G.-J.B. Target (1733-1807)

 Être femme à Moulins à la fin du 18ème siècle

Des traces dans les archives de la justice de paix du canton Ouest

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Mots clés : Justice de paix - Situation de la femme - Moulins - Allier - Justice civile - Justice correctionnelle - Justice gracieuse - Famille 

 

Sommaire de l'article (vous pouvez accéder directement à chacune des sections du texte :

 

Introduction - Un corpus possible ...
La présence des femmes devant le juge de paix
          - les femmes en justice civile et au Burau de paix et de conciliation
          - quand les femmes comparaissent en justice correctionnelle ...
          - des moulinoises en justice gracieuse
Le statut des femmes à travers les actes de la justice de paix
          - le statut familial
          - le statut professionnel

Remarque préliminaire : ce document est la transcription d'une conférence, présentée à Moulins sous l'égide de la Société bourbonnaise des études locales, le 20 janvier 2001

Dans les travaux que nous avons publiés, une part importante est réservée à l'étude des femmes de la campagne. Nous avons tenté de répondre à la question posée par plusieurs chercheurs, tels Anna Rosa : "Que font alors les paysannes ? [1]". 
Nous allons ici comparer les résultats de ces recherches, faites à partir du corpus des actes de la justice de paix des cantons de Bellenaves et d'Ébreuil, de 1791 à la fin de l'an VI, soit 2 307 affaires à ceux obtenus à partir du corpus du canton ouest de la ville de Moulins pour les années 1791, 1792, an III, an V, soit un total de 853 minutes concernant des affaires différentes.
Dans une approche préliminaire, il faut d'abord souligner que les femmes en justice de paix, que ce soit là ou ailleurs, ne sont que des consommatrices de l'institution : jamais un juge, un assesseur, un greffier ne sont des femmes. Cela paraît si évident à tous que les textes officiels ne précisent jamais le sexe de ces personnels nouveaux [2]. Néanmoins, dans le rôle qui leur est imparti, les femmes participent de façon active à la justice de paix.
Dans une première partie, c'est cette présence elle-même qui sera étudiée, puis, dans une seconde partie seront dégagés quelques aspects de la vie quotidienne de ces femmes, et notamment leurs statuts tels qu'ils apparaissent dans le corpus.
 

La présence des femmes en justice de paix

À Moulins, tous rôles et tous types de justice confondus, il existe un peu moins de 500 interventions de femmes, soit près de 20% de l'ensemble. À la campagne elles ne représentent que 13% … D'emblée, la participation des femmes semble donc nettement plus fréquente en ville. Cette donnée brute doit être affinée en tenant compte des différentes formes de justice : justice civile et conciliatrice, justice gracieuse puis police correctionnelle et, pour chacune d'entre elles des objets des actions.

Les femmes en justice civile et au bureau de conciliation

Rappelons que les objets des comparutions dans ces deux instances sont les mêmes, que seule la valeur en cause est différente : moins de 100 livres en justice civile, plus de 100 livres au Bureau de conciliation. 
En justice civile, à Moulins, globalement 18% des interventions sont le fait de femmes. Elles ne sont que 12% à la campagne. Comme demanderesses et défenderesses, leur présence en pourcentage est à peu près stable au cours des années : entre 15 et 20%. Du point de vue du nombre, ces interventions chutent comme celles des hommes, de façon très importante, à partir de l'an III (pour l'an II, le corpus étant incomplet, il est difficile d'en juger) : de 168 en 1791, elles tombent à 9 en l'an V. En tant que témoins, elles sont assez fréquemment sollicitées les premières années : en 90, 91 et 92, 1 témoin sur 4 est une femme ; puis elles sont totalement absentes dans ce rôle au cours des ans III et V – les hommes eux-mêmes y sont fort peu nombreux.
Au bureau de conciliation, les femmes qui représentent 20% des intervenantes à la campagne ne sont en ville que 15%. Les affaires pour lesquelles elles interviennent sont donc, dans l'ensemble, de moindre valeur pécuniaire. Leur présence en tant que demanderesses et défenderesses est à peu près équivalente.

Pourquoi les femmes estent-elles en justice civile ou au bureau de conciliation ?

