G.-J.B.
Target (1733-1807) |
Marchandes de Paris et justice de paix Quelques approches d'actions dans la justice contentieuse |
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Mots clés : Révolution - Justice de paix - Paris - Section du Jardin des Plantes (Sans-Culottes) - Blanchisseuses - Femmes |
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Des marchandes tenant un commerce lié à l'alimentation |
Des marchandes tenant un commerce lié à l'habillement |
Autres commerces |
En guise de conclusion provisoire ... |
Dans les actes contentieux de la justice de paix de la section du Jardin-des-Plantes, entre 1791 et 1795, 42 marchandes différentes interviennent au total 47 fois, comme demandeuses ou défenderesses. À titre de comparaison, il existe 376 interventions de marchands. Elles exercent dans des secteurs différents : 34 tiennent des commerces d'alimentation, 6 des commerces d'habillement, une vend du tabac et une autre de l'amadou. Pourquoi ces marchandes ont-elles affaire au juge de paix et que peut-on savoir de leur vie au travers de ces interventions ? Des marchandes tenant un commerce lié à l'alimentation Ce sont de loin les plus nombreuses et elles ont des activités variées : marchandes de vin ou limonadières (11), fruitières et fraisières et marchande de pommes (10), boulangères (5), charcutières (3), épicières (2), marchande de poissons (1), d'herbes aromatiques (1 également). Si les femmes du corpus exercent 7 commerces différents, les hommes eux en pratiquent plus de 50. Les marchandes de vin et limonadières Dans l'Encyclopédie de Diderot, les marchands de vin sont définis comme ceux "qui trafiquent du vin ou qui en achètent pour le revendre", les limonadiers "peuvent faire et vendre de l'eau de vie & autres liqueurs, en gros & en détail." Elles comparaissent dans 10 affaires différentes dont 4 n'ont pas de rapport direct avec la profession : l'une en 1791 [1] doit payer 24 livres pour des réparations dans un logement qu'elle a quitté ; une autre, la même année [2], se plaint d'une voisine qui aurait jeté des immondices par la fenêtre ; une troisième, en 1792 [3], a traité le demandeur de "mouchard" et réaffirme "que cela pouvait être" ; quant à la dernière, en 1793 [4], elle a emprunté deux draps qu'elle n'a pas rendus. Les autres affaires sont liées à leur commerce. Quatre fois elles sont demandeuses ; 2 fois ce sont des clients qui leur doivent de l'argent : en 1792 [5] un journalier sur les ports doit 15 livres 8 sols à la "dame Huline marchande de vin sur le port" ; il conteste la somme et s'engage à payer au total 7 livres 8 sols à raison de 20 sols par semaine. En 1793 [6], devant le bureau de paix et de conciliation, la "dame Delage, limonadière" accepte une levée d'opposition faite sur 3 défendeurs (un faiseur d'allumettes et deux vidangeurs) contre le remboursement immédiat des sommes dues qui ne sont pas précisées, mais qui doivent être assez importantes puisqu'il s'agit d'un acte du bureau de paix. En 1792 [7], c'est un palefrenier qui n'a pas rendu à la "veuve Belthoise, marchande de vin patentée" un grand pot de tonnellerie d'une valeur de 5 livres. La dernière demande, en 1795[8] ne relève peut-être pas directement du commerce de vin : la veuve Blondeau réclame à un fermier des coches d'eau 4000 livres de dommages et intérêt pour la perte "d'une feuillette et un quart de muid [9] de graines de choux propres à faire (…) 200 livres [10] d'huile que la dite quantité de graines pouvait produire". Cette marchande de vin vendait-elle aussi de l'huile? Inversement, en 1792 [11], c'est la "veuve Augier, marchande limonadière", qui est défenderesse : elle doit à un marchand brasseur 45 livres prix de 3 quartauts [12] de bière livrés en deux fois. La dernière affaire est plus complexe ; en 1793 [13], au bureau de paix et de conciliation, la "femme Verdier, limonadière" comparaît comme défenderesse ; elle a repris seule le bail d'un limonadier (dont la compagne, aussi limonadière est citée comme témoin) avec qui elle était en société ; il lui réclame le montant des loyers qu'il