état de se transporter en notre demeure pour demander justice des mauvais traitements qu'il avoit recus, pour quoy led. Sieur Crétet nous requeroit de nous transporter le plus tot possible aud. lieu de St Port a l'effet d'entendre les declarations, plaintes et demande dud. Billiard ensemble [les] defenses du delincant et les temoignages des autres personnes qui seroient en etat de nous en donner. Et a signé : Cretté

Obtempérant auquel requisitoire, nous avons dit et declaré aud. Sr. Cretté que nous nous transporterions aud. St Port demain jeudy huit heures du matin. Signature : Cartault

Et ledit jour jeudy vingt huit juillet mil sept cent quatre vingt onze, huit heures du matin, en consequence de ce qu'il s'est dit devans nous, juge de paix, nous nous sommes effectivement transporté audit lieu de St Port en une maison appartenant a la veuve Janton dans laquelle nous avons trouvé messieurs Desgranges et Barroy, nos assesseurs avertis et invités a cet effet, et qui ont préliminairement etant presents preté entre nos mains le serment requis par la loy du vingt trois février. Et nous sommes tous trois montés dans une chambre au premier etage dans laquelle nous avons trouvé led. Pierre Billiard couché sur un matelas et blessé à la tête. Lequel nous a dit que dimanche dernier, vers neuf heures du soir, etant tranquillement dans son bateau au port de Ste Assise, le nommé Pierre Linon, garcon vitrier a St Port qui etoit a l'autre bord de la rivier l'apelat pour le passer en lui promettant de lui payer bouteille s'il se depéchoit ; quen quonsequence led. Billiard a traversé aussitot la rivier pour aller prendre led. Linon ; mais qu'etant en train de le passer, il a entendu le matre d'ecole qui l'apeloit pour le passer avec sa femme ; et comme il se mettoit en devoir de revenire au port de Ponthiery pour prendre le maitre d'ecole et sa femme et eviter une seconde traversé, ledit Linon a voulu si opposé en le prenant a brasse corps pour le jetter dans la riviere ; et que n'ayant pas pu venire a bout de son dessin, Billiard s'etant retenu au gilet dud. Linon et etant tombé dans son bateau, led. Linon lui a porté des coups qui l'ont reduit dans l'etat ou il est ; et led. Billiard etant resté sans connaissance des coups de pieds et autres qu'il avoit recûs, led. Linon et le maitre d'ecole et sa femme ont dirigé eux même le batelet com ils ont pûs et se sont rendus au port de Ste Assise en laissant toujours led. Billiard dans son batelet sans connoissance et sans mouvement et beignoit dans son sang. Requerant en consequence led. Billiard que nous lui rendions justices et reduisant toutes ses demandes a la defenses de residiver et a des dommages interets proportionnés a la perte qu'il fait en se moment de sa place de garcon batellier a Ste Assise du temps qu'il est obligé d'emploier a se faire guerire et des frais de chirurgien et autres, ainsy que la condanation des honoraires du raport du chirurgien et des frais et depens. Et a led. Billiard declaré ne savoire escrire ni signer.

Nous nous sommes ensuite transportés, nos assesseurs et nous, en la maison et demeure de Monsieur Desgranges, l'un de nos assesseurs et maire dud. St Port, ou etant, nous avons envoier cherchés led. Linon qui s'etant transporté en la demeure de Monsieur Desgranges, et apres lecture par nous a lui faite de la declaration sy dessus nous a dit et repondù que ce n'est qu'a son corps defendant qu'il s'est vu forcé de lui porter les coups qui l'on mit dans l'etats ou il est, led. Billiard l'ayant menacé lui même de le jeter a la rivier, lui ayant même porté un coup du manche au bras et ayant paru disposé a tiré son coutot de sa poche, s'en rapportant au surplus led. Linon a ce qui seroit decidé par nos assesseurs et nous a se sujet. Et a signé : Pre Linon.

D'apres lesquels deliberations et reponse, et apres avoir entendue le maitre d'ecole et sa femme dans leur deposition qu'ils ont affirmé contenir verité, et enfin apres avoir pris connoissance des declarations, plaintes et demandes respectivement faites par lesdits Billiard et Linon au greffier de la municipalité de St Port, nous juge de paix, de l'avis de nos assesseurs susnommés, faisont defence audit Linon de residiver lesdits voix de faites et mauvais traitements, et pour les avoir faite, condamnons led. Linon a une somme de dix huit livres de dommages interets envers led. Billiard et payables a se dernier dans le jour de la notification de notre present jugement, et se non compris les honoraires du proces verbal, du raport et des soins dud. Sr Cretté, chirurgien, aupres dud. Billiard, pendant tous le temps qu'exigera son traitement, lesquels honoraires nous avons fixé, du consentement dud. Sr Cretté a douze livres, dont moitié pour le raport et moitié pour le traitement, au payement desquels douze livres nous condannons pareillement led. Linon, ainsy qu'aux frais du present jugement que nous avons liquidé a trois livres, non compris la notification d'jcelui s'il y a lieu.