Les objets des interventions ont été dénombrés. Ils sont présentés ici suivant leur fréquence décroissante.
Le souci principal des femmes à Moulins, autant que la justice de paix puisse le révéler, est le paiement des termes de loyers ; elles émettent à ce sujet 31 demandes (dont 2 au Bureau de conciliation) et 32 défenses (dont 3 au Bureau de conciliation). En tant que demanderesse, c'est par exemple Antoinette Liandon, veuve Tréfoux qui réclame, à Jean-Baptiste Pérille, ancien armurier et actuellement bourgeois, le 4 mars 1791 [3], "trente-quatre livres pour restant d'un loyer d'une chambre occupée en 1789" et propose de lui remettre alors "les effets qu'elle peut avoir en sa puissance et lui appartenant". Le défendeur paie sur le champ 24 livres et obtient un délai "jusqu'à la St-Jean-Baptiste prochain" pour les 10 livres restant. Il demande la remise immédiate des effets "qui sont restés dans une armoire placée dans la chambre". Comme défenderesse, écoutons, le 4 février 1791, la "dame Parrinet, veuve Servin, actuellement femme du nommé Bernard [4]". Il lui est réclamé par Jean Gominet, maître cordonnier la somme de 24 livres "pour la sous-location d'une chambre sur le devant et une cave située place de l'Horloge". Elle reconnaît sa dette mais affirme ne pas pouvoir payer "par la raison qu'elle n'avait pas encore reçu une somme de cent livres de rente qui lui sont dues sur Etat du Roy depuis vingt mois". Elle demande que la somme soit imputée à compte sur sa rente. Le créancier accepte, tout en se réservant le droit de se pourvoir contre elle s'il n'arrive pas à se faire payer. Au Bureau de conciliation il s'agit de dégradations faites dans des logements loués. La presque totalité de ces actions, que ce soit dans l'un ou l'autre rôle ont lieu en 1790, 91 ou 92. 6 femmes seulement sont impliquées en l'an III et une en l'an V.
Les prêts et emprunts d'argent sont aussi très fréquents : 21 demandes et 27 défenses. A trois exceptions près, tous ces procès ont lieu entre 1790 et 1792. Il s'agit d'argent prêté depuis peu de temps, environ 6 mois. Ainsi, Marie Ollier, le 9 juillet 1791 [5], dit avoir prêté 29 livres à Dumousseau, officier de la Garde Nationale, le 15 novembre  1791. C'est aussi une mère infirme, Louise Gabrat, qui demande à ses deux enfants de lui payer une pension mensuelle de 12 livres. Elle n'obtient que 4 livres de la part de chaque enfant. Les défenderesses demandent souvent des délais : ainsi Anne Laporte, veuve, qui en janvier 1789 a emprunté à Barine, voiturier par terre, 72 livres, "dans un besoin très pressant où elle se trouvait à Paris" ; ce 29 juillet 1791 [6], elle obtient un délai de 4 mois pour régler sa dette.Il en est de même pour Anne Marion qui, avec son mari voiturier par eau, a signé un billet de 453 livres en juin 1789. Appelée devant le bureau de conciliation en mars 1791 [7], elle obtient pour le paiement un délai jusqu'au 1er janvier 1792. Toutes ces dettes, grandes ou petites semblent bien difficiles à rembourser. Il faut ajouter à cette liste 3 actions en justice civile dans lesquelles des femmes demandent le paiement de petites sommes dues à la suite d'héritages.