a continué à payer depuis son départ : elle accepte la demande, paie 20 livres sur le champ, les 40 livres restantes seront payées en deux fois. Les fruitières [14], fraisières [15] et marchande de pommes Le terme de fraisière, en tant que marchande de fraises n'apparaît dans aucun des ouvrages consultés ; pourtant, dans les minutes de la justice de paix, la même personne, la "veuve Crochet" (née Pouet) apparaît le 4 juillet 1791 comme "marchande fruitière" et le 17 février ainsi que le 19 mars 1792 comme "marchande fraisière". Elles sont 10, à être citées en justice de paix dans 13 actes différents, dont 3 seulement sont en rapport avec leur profession : - en 1791[16], la "femme Morna", dont le mari est aussi fruitier réclame à un journalier 15 livres 7 sols pour marchandises, et aussi 15 livres pour terme de loyer échu ; elle accepte un paiement échelonné. - en 1792 [17], la "dame Labbé, fruitière célibataire", s'allie avec une blanchisseuse, un marchand de vin et un épicier pour faire opposition sur la somme de 45 livres 10 sols que Bergerac Lainé vient de payer à sa ci-devant cuisinière. La défenderesse doit payer, mais la somme qui lui a été versée, étant inférieure aux dus, est répartie entre les demandeurs au prorata de la dette. - en 1795 [18], la "femme Bourdonnais, fruitière" comparaît comme défenderesse : elle avait acheté 1800 œufs à une marchande habitant Fontainebleau, mais elle dit n'en avoir reçu que 1750. Elle doit payer le tout. Les 10 affaires qui ne relèvent pas directement de la profession sont toutes liées au logement à deux exceptions près : en 1792 [19], c'est comme défenderesse que la "femme Dufour" (dont le mari est également marchand de fruits) comparaît : elle a vendu une voiture au demandeur (un gagne-denier), mais il lui doit encore 28 livres 14 sols et elle refuse de la lui donner. Pour la récupérer de suite, il s'engage à payer le solde à raison de 2 livres par semaine. Le mois suivant[20], la "dame Henry, vendeuse de pommes" comparaît pour avoir insulté un couple, traitant la femme "de voleuse et voulant la battre avec un bâton" ; elle dit avoir été provoquée et l'affaire est mise hors de procès. La "veuve Crochet", "marchande fruitière" ou "fraisière" suivant les actes, intervient 4 fois comme demandeuse : en 1791 [21], "marchande fruitière", elle est principale locataire d'une maison et donne congé à un tourneur, sous-locataire qui lui doit 57 livres de termes échus. En 1792 [22], toujours locataire principale, c'est à un couvreur qu'elle donne congé : il lui doit 8 livres 6 sols de terme échu et 6 livres 10 sols de terme courant ; le même jour [23] c'est elle intente une action contre une fileuse de coton qui lui doit 23 livres de termes échus et 12 livres de terme courant. Puis, le mois suivant [24] elle réclame à une femme 9 livres 11 sols pour logement et prêt : celle-ci paie sur le champ. Mais des marchandes fruitières sont aussi expulsées : en 1791 [25] la "femme Torchet", mariée à un scieur de long doit 45 livres de loyer ; elle s'engage à payer 15 livres par mois. La même année[26], c'est la "veuve Jean" à qui un loueur de carrosses donne congé et réclame 19 livres 10 sols de termes courant et le montant de réparations locatives. Toujours en 1791 [27], la "veuve Girard" qui ne comparaît pas reçoit son congé et doit 47 livres de termes échus et 25 livres de terme à échoir : elle fera appel mais sera déboutée. Puis ce type d'action pour les fruitières disparaît totalement du corpus jusqu'en 1794 [28] : une fille majeure réclame à la "femme Bou, marchande de fruits" 22 livres pour terme : elle a occupé un logement qui était loué mais non occupé. Au total, dans les 12 actions où sont citées des fruitières, elles sont 6 fois demanderesses – dont 4 fois la veuve Crochet - et 6 fois défenderesses ; et ce sont surtout les questions de logement qui sont en cause (9 fois). Les questions de logement sont plus fréquentes que les autres, laissant soupçonner pour les 4 femmes qui n'ont pas payé leur loyer des difficultés pécuniaires. La veuve Crochet qui, elle, réclame des loyers en tant que principale locataire doit aussi parfois rendre des comptes. Les boulangères et/ou vendeuses de pain Elles sont 5 à intervenir dans 5 affaires différentes dont 3 sont liées à leur commerce ; et dans les 3 derniers cas, elles sont défenderesses. Les affaires liées au commerce du pain En 1792 [29], la "femme Moreau", mariée a un boulanger, a gardé une montre en nantissement du pain acheté par un tonnelier ; il lui doit 13 livres, les rend sur le champ et récupère sa montre. En 1795 [30] le couple Deshayes comparaît comme demandeur contre la citoyenne Lebon : "Ce jourd'hui