Ainsy jugé et prononcé aux parties lesdits jour et an.

Signatures : Jacques Barrois – Desgranges – Cartault.

Retour possible au sommaire



Notes

Remarque : pour retrouver le texte, cliquez sur le numéro entre crochets et surligné en jaune

[1] Chiffres approximatifs relevés dans les états parvenus aux districts pour le vote d'approbation de la Constitution de 1793. 

[2] Coutumes générales et locales du pays et duché de Bourbonnois, commentées et expliquées par Claude-Marie Rouyer, avocat en Parlement, Moulins, 1779 et Coutumes du bailliage de Melun, anciens ressorts et enclaves d'iceluy, par M. Gennay, avocat en Parlement, Provins, 1677. 

[3] Pendant la période considérée, les deux juridictions ne connaissent chacune qu'un seul élu : Étienne Esmelin du Bouis à Bellenaves et Étienne Cartault à Boissise-la-Bertrand.

[4] On ne tiendra compte, dans l'ensemble du présent article, que des "affaires différentes" et non de leur reprise éventuelle au fil des audiences. 

[5]Pour l'ensemble de ces rythmes dans le canton de Bellenaves, voir Claude Coquard et Claudine Durand-Coquard, Société rurale et justice de paix : deux cantons de l'Allier en Révolution, Presses Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2001, 492 p., et notamment le chapitre consacré "À la recherche des variables dans les activités du juge de paix", p. 57 à 88. 

[6] Claude Coquard et Claudine Durand-Coquard, op.cit., "Images reconnues et retrouvées d'une société rurale à la fin du XVIIIe siècle", p. 105 sqq. 

[7] Jean-Pierre Jessenne, Pouvoir au village et Révolution, Artois, 1768-1848, Lille, 1987. 

[8] Boris Starck, Introduction au droit, 2ème édition, Paris, 1988, p. 419 et sqq. 

[9] Pour des raisons de cohérence statistique, les procès concernant les atteintes aux propriétés des usufruitiers (cotées sous la forme 1B dans un classement initial abandonné par la suite pour des raisons de commodité) sont confondus avec ceux qui ont trait aux atteintes portées à celles des propriétaires eux-mêmes (1A). 

[10] AD Seine-et-Marne, L 606, acte n° 126. 

[11] AD Seine-et-Marne, L 606, acte n° 128. 

[12]  Cette taxe est fixée par le juge à 30 sols par témoin, ce qui correspond à la valeur moyenne d'une journée de travail agricole dans la région de Melun. 

[13] AD Seine-et-Marne, L 606, acte n° 134. 

[14] AD Allier, Série L, Justice de paix, Bellenaves 1792, minute n° 44. 

[15]AD Allier, Série L, Justice de paix, Bellenaves 1792, minute n° 89. 

[16] AD Allier, Série L, Justice de paix, Bellenaves 1794, minute n° 25.

[17] Voir Annexe 1. 

[18] Voir à ce sujet les propos peu amènes de Nicolas de Nicolaï dans sa Générale Description du Bourbonnois en 1569 : "Que dirons-nous (...) de l'administration de la justice, est-elle meilleure en Bour­bonnois quès autres Provinces de la France. Je croy que non : mais plus toust pire, sans rien vouloir offenser les bons, d'autant que oultre que les procès y sont immortelz, il n'y règne qu'ignorance, corruption et avarice, ce qui donne plus grande liberté de mal faire aux iniques et méschans veu memement le peu de punitions que l'on y faict des crimes pour grands ou détestables qu'ilz soient". 

[19] Claude COQUARD et Claudine DURAND-COQUARD, op. cit., notamment "Chapitre 2 : "Enquête sociale, économique et politique chez le juge de paix", p. 97 à 207. 

[20] Claude Coquard, "Avec le Directoire, l'antique discrétion métayère s'impose à nouveau : les baux de métayage dans le sud-ouest de l'Allier sous le Directoire , enquête dans les actes de la justice de paix" in La République directoriale, T. II, p.767-798, Clermont-Ferrand, 1998. 

[21]  Denis Voronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire (1794-1799), Paris, 1972, p. 18 à 23 et 108 à 115.

[22] AD Seine-et-Marne, L 611, acte n° 23.

[23] AD Allier, Série L, Justice de paix, an IV, acte n° 27.

[24] AD Seine-et-Marne, L 606, acte n° 10.

[25] Voir Annexe 3.

[26]  Arthur Young, Voyages en France en 1787, 1788 et 1789, Paris, 1931, passim.

[27] Voir notamment Robert BadinterUne autre justice, 1789-1799, Paris, 1989 ; Philippe Delaigue, "Une justice de proximité : création et installation des juges de paix (1790-1804)" et Frédéric Chauvaud, "Carte judiciaire et justice de proximité (1790-1914)" in Histoire de la justice,1995-1996, n° 8-9, Paris, 1996 ; Claude Coquard et Claudine Durand Coquard, op. cit., notamment p. 90-95 ; Jacques-Guy PetitUne justice de proximité : la justice de paix, 1790-1958, Paris, 2003. (s.d.), (s.d.),

[28]  Loi des 19 et 22 juillet 1791, Titre I, Art. 32 ; Titre II, Art. 21, 22, 43 et 46.