Les dus pour marchandises viennent ensuite. Il s'agit essentiellement de textiles, mais aussi d'objets très divers tels que, par exemple, un peigne de chanvre, des tuiles, une selle et une bride de cheval, des fagots, des planches et feuilles de mûrier.
 Les conflits liés à l'achat de produits alimentaires, qu'il s'agisse de produits agricoles bruts ou transformés, sont, quantitativement, presque à égalité avec les précédents. Le pain et le vin sont les objets les plus fréquemment source de conflit. Par exemple, la veuve Chanmorot doit 12 livres pour du pain acheté chez Robert, boulanger, en novembre 1790 ; au cours de l'audience du 10 mars 1791 [8], elle obtient un délai de 3 mois et demi - jusqu'à la St Jean-Baptiste - pour régler sa dette. Les autres produits cités sont, outre des "denrées" sans autres précisions, la farine, le sel, les pommes, les œufs, l'huile et le beurre, le prix de ce dernier donnant lieu à contestation. Ainsi la femme Vacheron reconnaît, le 23 mars 1791 [9], avoir acheté du beurre et ne pas l'avoir payé entièrement, mais affirme-t-elle "il s'est trouvé d'être mauvais beurre de valeur bien inférieure au prix indiqué, et, pour nous le prouver elle en avait apporté dans un panier et après l'avoir exposé elle a demandé d'appeler quelque personne pour voir et examiné ledit beurre". Une femme est appelée et elle estime le beurre entre 10 et 14 sous la livre, alors que le prix fixé était de 15 sous.  Ce sont toujours de petites sommes qui sont alors en jeu et aucune action de ce type n'a lieu au Bureau de conciliation.
Les revendications à propos de rémunération de travaux sont aussi relativement nombreuses : 10 demandes et 16 défenses. Dans les deux cas, il s'agit surtout de gages de domestiques impayés. Ainsi, Marguerite Achon, majeure de coutume autorisée par sa mère réclame à la veuve Achon, en juin 1792 [10] "trois livres douze sols pour deux mois et dix-huit jours qu'elle est restée chez elle comme domestique et qui l'a mise dehors sans raison". Il peut s'agir aussi de travaux faits par des artisans, charpentiers ou paveurs, de transport de meubles ou autres, ou même d'honoraires de notaires qui n'ont pas été réglés.
Les conflits dus aux animaux sont relativement rares : il s'agit essentiellement de quelques porcins, de 2 bovins et d'oies volées. Le 5 nivôse an III-25 décemnre 1794 [11], une action au Bureau de conciliation est menée par 6 femmes - 5 sont mariées et autorisées de leur mari, la dernière est veuve - qui sont "en société" avec Marien Chanudet, tisserand. Elles lui demandent la reddition des comptes de la société après qu'il a vendu, sans leur accord, un cheval et des meubles. La conciliation n'aboutit pas et les demandeuses sont renvoyées devant la juridiction supérieure.
Toutes ces actions concernent des droits personnelsQuant aux droits réels, ceux qui concernent directement la propriété, ils sont fort peu présents dans les actions où des femmes interviennent à Moulins : en justice civile, trois sœurs réclament, en 1791, leur part d'une terre plantée en vigne et indûment exploitée par leur belle-mère, veuve et remariée. Une autre, en 1795 refuse de se dessaisir de ses droits de propriété, dessaisissement qui lui est demandé en compensation de dettes.
 C'est dans ces actions pour la sauvegarde des propriétés que la plus grande différence apparaît entre les femmes de la campagne, pour qui elles sont le souci majeur, et les femmes de la ville : la propriété de la terre y est naturellement pratiquement inexistante ; quant à celle des immeubles, elle ne fait l'objet d'aucune demande au Bureau de conciliation. Cependant la tentative de conciliation étant obligatoire avant toute action devant les tribunaux supérieurs, cette absence reste inexpliquée dans l'état actuel de nos recherches, comme l'est celle concernant les différends à propos des héritages. Ils posent peu de problèmes en ville et beaucoup à la campagne. Par contre, les questions de loyers et de baux locatifs, y occupent des places similaires dans les préoccupations des femmes ; mais, bien sûr elles sont de nature différente : en ville elles concernent essentiellement des loyers d'habitations, en argent, alors qu'à la campagne les problèmes de baux de métayage et de fermage sont prédominants. Les dettes en numéraire sont également un souci prédominant, quelque soit le lieu. Puis viennent, avec des écarts de faible amplitude et dans un ordre d'importance à peu près semblable, les dus pour produits alimentaires – bruts ou transformés- et pour marchandises diverses, liés, la plupart du temps, comme il est expliqué plus loin, à leurs activités.
Avant d'en terminer avec la justice civile il faut signaler la part importante qu'y tiennent les jugements concernant, dans le cadre des droits extra patrimoniaux, les actions pour insultes et rixes qui en nombre de "plaideurs femmes" se classent tout de suite après les actions pour le recouvrement de loyers : 25 sont demanderesses, 27 sont défenderesses, ce qui représente exactement, dans les deux rôles 1/3 des interventions de ce type, proportion nettement plus importante qu'à la campagne où la participation des femmes n'est, pour cet objet, que d'environ 20%. Les motifs de ces différends sont souvent des injures dont l'origine n'est pas toujours connue, quelquefois accompagnées de jets de pierres ou de coups. À titre d'exemple, citons la demande émise le 29 juillet 1791 [12] par Françoise Mercier, épouse du sieur Chaput, voiturier par terre, et sous son autorité, contre le sieur Conquet, ci-devant religieux. Il aurait répandu "publiquement qu'elle était une coquine, une gueuse, et une maquerelle, qu'elle lui avait amené des filles dans sa chambre qu'il n'aurait pas voulu recevoir, et que son mari aurait dû pourrir dans les prisons pour les vols par lui commis (…)". Ces insultes concernant d'une part les questions sexuelles, d'autre part des accusations de vols sont les plus fréquentes. Elles sont aussi présentes à la campagne mais beaucoup plus rarement. La promiscuité en ville peut, sans doute, expliquer cette différence.
 
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Quand les femmes comparaissent en police correctionnelle ...

Les actes de police correctionnelle sont très rares dans le corpus étudié : il y en a un seul en l'an III et 8 en l'an V. Au total, sur les 9 plaignants, 3 sont des femmes (soit 33%), mais  sur les 48 prévenus, elles ne sont que 7, soit moins de 13%. Elles ne sont jamais témoin. Leurs interventions représentent au total 15% de l'ensemble, proportion double de celle trouvée à Bellenaves et Ébreuil. Mais elles n'interviennent que dans 5 affaires différentes.
En premier lieu trois d'entre elles sont citées comme plaignantes, avec 19 hommes, dans l'affaire qui agite les bouchers de Moulins le 9 frimaire an V-30 octobre 1797 [13] : en effet,  "la très grande majorité des bouchers de cette commune refuse de se pourvoir de cette patente", patente instituée par la loi du 6 fructidor an IV. Sur les 22 prévenus, 5 seulement, dont les 3 femmes, se présentent à l'audience. Présents ou non, ils sont tous condamnés à payer une amende qui s'élève à 4 fois la patente, sans compter le montant de la patente elle-même et les dépens.
Les quatre autres affaires relèvent du code de police correctionnelle concernant les rixes, coups et blessures et sont de la même nature que celles traitées en justice civile et dont nous venons de parler. Toutes ont lieu en l'an V. Deux sœurs, Marguerite et Geneviève Bellot, sont accusées, le 8 nivôse an V-28décembre 1797 [14], d'avoir injurié un homme, mais elle se rétractent et affirment devant le tribunal qu'"elles le considèrent comme un honnête citoyen". Une plaignante intervient, parce qu'elle aurait été accusée par la prévenue de lui avoir mangé des poules et aurait été traitée de "coquine et putain".Une autre a été traitée "de gueuse et de putain", mais comme elle a répondu vertement, les parties sont renvoyées. La dernière affaire éclate entre deux femmes à propos du prix du boisseau de blé. Le tribunal "vu la gravité des faits et pour maintenir l'ordre qui doit régner dans le marché et faire respecter les personnes et les propriétés a condamné la femme Bravy [prévenue] à vingt-quatre heures de détention et aux dépens".
 