16 thermidor an III de la République Française Une et Indivisible devant nous
J.-B. Lessore juge de paix de la section du Jardin des Plantes à Paris assisté
des citoyens Lebas père, Adrien François Lesarde et Cernes nos assesseurs, en
notre audience tenante rue des Fossés Bernard n°37
Mais aucun acte n'apparaît dans les audiences
suivantes. Celui-ci a été longuement cité, car il est un reflet des difficultés
d'approvisionnement qui subsistent à Paris à cette époque et du rôle important
qu'y occupe le pain.
Sont comparus les citoyen et citoyenne Deshayes demeurant à Paris rue Neuve Etienne n° 28 à la ci-devant Congrégation, demandeurs, d'une part, aux fins de l'exploit de citation signifié à leur requête par Malgras, huissier, le 12 thermidor présent mois, à la citoyenne Louise Lebon, demeurant à Paris rue Neuve Etienne n°28, tendant ledit exploit à ce que la citoyenne Lebon soit tenue de ne plus injurier et calomnier la femme Deshayes en la traitant de gueuse et voleuse et disant que c'est elle qui l'a dénoncée comme vendant du pain de la section, ce qui a été cause de son arrestation, que la dite Lebon soit tenue de la reconnaître pour femme d'honneur et de probité et faute de le faire que le jugement à intervenir tiendra lieu et vaudra réparation et être condamnée aux frais. Est aussi comparue la citoyenne Lebon, défenderesse, d'autre part. Après que la citoyenne Deshayes a exposé qu'elle avait acheté du pain à la citoyenne Lebon [31] pour la somme de 105 livres et que depuis la citoyenne Lebon a été mise en arrestation pour avoir été trouvée munie de plusieurs cartes [32] à l'aide desquelles elle se faisait livrer diverses portions de pain ; et qu'ayant été mise en liberté la citoyenne Lebon était venue chez elle demander son argent ; et qu'elle avait refusé de lui donner parce que persuadée que c'était du pain de la section elle ne voulait lui payer cette somme qu'après y avoir été autorisée ; que la citoyenne Lebon s'est livrée envers elle à des injures. Après que la citoyenne Lebon ait convenu avoir vendu du pain et a soutenu que c'était du pain qu'elle achetait ailleurs et non du pain venant de la distribution faite sur les cartes ; qu'à la vérité le pain dont il s'agissait est antérieur à son arrestation et a été fait avant qu'elle n'eut les cartes dont elle a été trouvée nantie ; et qu'elle demandait le paiement de la dite somme de 100 livres. Nous, juge de paix, de l'avis de nos assesseurs, avant faire droit sur le payement de la somme de 100 livres due par la citoyenne Deshayes, remettons la cause à l'audience prochaine, jour où le citoyen Carré, boulanger rue Victor n°28, comparaîtra et sera entendu ; et faisons dès à présent défense à la citoyenne Lebon d'injurier la dite citoyenne Deshayes et renvoyons les parties à la prochaine audience tout droit des parties et frais réservés. Ainsi jugé par nous (…)". Deux mois plus tard [33] c'est encore un problème de vente de pain qui se pose : la "femme Prévost" réclame à "Charlotte Ferry, fille majeure", 30 livres pour avoir fait pour elle "trois voyages de pain" et pour être "restée sur la place pour vendre du pain pour la défenderesse" : elle obtient 15 livres. Les affaires qui ne sont pas liées au commerce du pain En 1793 [34] une boulangère, la "femme Montalant" a prêté une paire de draps à une marchande de vin ; elle veut les récupérer En 1794 [35] la f"emme Gueltenard" demande à une blanchisseuse le prix d'une chemise perdue et la remise d'un drap retenu pour dû de