[29] Dans le actes de la justice de paix, le greffier utilise le terme, juridiquement et historiquement plus exact, de "loi rurale".

[31] Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, Titre I, Section 4, Art. 9 ;  Titre II, Art. 18, 24, 26 et 38.

[32] Voir Annexe 2.

[33] AD Allier, Série B, cartons "Marquisat de Bellenaves". Voir Claude Coquard et Claudine Durand-Coquard, op. cit., p. 51-55.

[34] Ibid., p.  178-179.

[35] AD Seine-et-Marne, L 610, acte n° 119.

[36] Le juge applique strictement la loi des 28 septembre-6 octobre 1791 déjà cité dans la note [25].

[37] AD Seine-et-Marne, L 610, acte n° 154.

[38] Voir au sujet des veuves "un peu aisées" les récentes analyses de Dominique Godineau, Les femmes dans la société française, 16ème-18ème siècle, Paris, 2003.

[39] AD Seine-et-Marne, L 608, acte n° 319.

[40] AD Seine-et-Marne, L 606, acte n° 113.

[41] Il s'agit du 1er octobre, c'est à dire après la coupe des derniers regains.

[42] Cet acte est formulé avant l'application de la loi du  22 juillet 1791 "relative à l'organisation d'une Police municipale" et à celle des 28 septembre et 6 octobre 1791, Titre II "De la police rurale".

[43] Claude Coquard et Claudine Durand-Coquard, op. cit. À Bellenaves, Etienne Esmelin du Bouis, l'inamovible juge de paix est un grand propriétaire qui possède et fait exploiter, dans les communes voisines et sur le territoire de Bellenaves,  au moins cinq domaines d'une superficie de près de 350 hectares, ce qui est considérable dans cette région de petite propriété ; Gilbert Delaplanche père verse une contribution foncière de 1135 livres et son fils est adjudicataire de nombreux bois dans les forêts du canton. À Echassières, François Bernard, autre plaignant, figure parmi les fortunes les plus importantes du canton.

[44] Ne sont pas pris en compte dans cette analyse les procès qui concernent des individus particuliers : ils sont peu nombreux et pourraient, comme c'était le cas avant la mise en place de la police correctionnelle et rurale de l'été et du début de l'automne 1791, faire partie des conflits traités au civil.

[45] Dominique Pardailhe, Seine-Port, son histoire, ses vieilles maisons, "Histoire de Seine-Port", 1995 : "On s'étonnera de constater que c'est seulement après la chute de Robespierre, c'est-à-dire en juillet 1794, que le village prit le nom de Seine-Port. Tout ce qui rappelait la religion était sévèrement proscrit. Saint-Fargeau s'appelait Fargeau tout court, Sainte-Assise Seine-Assise, Savigny-le-Temple Savigny-sur-Balory. Avec la venue de Napoléon, le nom de Saint-Port reprit sa place, et ce jusqu'en 1824 où Seine-Port fut définitivement adopté".

[46]  Voir note [7].

[47]  AD Seine-et-Marne, L 608, acte n° 323.

[48] AD Seine-et-Marne, L 612, acte n° 175.

[49] Loi du 25 juin 1793, titre V, articles 3 et 4.

[50]  Les travaux de Nadine Vivier, notamment l'édition de sa thèse Propriété collective et identité communale. Les Biens communaux en France, 750-1914, Paris, 1998,  souvent exploités par l'auteur, représentent la somme la plus exhaustive et la plus actualisée des recherches sur le très important problème des biens communaux à la fin de l'Ancien Régime et pendant tout le XIXe siècle.

[51] AD Allier, Série L, Justice de paix, Bellenaves, an IV, acte n° 38.

[52]  Marcel LACHIVER, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris,  p. 1066 : "maies.f. 1.  Caisse ou huche dans laquelle  le boulanger ou la ménagère pétrissait  sa pâte./ Huche dns laquelle on conseervait ensuite le pain de ménage. On trouve aussi maixmamazmatzmetzmesi, meytmoieméemetametarchemette."

[53] Ibid., p.  282 : "boutasse, s.f. (...) 2. En Bourbonnais, panier où on conserve les pommes d'hiver ; corbeille de forme pansue, faite de paille tressée et de lanières de ronces, utilisée pour la conservation des grains ou des fruits confits et séchés comme les pruneaux. On dit aussi bouterolle, bouteron".

[54] Ce terme n'existe dans aucun des ouvrages consultés par l'auteur. Il s'agit d'une sorte de jarre en paille nattée, avec ou sans couvercle : plusieurs exemplaires en sont conservés au musée de Valignat.

[55] AD Seine-et-Marne, L606, acte n° 117.


Retour vers le haut de la page