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Des moulinoises en justice gracieuse 

Cette forme de justice occupe à Moulins une part deux fois plus importante de l'activité du juge qu'à Bellenaves et Ébreuil : 25% contre 12,5%. Les femmes représentent dans les deux corpus 40% des demandeurs, mais à Moulins, parmi les témoins, elles sont 15 % alors qu'en campagne elles ne sont que 7%.
Près des 2/3 des demandes des femmes concernent des actes familiaux : tutelles, curatelles, émancipations d'enfant mineurs, homologations de décisions diverses concernant entre autres des héritages, des poses et/ou levées de scellés, avec inventaires après certains décès. Cette proportion est un peu inférieure chez les hommes (58,5%). La plupart de ces actes sont rédigés en présence de membres de la famille, assemblés en conseil. Ainsi, Marie Soursat, veuve depuis "depuis entour cinq ans" de Francis Mathé réunit le 25 janvier 1791 [15] un conseil de parents : elle veut dissoudre la communauté de biens qui existait entre elle et son mari. Elle demande donc la nomination d'un curateur pour ses trois enfants encore mineurs. Le conseil comprend, outre la demanderesse, deux de ses filles majeures et veuves, le veuf d'une troisième, le mari d'une quatrième, un cousin issu de germain et trois amis. À cette époque, d'après la coutume du Bourbonnais, le conseil de parents doit réunir au moins 7 membres. Ici ils sont donc, en tout  neuf … comme à la campagne : les femmes, en dehors de la mère, ne sont pas comptées comme membres à part entière, même si elles sont présentes, ce qui est très rare. Par contre, lors des inventaires, des femmes sont toujours présentes et la garde des scellés leur est parfois confiée.
Les déclarations concernant les personnes sont de différentes natures. Il peut s'agir d'actes de notoriété, de déclarations de grossesse ou de procès verbaux concernant des enfants trouvés. Pour les femmes cet ensemble représente 25% des demandes et chez les hommes seulement 10%.
Dans ce groupe, ce sont les déclarations de grossesses qui sont les plus nombreuses : 10 au total sur 18 . Depuis l'édit de Henri II en date de 1556, les femmes enceintes hors mariage doivent en effet déclarer leur grossesse, sinon elles sont passibles de mort si l'enfant meurt sans être baptisé. Il ne s'agit pas, comme à la campagne, d'amours ancillaires. Les séducteurs sont : un élève chirurgien qui habite une chambre dans la maison où la demanderesse est domestique, un autre domestique, un compagnon horloger, un homme de loi, un propriétaire, un jardinier, 2 militaires et le geôlier de la prison où la femme était enfermée pour le vol d'une lettre qu'elle nie, et a qui il a promis d'adoucir sa détention.
D'autres actes ne sont dressés qu' à la demande de femmes qui sont alors considérées comme témoins : ce sont les 12 procès-verbaux qui concernent les enfants trouvés. A Moulins, ce sont toujours des sage-femmes qui présentent le bébé au juge. Elles disent, la plupart du temps, l'avoir trouvé, devant leur porte. Tous ces enfants, sauf un, sont de sexe masculin. Coïncidence ? À la campagne, on abandonne les enfants, indifféremment fille ou garçon, devant une porte quelconque en criant pour que les habitants sortent, ou à Ébreuil, devant celle de l'hôpital. Partout les auteurs de l'abandon font au mieux pour assurer la survie immédiate de l'enfant.
Les huit autres demandes concernent des actes de notoriété pour des personnes absentes ou dont les actes de naissance ont été perdus. Une femme célibataire, Jeanne Larue, réclame l'inscription sur le registre des naissances de son enfant de 20 mois qu'elle a fait baptiser ; la sage-femme et une amie, témoins, appuient sa demande. La loi du 20/25 septembre 1792 autorise les femmes à témoigner dans ces actes d'état civil pour lesquels la présence de trois témoins suffit. Sur 12 actes postérieurs à cette loi, un seul, en 1797 ne mentionne que 3 témoins femmes, alors que 8 ne mentionnent que des hommes … sans doute leur accorde-t-on une plus grande confiance.
La dernière catégorie d'actes en justice gracieuse concerne des officialisations diverses : nominations et rapports d'experts, prestations de serments, démarches dont on veut laisser les traces telles que remise de clefs, état des lieux etc; là encore ce sont souvent les hommes qui s'en chargent : ils sont 4 fois plus nombreux à formuler ces demandes que les femmes (41 pour 10).
 
Pour conclure cette première partie sur la comparaison de la  participation des femmes à la justice de paix, à Moulins et en campagne, nous pouvons affirmer que :
- les femmes de la ville y sont plus présentes qu'à la campagne
- cette différence se retrouve dans tous les rôles, mais surtout dans celui de témoins
- les objets pour lesquels elles comparaissent sont souvent de même type, à deux exceptions près : les bagarres et injures plus fréquentes en ville, les actions concernant la possession des terres et la répartition des héritages plus fréquentes à la campagne.
 
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Le statut des femmes à travers les actes de la justice de paix 

Notre corpus met en scène environ 400 femmes différentes, majeures de droit ou de coutume. Pour toutes apparaissent en filigrane, en dehors des objets même pour lesquels elles interviennent, des éléments de vie : statut familial et statut professionnel seront étudiés ici successivement.