blanchissage : elle obtient 6 livres pour la chemise et paie le blanchissage. Les actes concernant ces boulangères, vendeuses ou porteuses de pain, ne sont pas assez nombreux pour donner un aperçu général de leur condition ; mais leur profession est directement liée aux difficultés d'approvisionnement en pain et certaines des actions menées les illustrent. Autres marchandes en alimentation Les épicières [36] ne sont que deux à intervenir. L'une, en 1791 [37], la "femme Lefebvre", séparée de son mari, réclame à un couple 29 livres 12 sols restant de plus pour marchandises vendues ; le défendeur dit avoir déjà payé 6 livres sur ce dû : il est condamné à s'acquitter du reste. L'autre, la "veuve Pioche", s'adresse au bureau de paix et de conciliation en 1793 [38] : la "veuve Billet" lui doit, dit elle, des fournitures ; celle-ci est représentée par son cousin, émailleur ; deux filles de boutique sont chargées de vérifier la validité du mémoire : l'accord se fait sur la somme de 225 livres. Les charcutières [39] n'interviennent qu'une seule fois, en 1792 [40] : ce sont trois sœurs Bourse "associées pour un débit de charcuterie" ; l'une est veuve, les deux autres célibataires. La demandeuse, la "veuve Moreau" leur réclame "une grande chaudière de cuivre rouge et un trois pieds de fer qu'elle leur a donné à loyer et trente-trois livres pour cinq mois et demi de loyer des ustensiles à six livres par mois, ou soixante livres pour les appareils". Mais le "sieur Château, maçon" leur a emprunté les ustensiles quelques heures et ne veut pas les rendre car la demandeuse lui doit 19 livres 10 sols pour des journées de travail. L'affaire est d'autant plus complexe que les défenderesses, qui se sont servi de la chaudière, ont prêté de l'argent à la demandeuse et il a été question qu'elle leur vende les instruments : mais le marché ne s'est pas fait. Le juge tranche : Château doit rendre les instruments aux épicières ; la veuve Moreau doit lui payer la somme due réduite à 12 livres pour les journées de travail ; les épicières doivent à leur tour rendre les instruments ou les payer 50 livres. Les dépens sont compensés. Une marchande de poissons, encore une demoiselle Bourse (elle n'habite pas à la même adresse que les précédentes), est citée comme défenderesse en 1793 [41] : elle doit 22 livres 6 sols à un épicier pour marchandises : elle devra le rembourser à raison de 3 livres par mois. Une marchande d'herbes aromatiques comparaît la même année [42] : elle doit 20 livres 16 sols pour loyers impayés : elle devra verser 20 sols par semaine. Dans ces deux derniers cas, comme dans de nombreux autres pour ces marchandes dont le commerce est lié à l'alimentation, les délais demandés et obtenus pour rembourser des sommes relativement faibles laissent supposer que leur situation pécuniaire n'est pas très florissante. Des marchandes tenant un commerce lié à l'habillement Elles ne sont que 6 au total : une marchande d'habits, une fripière et quatre mercières. Une marchande d'habits, la "femme Aufray", comparaît en 1795 [43] comme défenderesse ; la femme Moitié lui demande de rendre des mouchoirs qu'elle lui a rendus en même temps que le linge qu'elle devait blanchir pour elle. L'affaire est très compliquée et nécessite trois audiences devant le juge ; mais elle ne concerne nullement le commerce d'habits. Une marchande fripière [44], "Marie Anne Grotin" se voit réclamer en1793[45] 35 livres restant de 60 livres qui lui ont été avancées par une certaine "Madeleine Grotin" (sont-elles sœurs?). Elle reconnaît la dette et la remboursera par 1/6 de mois en mois. Quant aux quatre mercières[46], leurs interventions sont au nombre de 7, mais 4 émanent de la même personne, "Thérèse Chevalier, fille majeure". En février 1791[47], elle comparaît une première fois comme défenderesse : elle refuse de remettre à "Marie-Anne Jeanin, blanchisseuse (…) un déshabillé de toile d'organdi, un tablier de même toile et un bonnet rond à dentelle à elle appartenant et que Thérèse Chevalier a retiré il y a quinze mois pour servir de [caution?] de la somme de deux livres cinq sols que la dame Jeanin lui devait pour restant de fourniture des dits objets", sur celle de "vingt francs payés à compte en plusieurs fois". Mais la défenderesse a vendu le déshabillé et le bonnet en novembre, la demanderesse n'étant pas venue la trouver depuis 15 mois : elle lui rend les 20 francs versés. Le mois suivant [48] Thérèse est à nouveau devant le juge. Elle est qualifiée cette fois comme "marchande mercière, tenant le petit hôtel du Jardin Royal, garni". Le défendeur est le "sieur Tricourt, secrétaire du sieur Thorien" qui ne comparaît pas : il lui doit 70 livres pour 7 mois de location ; elle demande à être autorisée à vendre "deux cassettes fermées à clef et les objets y étant s'il s'en trouve après l'ouverture (…) s'il y a surplus, il sera déposé où il sera ordonné". Tricourt est condamné à payer "et avant de faire droit sur sa demande afin de vente des cassettes et des effets qui peuvent s'y trouver, elle sera tenue de faire faire ouverture des cassettes et de suite inventaire par devant tel notaire qu'il plaira au tribunal du cinquième arrondissement". Deux mois plus tard [49] c'est pour la même affaire que Thérèse Chevalier retourne chez le juge en comparution volontaire contre le "sieur Nicolas Cousin" et son épouse, "dame Thierry" ; un sieur Thierry [50] avait confié à Tricourt des papiers concernant sa succession, mais il semble que Tricourt soit décédé ; sa veuve aurait laissé la cassette contenant les dits papiers chez la "demoiselle Chevalier" qui n'a pas répondu à la demande de restitution que Tricourt avait déjà formulée : deux lettres de lui allant dans ce sens sont présentées au juge. La cassette est fermée à clef, clef que Tricourt avait emportée. Le juge décide que l'ouverture de la cassette sera faite en sa présence et en celle des parties et que les papiers seront de suite remis au sieur et à la dame Cousin. La dernière affaire concernant la "demoiselle Chevalier" dans le corpus est datée de 1794 [51]. Elle se déroule en deux temps. La "citoyenne veuve Poussin, ci-devant fille de boutique de la citoyenne Chevalier" lui réclame 120 livres de reste de gages à raison de 150 livres par an, et la remise de "tous les hardes, linges et effets qu'elle lui retient sans aucun motif ou 200 livres". La défenderesse a prévenu qu'elle ne pourrait être là et l'affaire est remise. À l'audience suivante, elle dit ne pas refuser de payer les 100 livres. Quant aux effets la demanderesse dit pouvoir prouver que la défenderesse les a vendus et propose de faire comparaître les acheteurs ; celle-ci a vendu sa maison depuis et propose aussi le témoignage de l'acquéreur de la maison et du mobilier. L'affaire est donc à nouveau remise, sauf pour les 100 livres qui doivent être payées ; mais elle ne comporte pas de suite dans le corpus. En 1791, au bureau de paix et de conciliation [52] la "demoiselle Adélaïde Lemercier" [53], épouse Vatrain et son mari comparaissent comme défendeurs ; le "sieur Julienne, fondé de pouvoir du sieur Desbuissons, marchand mercier rue Mouffetard, vis-à-vis de la fontaine de Pot de Fer" demande que leur droit soit rappelé et qu'ils appliquent la défense de s'établir ni former aucun fond de mercerie dans toute l'étendue du quartier St Marcel, comme la défenderesse s'y est engagée auprès de Desbuissons en lui cédant son fonds de mercerie par acte notarié du 6 juin 1790. Le demandeur affirme qu'ils en ont formé un. Le Sieur Vatrain dit que "son épouse reste dans une mercerie au coin de la rue Neuve St Médard, mais qu'elle n'est pas à elle mais à sa sœur Louise Lemercier, principale locataire de la maison et que sa femme reste avec elle pour lui tenir compagnie". Le demandeur se réserve le droit de faire preuve ; la défenderesse affirme alors "qu'elle n'a jamais tenu le comptoir de sa sœur ou autre ; qu'elle n'a pas d'autre moyen de subsister et qu'elle et son mari ne vivent que par le secours de sa sœur". Le demandeur réplique qu'"il ne peut laisser la dame Vatrain dans cet arrangement, que ce moyen n'est qu'illusoire et ne tient qu'à lui donner une liberté