Le statut familial

Les femmes sont, en règle générale, désignées par leur nom patronymique, suivi le cas échéant du nom de leur mari, et de leur prénom. Cependant, près de 10% d'entre elles ne sont nommées que par le nom de leur époux, voire celui de leur père "femme de ..." ou "fille de …". Leur prénom est aussi omis un peu plus souvent que celui des hommes (16% contre 13% des cas).
Par contre leur statut conjugal est toujours mentionné quand celui des hommes ne l'est jamais : 42,8% des interventions de femmes sont le fait de femmes mariées, 32,9% sont le fait de veuves, 23,5% de célibataires et 3, soit 0,8% de femmes séparées. Ces pourcentages sont proches de ceux trouvés à la campagne (respectivement : 41,6%- 35,7%- 21,8%- 0,9%).
Les femmes mariées comparaissent toujours "autorisées" de leur époux conformément à la coutume du Bourbonnais [16], la Révolutioon n'ayant pas changé en la matière le statut juridique de la femme ; souvent d'ailleurs, la femme ne comparaît pas et c'est le mari qui fait pour elle, même si ce sont ses intérêts propres qui sont en jeu. C'est le cas, par exemple le 7 février 1791 [17] : le père d'Anne Pousset est décédé, Guillaume Bernard lui devait 99 livres; c'est le mari d'Anne, Louis Dussourd qui "comme maître des droits de sa femme" intervient seul. A Moulins une seule femme n'est pas autorisée de son mari, elle l'est alors "de justice". Il s'agit d'une affaire d'insultes dans laquelle elle est défenderesse et se rétracte. Le refus du mari d'autoriser sa femme est plus fréquent à la campagne, et très souvent se traduit alors par une non comparution du couple.  Mais il arrive aussi que la femme autorisée représente son mari; dans ce cas, elle est souvent désignée comme "femme de …" sans que son nom patronymique ne soit mentionné; elles le représentent en justice civile 13 fois comme défenderesses et 2 fois seulement comme demanderesses.
Les veuves et les célibataires majeures de droit estent en toute liberté.
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Le statut professionnel

Sur les 371 femmes nommées, donc identifiables, 79 soit 21% exercent une profession notée par le greffier; ce pourcentage est nettement supérieur à celui de la campagne où elles ne sont que 10% (49 sur 490). A Moulins sur les 94 célibataires, 36 soit 38 % sont dans ce cas. Cette proportion tombe à 23,5 pour les veuves (28 sur 119) et à moins de 10% pour les femmes mariées (15 sur 155). Ce qui peut aussi se dire autrement : 45,5% des femmes qualifiées sont célibataires (55,3% à la campagne), 35,4 % sont veuves (contre 27,7%), 19% sont mariées (contre15%). Quelque soit la façon d'aborder la question ce sont toujours les célibataires qui sont le plus souvent qualifiées professionnellement, suivies des veuves puis des femmes mariées. Cet ordre paraît tout à fait logique et est certainement le même de nos jours.
A Moulins, les femmes qualifiées dans la justice de paix exercent 29 professions différentes, contre 11 dans les cantons ruraux étudiés. Elles peuvent être regroupées, suivant le classement que nous avons utilisé par ailleurs :
Les professions liées à la terre
Les propriétaires ne sont que 2 alors qu'elles sont 10 dans les cantons de Bellenaves et d'Ébreuil. Ici il n'est question que d'un refus de se dessaisir d'une propriété pour rembourser des dettes et de faire inventorier les biens laissés par un locataire. En outre, il existe une femme "laboureur"; elle habite Montilly, elle est veuve et membre d'une communauté de laboureurs ; cette qualification lui est donnée personnellement par le juge, comme aux autres "parsonniers" [18]. Dans le canton d'Ébreuil il existe un cas identique, et un seul : une femme, membre d'une communauté, est qualifiée de "cultivatrice". Deux jardinières habitent Moulins même, l'une est veuve, l'autre "fille majeure". Une autre, enfin est "journalière". Travaille-t-elle la terre comme ses homologues masculins, ou bien se loue-t-elle à la journée pour des tâches domestiques ? : ce sens, au féminin, n'est pas attesté dans les ouvrages consultés. Dans ce groupe, une seule femme est demanderesse : une des deux propriétaires. Toutes les autres comparaissent comme défenderesses, pour des petites sommes dues par exemple pour un loyer de chambre ou de poêle.
Les professions liées à l'artisanat
 