dont volontairement elle s'est privée" et il demande un délai de huit jours pour consulter le sieur Desbuissons. C'est celui-ci qui comparait en personne la semaine suivante contre la dame Vatrain seule cette fois ; elle réaffirme qu'elle n'est point marchande, que la boutique où elle demeure est tenue par sa sœur. Le juge constate la non conciliation. En 1792 [54] la "dame Lemercier" – la soeur de la dame Vatrain, principale locataire donne congé à une locataire faiseuse de mules qui lui doit 12 livres 10 sols de terme échu. Enfin, en 1794 [55] c'est la "citoyenne Boutey, mercière" qui réclame à la citoyenne Camus la somme de 48 livres 17 sols pour marchandises, suivant le prix convenu ; le juge renvoi l'affaire pour présentation du "livre journal pour être confronté avec le mémoire par eux fourni à la défenderesse". Celle-ci, après vérification doit payer. Autres commerces Seules deux femmes tiennent des commerces autres que ceux qui relèvent de l'alimentation et de l'habillement. Une marchande de tabac, en 1792 [56] doit, avec son mari 90 livres restant de 114 pour loyer échu du logement qu'ils occupaient précédemment : ils sont condamnés à les payer. Une marchande d'amadou [57], la "citoyenne Julienne", l'année suivante [58] comparaît pour la même raison : elle doit 10 livres pour terme échu, et autant pour le terme à échoir ; elle ne comparaît pas et doit quitter les lieux. En guise de conclusion provisoire ... A l'issue de cette présentation des marchandes appelées en justice de paix dans la section du Jardin-des-Plantes entre 1791 et 1791, quelles réponses peut-on tenter de donner aux questions posées : pourquoi ont-elles à faire au juge de paix ? Quelles indications transparaissent sur leur vie? Tous commerces et tous objets réunis, les marchandes sont 23 fois demandeuses et 27 fois défenderesses, ce qui ne révèle pas une différence importante. Elles sont citées 20 fois pour des questions concernant leur commerce –10 fois dans chacun des rôles - et 30 fois pour des affaires autres –13 fois comme demandeuses et 17 fois comme défenderesses. Les problèmes de la vie courante sont donc plus fréquents que ceux liés à leur commerce. Les objets qui reviennent le plus souvent, tant chez les demanderesses que chez les défenderesses sont liés au logement. Plusieurs marchandes – essentiellement des marchandes de fruits - sont principales locataires d'immeubles qu'elles gèrent parallèlement à leur commerce, ce qui montre une certaine aisance matérielle ; elles doivent aussi veiller à la rentrée des loyers et demandent des expulsions si besoin est (7 fois) ; mais davantage encore (8) sont locataires – dont 3 fruitières - et ne peuvent payer leur logement. Les marchandises impayées par des acheteurs sont l'objet de 8 comparutions au niveau de la demande, ce qui paraît relativement faible ; peut-être les ventes à crédit sont-elles rares? Ou bien hésite-t-on à introduire une action auprès du juge pour des sommes relativement faibles? En dehors d'une somme de 4 livres 2 sols, toutes les autres sont supérieures à 13 livres et montent jusqu'à 225 ; mais 5 fois ce sont les commerçantes qui n'ont pas payé les fournisseurs. Il y a seulement 2 actions concernant des différends entre employeurs et employés. Aucune caractéristique dominante ne se dégage donc de cette étude des "marchandes de la section du Jardin-des-Plantes" si ce n'est, d'une part, la variété des commerces qu'elles tiennent et, d'autre part les différences importantes dans leur situation pécuniaire. Les minutes de la justice de paix font enfin apparaître la variété des commerces tenus par des femmes, même si elle est beaucoup moins grande que ce qui est constatable pour les hommes. Leurs problèmes, tels qu'ils apparaissent en justice de paix sont ceux rencontrés par les autres citoyens dans leur ensemble. Les questions politiques et économiques propres à la période ne sont qu'entrevues que dans quelques unes des minutes étudiées et peuvent faire l'objet d'analyses ultérieures. NOTES [1] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 18 avril 1791.
[2] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 8 juillet 1791.
[3] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 20 avril 1792.
[4] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 26 novembre 1793- 6 frimaire an 2.
[5] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 8 septembre 1792.
[6] AD. Paris, D12 U1.11, acte
du 13 mai 1793.
[7] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 3 août 1792.
[8] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 2 septembre 1795- 16 fructidor an 3.
[9] FRANKLIN A. Dictionnaire
historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le XIII
ème siècle, Evreux, 2004, p.700.
"La feuillette ou fillette, moitié du muid représentait
environ 268 litres".
Ici le total est donc d'environ
400 litres.
[10] La livre est évaluée,
dans tous les ouvrages consultés à 489 grammes, les 200 livres équivalent donc
à 97,8 kg.
[11] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 12 mars 1792.
[13] AD. Paris, D12 U1.11, acte du 29 juin 1793.
[14] Fruitier,ère : qui vend
des fruits, des légumes frais , etc (Larousse du XXè siècle).
[15] FRANKLIN A., op. cit., p. 349 :
"Fraisiers : Cultivateurs de fraises (…) en 1661 on n'en connaissait encore
que quatre espèces (…) quatre ans plus tard, ce nombre s'élevait à six et il
n'était encore que de dix en 1766, bien que Louis XV ait eu pour les fraises un
goût particulier".
[16] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 3 octobre 1791.
[17] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 16 avril 1792.
[18] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 15 mai 1795 – 26 floréal III.
[19] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 16 avril 1792.
[20] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 4 mai 1792.
[21] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 4 juillet 1791.
[22] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 17 février 1792.
[23] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 17 février 1792.
[24] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 19 mars 1792.
[25] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 23 mars 1791.
[26] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 16 mai 1791.
[27] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 14 décembre 1791.
[28] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 7 octobre 1794 – 16 vendémiaire an II.
[29] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 16 octobre 1792.
[30] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 24 avril 1795 – 16 thermidor an III.
[31] De fait rien ne dit que
la citoyenne Lebon est boulangère, elle vend du pain, c'est tout ce qui est dit
et c'est pour cette raison qu'elle a été ici qualifiée, peut-être un peu
rapidement de "boulangère".
KAPLAN S.L. Le meilleur pain du monde; les
boulangers de paris au XVIIIè siècle, Paris1996 :
p.105 "(…) trois lignées de boulangers servaient dans la capitale : les maîtres (…) les faubouriens (…) et enfin les forains (…) qui deux fois par semaine se rendaient en ville pour y vendre leur pain (…)". p.131 "(…) Parmi les personnes qui fournissaient les Parisiens en pain , d'aucunes n'y étaient pas habilitées (…)". p. 132 "(…) Une bonne partie des "boulangers sans qualité" se composait cependant de personnes qui se débrouillaient par leurs propres moyens. (…) Ainsi proliféraient les "gens sans titre ni qualité", très souvent des femmes, que les jurés pourchassaient dans les rues où elles vendaient toutes sortes de pains prétendument "mal faits et fabriquez". Les femmes travaillaient souvent pour des forains sans licence. " p.128 "(…) PORTEUSES (…) sa principale fonction était de livrer le pain à la clientèle (…). Souvent les porteuses étaient des servantes à temps complet qui travaillaient dans le ménage comme dans les affaires de leur maître (…). Outre la livraison de pain, certaines porteuses avaient d'autres fonctions. Celles qui avaient la confiance de leur boulanger se faisaient payer en espèce (…)" . Peut-être la citoyenne Lebon est elle la porteuse du boulanger Carré mentionné dans la suite de l'acte?