Dans les cantons  ruraux étudiés dans l'Allier, deux meunières et une fileuse ont à faire avec la justice de paix. À Moulins, elles sont 10 :  une meunière aussi, deux couturières et un tailleur pour le textile, deux sœurs coutelières, deux huilières, une rempailleuse et une tuilière. Mais deux actions seulement sur les 9 existantes sont directement liées à leur métier : la meunière qui réclame le prix d'une mouture et la tuilière, celui de tuiles. Par contre 4 fois elles sont impliquées dans des querelles; ces femmes ont décidément le verbe haut.
Les professions liées au commerce et aux échanges
Si elles ne sont que 8 à Ébreuil et Bellenaves, elles sont 33 à Moulins, dans des branches d'activités très variées.
Le groupe le plus nombreux est celui des revendeuses qui n'existent pas sous cette appellation en campagne : elles sont 12, dont 3 sont appelées "revendeuses publiques". Elles interviennent au total 14 fois, dont 5 comme expertes, notamment pour l'estimation de biens divers après décès. Toutes les autres interventions - 6 défenses et 2 demandes - sont directement liées à leur profession, essentiellement des marchandises impayées. Il semble que ce soit toujours des textiles que ces femmes achètent, à des particuliers souvent, pour les revendre. 
À titre d'exemple Marie-Anne Joyon, épouse du nommé Delignère, maçon, est citée trois fois en 1791 et 1792, toujours comme défenderesse. 
Le 23 août 1791 [19], c'est Madame Cadier de Lariaud qui lui réclame "vingt-quatre livres pour vrai et loyal prêt fait à la dite Joyon en argent dans le mois de décembre dernier". Marie-Anne fait état de "deux mauvais rideaux et quatre aunes et demie de mauvaise indienne commune donnée par forme de nantissement qui seront vendus dans la manière accoutumée et le prix en provenant reversé en moins à la dite dame De Lariaud". Cette dernière doit se satisfaire de cette promesse (Seule la cédule de citation figure au corpus). 
Un an après, le 28 août 1792 [20], c'est le sieur Lamotte, "ci-devant second fermier des Postes aux lettres de Moulins" qui réclame à Marie-Anne "trente-huit livres dix sols pour achat d'une pièce de drap à lui vendue par la dite, lequel même drap lui a été reconfié à l'effet de le revendre, par rapport à ce qu'il n'y en avait pas assez pour faire une anglaise [21] au dire du requérant". 
Quelques jours après, le 1er septembre [22], c'est Jacques Gilbert, citoyen actif, qui lui réclame "douze livres pour un tablier et un capot [23] de taffetas noir que le dit requérant avait donné à titre de confiance pour vendre à la dite Joyon ainsi qu'elle l'a déclaré elle-même les avoir vendus la dite somme de douze livres" qu'elle a certainement oublié de reverser … 
Chaque fois que la nature des marchandises traitées par ces revendeuses est précisée, il s'agit de textile. C'est aussi le cas  d'Anne Bouillet qui vient déclarer, le 14 ventôse an III-4 mars 1795 [24] au juge que "depuis plus de cinq ans elle avait habitude de vendre à crédit différentes marchandises au citoyen Antoine Balaboc ; que ne sachant ni lire ni écrire elle ne pouvait tenir registre de ce qu'elle lui livrait ; qu'elle n'a jamais eu occasion de se plaindre de son exactitude à acquitter ce qu'il pouvait lui devoir, puisqu'il l'a constamment payée jusqu'aux fêtes de mai dernier qu'il lui compta six cents livres qu'il lui redevait ; qu'à ce dernier voyage  elle lui donna et vendit un lit de plumes pour quatre-vingt-dix livres, plus vingt-deux nappes en lin pour cent dix livres, plus du galon en étoffe propres à faire des coiffes de choix au prix de soixante livres, plus des doublures de chasubles moyennant cinquante livres (…)". Mais Balaboc est décédé depuis deux mois et elle voudrait bien récupérer ses fonds. Elle produit 3 témoins pour confirmer ses dires.
Ces revendeuses semblent donc ne faire commerce que de textiles. Leur situation est très variable : certaines comme Anne Joyon paraissent misérables; d'autres au contraire pratiquent un commerce prospère et leur compétence est reconnue puisqu'elles sont appelées comme experts.
Les marchandes sont aussi très nombreuses. Leur appellation varie suivant les actes. Tantôt elles sont appelées seulement "marchande", tantôt ce nom est suivi d'une précision : "fruitière", "cabaretière" etc., tantôt enfin c'est cette seule qualification qui apparaît. Ainsi Claudine Bertrand est appelée "marchande", puis "marchande poulaillère", alors qu'Anne Bouillet est simplement qualifiée comme "poulaillère". Dans le corpus étudié apparaissent 3 marchandes, 3 aubergistes, 2 cabaretières ; ces trois appellations existent aussi pour des femmes à la campagne. S'y ajoutent 4 bouchères, 3 poulaillères, 2 fruitières, 1 boulangère, 1 épicière, 1 voiturière et 1 marinière dont les éponymes n'existent pas dans les cantons ruraux de l'Allier étudiés. 
Sur les 23 comparutions de marchandes, 6 sont demanderesses et 17 défenderesses ; ce simple constat indique déjà une situation souvent difficile. 
Les demandes formulées sont, à une exception près, en rapport direct avec la profession. Ainsi, à une volaillère on a volé des dindes, à une autre des oies, à Marie Pomier, veuve, marchande et voiturière par terre, son collègue Jean Bertrand doit "neuf livres dix sols pour dix-neuf journées de location d'une maringotte [25], trente-sept livres quatorze sols pour remboursement que le dit Bertrand a touché pour elle à Gannat pour des arbres qu'il y a conduit"… mais il faut déduire "la voiture de huit quintaux de marchandises qu'il a conduit à compte d'elle requérante, à raison de trente sols le quintal (…) aussi la voiture de quatre-vingt-seize livres de vieux drapeaux [26] conduits à Clermont (…)". Au vu de cet acte, il semble donc que si Marie gère effectivement différents transports, ce n'est pas elle qui les effectue. 
Sur les 17 défenses, 10 concernent la vie professionnelle : à la veuve Ronchaud, marchande aubergiste, on réclame le  31 août 1791 [27], d'une part "de lui remettre ou de lui faire remettre une selle et une bride qui ont été pris et volés chez elle", d'autre part le paiement de 15 livres de marchandises achetées pour elle par son neveu. À la veuve Mathera, marchande fruitière rue du pont Ginguet, il est réclamé le 17 janvier 1791 [28] "une somme de quarante livres restant de plus grande somme pour onze poinçons de pommes depuis entour quinze jours, à raison de vingt livres le poinçon". Une coche [29] est exhibée comme preuve. La défenderesse reconnaît bien la coche mais affirme qu'il était convenu qu'elle n'en paierait que neuf ou qu'elle choisirait les pommes. Elle est néanmoins condamnée à payer. il a été fait mention, plus haute, des trois bouchères qui comparaissent  devant le tribunal de police correctionnelle pour avoir refusé - avec d'autres - d'acquitter la patente.
Dans un certain nombre d'actes il est difficile de déterminer si l'affaire est liée ou non à la profession. Ainsi le 17 janvier 1791 [30] Antoine Philozat, maître charpentier et 7 jours jours plus tard [31], Marie Moreau, tuilière, réclament à la veuve Creuzet, cabaretière le premier "douze livres restant de plus grande somme pour ouvrage de charpente", la seconde "seize livres pour fourniture de briques". Ces réparations ont-elles été effectuées sur son cabaret ? Rien ne permet de l'affirmer. La cabaretière ne comparaît pas et elle est condamnée.
Un seul acte mettant en scène des marchandes concerne des insultes.
Les autres professions
À Moulins, les domestiques et servantes sont, et de loin, les plus nombreuses. Néanmoins elles ne sont ici que 16, moins d'un quart des femmes qualifiées, alors qu'elles sont presque la moitié en campagne.
Les domaines dans lesquels elles interviennent sont assez variés.
Parmi les 16 interventions, 5 ont lieu en justice gracieuse : 2 déclarent leur grossesse et 3 assistent comme témoins à l'inventaire après décès de leur maître.
Toutes les autres interventions concernent la justice civile .
Quatre réclament des gages qui leur sont dus. Anne Mangin,  le 24 mars 1791 [32] demande à son maître, "Gaspard Bardonnet, ci-devant abbé prieur commendataire de Souvigny, à présent logé chez Charbonnier, cinquante-trois livres dix sols de gages et les frais de retour à Versailles" d'où elle est originaire. Il lui est impossible, dit-elle, "de rester plus longtemps [à son service], étant donné les mauvais traitements subis". Le 5 septembre 1791 [33], Antoinette Charroin réclame à la veuve Creiget "vingt-trois francs restant de trente-trois francs pour une année de gages échue à la St Martin dernier". Jeanne Maraix réclame, le 11 novembre de la même année [34], à son ancien employeur "vingt-cinq francs pour gages d'une année, plus trois aunes de toile annexée auxdits gages ou six livres".
Ces gages sont comparables (33 et 31F). Ils sont nettement supérieurs à ceux perçus en campagne où, à titre d'exemple, une domestique réclame 19 livres pour un an en 1792, dont 12 en numéraire et le reste en textiles. Pour les hommes, à la même époque, les sommes relevées varient entre 17 et 24 livres. Certaines de ces domestiques de ville prêtent de l'argent : à trois reprises elles réclament parce qu'on ne leur rend pas. Fin 1791 il s'agit d'une petite somme : 3 livres prêtées à un bourrelier il y a un an ; l'année suivante, en février, les sommes en jeu sont plus importantes : 48 livres puis 53 livres prêtées depuis 6 mois.
Trois autres domestiques interviennent dans des affaires d'injures et de voies de fait; une dernière revendique, avec ses frère et sœurs une part d'héritage.
Ce qui est remarquable c'est que d'une part, si les domestiques femmes sont rarement défenderesses à la campagne (3 fois sur 16) à Moulins elles ne le sont jamais ; d'autre part, et cela va souvent de pair,  leur situation pécuniaire semble relativement favorable, beaucoup plus qu'en zone rurale, se rapprochant ainsi de certains domestiques parisiens étudiés par Dominique Godineau [35] et Daniel Roche [36] .

Proches des domestiques, une cuisinière intervient. Elle s'est laissée séduire par un domestique travaillant dans la même maison qu'elle et, le 30 décembre 1790 [37],  elle déclare devant le juge de paix sa grossesse : elle "est forcée de quitter sa condition à raison de ses incommodités, manquant même du nécessaire (…) et pour parvenir à obtenir contre le dit Gordué une provision à l'effet de lui procurer le premier secours ainsi qu'à l'enfant dont elle est enceinte (...)". Sont aussi présentes la gouvernante du citoyen Claude Fereire, assesseur près du tribunal civil, une gardienne près d'un ex-commissaire de police et 5 "salariées", qui travaillent l'une chez un aubergiste, une autre chez un peintre dessinateur, une troisième chez le batelier aux casernes et les deux dernières "à l'hospice du ci-devant Saint Joseph". Aucune indication n'est fournie sur leurs fonctions.
Trois sages-femmes viennent déclarer au juge qu'elles ont recueilli des enfants abandonnés, devant leur porte la plupart du temps ; en général, elles leur donnent un prénom. C'est l'unique cause de leurs nombreuses interventions, à part une comparution comme témoin dans un acte de notoriété pour un enfant.
Enfin une religieuse, fondée de pouvoir des Dames religieuses de Sainte Claire, de Moulins, réclame à un maître boulanger de prendre et payer 37 poinçons de vendanges qu'elles lui ont vendus.
 