[32] BERTAUD J.-P. La vie
quotidienne en France au temps de la Révolution, Paris, 1989, p.57 :
"Chaque habitant a
droit à une portion égale de pain et on
peut, si on le désire, demander au boulanger de peser publiquement le pain
qu'il vend. Chaque chef de famille est pourvu d'une carte. Elle porte son nom,
le numéro d'enregistrement et des colonnes pour y inscrire la quantité reçue
chaque jour. Ces cartes de pain seront utilisées parfois longtemps et on en
trouvait encore à Bordeaux à la fin de 1795".
LADJOUZI D. "Les journées des 4 et 5 septembre
1793" in Annales historiques de la Révolution française, n°321 p. 33 "Le
peuple de Paris avait vu son existence menacée par le problème grave du
ravitaillement. Des sections avaient trouvé des solutions pratiques, comme
celle de l'institution d'une carte de pain, pour faciliter la distribution aux
portes des boulangeries (...)".
[33] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 26 septembre 1795 – 3ème Jour Complémentaire an III.
[34] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 26 novembre 1793 – 6 frimaire an II.
[35] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 24 juillet 1794 – 6 thermidor an II.
[36] FRANKLIN A., op.cit.,
p. 307 :
"Épiciers. Jusqu'à la Déclaration du 25 avril 1777, l'histoire des
épiciers se confond avec celle des apothicaires. Elle est comprise ensuite dans
celle des corps de métiers dont l'ensemble représentait la corporation dite des
épiciers-grossiers-droguistes-confiseurs-ciriers".
[37] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 23 février 1791.
[38] AD. Paris, D12 U1.11, acte du 16 juillet 1794.
[39] FRANKLIN A., op.cit.,
p. 149 :
"Charcutiers. (…) la déclaration
du 24 octobre 1705 leur accorda , à l'encontre des bouchers, le droit
exclusif de vendre la viande de porc, soit cuite, soit crue. (…). Les statuts
de 1745 ne les nomment plus que chaircuitiers. On en comptait environ 130 à
paris vers la fin du dix-huitième siècle (…)".
[40] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 8juin 1792.
[41] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 11 juillet 1793.
[42]AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 8 avril 1793.
[43] AD. Paris, D12 U1.9, acte du 12 septembre 1795 – 26 fructidor an III.
[44] FRANKLIN A., op.cit., p. 346 :
"Fripiers. Ils
ne vendaient que du vieux : vêtements et étoffes de toute espèce, draps,
laines, toiles, feutres, cuirs, etc. ayant déjà servi (...)".
[45] AD. Paris, D12 U1.9, acte
du 6 février 1793.
[46] FRANKLIN A., op.cit., p. 478 :
"(...) la
riche corporation des merciers, à qui toute fabrication était interdite, mais
qui avaient le droit de vendre toute espèce d'objets et de produits, quelles
que fussent leur nature et leur provenance (…)."
[47] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 24 février 1791.
[48] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 18 mars 1791.
[49] AD. Paris, D12 U1.8, acte
du 13 mai 1791.
[50] Frère de la dame Cousin?
[51] AD. Paris, D12 U1.9, acte du 27 octobre 1794- 6 brumaire an III et
6 novembre 1794 –16 brumaire an III.
[52] AD. Paris, D12
U1.11, acte du 1 et 8 août 1791.
[53] Elle est veuve en
premières noces d'un Sieur Chevalier, est-elle parente avec la demoiselle
Chevalier dont il a été question ci-dessus?
[54] AD. Paris, D12 U1.8, acte du 17 février 1792.
[55] AD. Paris, D12 U1.9, actes du 24 juillet 1794 – 6 thermidor an II,
et du 3 août 1794, 16 thermidor an II.
[57] FRANKLIN A., op.cit., p.
14 :
"Amadoueurs. Marchands d'amadou. Au milieu du 18ème siècle
, l'amadou venait encore presque exclusivement de l'Allemagne. A Paris, les
épiciers le vendaient en gros à de petits merciers qui le détaillaient".
Pour la femme Julienne, seul le commerce de l'amadou est noté. Est elle
grossiste?
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