A Moulins les femmes qualifiées professionnellement et qui interviennent en justice de paix sont nombreuses et elles occupent des emplois très variés. En justice civile, elles sont à peu près aussi présentes en demande (25) qu'en défense (27). Par rapport à l'ensemble des femmes du corpus, celles qui sont qualifiées comparaissent beaucoup moins souvent pour des questions de paiement de loyer, chez elles c'est le problème des transactions de marchandises qui intervient le plus souvent; puis viennent les prêts d'argent qui sont dans les deux cas la seconde source de comparution. Les questions de paiements de salaire – qui occupent naturellement peu de place dans l'ensemble- arrivent pour les femmes qui exercent une profession au même rang. Pour toutes, les querelles et bagarres sont très fréquentes.
 
Femmes de la campagne bourbonnaise, femmes de Moulins, vivant à l'époque révolutionnaire, les minutes de la justice de paix lèvent quelques pans du voile épais qui recouvre votre vie quotidienne, vos occupations, vos soucis en cette période de bouleversement. En dépit de votre incapacité civique et politique, vous apparaissez dans votre quotidienneté familiale et professionnelle, dans les conflits qui vous opposent aux autres comme dans les problèmes que vous devez sans cesse résoudre immédiatement. 
Cette justice que la Révolution a créée, vous avez su l'utiliser pour y défendre vos droits encore si restreints surtout si vous étiez mariée. Que de travail il reste encore à accomplir pour mettre en lumière toutes les connaissances que cette source, jusque là si peu exploitée, contient !



Notes

[1] ROSA A., Citoyennes. Les femmes et la Révolution, Paris, 1998.
[2] Aucune des Constitutions de la période révolutionnaire n'évoque même la présence d'une quelconque "citoyenneté féminine". Et si le titre de "citoyenne" est donné, à partir de 1792, aux femmes, il ne s'agit aucunement d'une appellation qui entraîne le moindre droit politique ou juridique.
[3] AD Allier, L 1724, acte n° 110.
[4] AD Allier, L 1722, acte n° 48.
[5] AD Allier, L 1728, acte n° 287.
[6] AD Allier, L 1728, acte n° 308.
[7] AD Allier, L 1724, acte n° 91.
[8] AD Allier, L 1724, acte n° 102.
[9] AD Allier, L 1724, acte n° 147.
[10] AD Allier, L 1735, acte n° 114.
[11] AD Allier, L 1702 bis, acte n° 37.
[12] AD Allier, L 1728, acte n° 310.
[13] AD Allier, L 1702 bis, acte n° 9.
[14] AD Allier, L 1702 bis, acte n° 15.
[15] AD Allier, L 1722, acte n° 59.
[16]  Coutumes générales et locales du Pays et Duché de Bourbonnois, Moulins, 1779, p. 150 :
"Article CLXX.  Femme mariée est en puissance de son mari".
Le commentaire qu'en fait Claude-Marie Rouyer de cet article est précis et sans aucune ambiguité :
"La puissance maritale a plusieurs effets : le premier est que la femme doit obéir à son mari : Sub viri potestate eris et ipse dominabetur tui. Gen. chap. 3, v. 16.
Le second effet de la puissance maritale est que la femme est sujette à correction de la part de son mari, comme le décide le anon placuit 33, quaest. 2 : mais cette correction doit être modérée & fondée en raison.
Le troisième effet est que c'est au mari à défendre en jugement les droits de sa femme.
Le quatrième est que la femme doit suivre son mari lorsqu'il le lui ordonne, en quelque lieu qu'il aille, à moins qu'il ne voulût la faire vaguer çà et là sans raison.
Le cinquième effet est qu'en matière civile la femme ne peut ester en jugement, sans être autorisée par son mari ou par justice à son refus.
Enfin, le sixième effet est que la femme ne peut s'obliger, sans l'autorisation de son mari".
[17] AD Allier, L 1723, acte n° 57.
[18] LACHIVER M., Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, 1997, p. 1260 :
"parsonnier, s.m. 1. Jadis, celui qui vivait en frérèche, en association communautaire, surtout dans le Massif central, le Bourbonnais, le Nivernais (...).
[19] AD Allier, L 1729, acte n° 344.
[20] AD Allier, L 1736, acte n° 166.
[21] Sens non trouvé.
[22] AD Allier, L 1737, acte n° 172.
[23] LACHIVER M., op.cit., p. 1260 :
"capot, s.m. (...) 3. Au XVIème siècle, sorte de manteau, de cape./Au XVIIIème siècle, en Picardie, vêtement féminin de nuit.
[24] AD Allier, L 1702 bis, acte n° 66.
[25] LACHIVER M., op.cit., p. 1094 :
"maringote, s.f. Petite voiture à cheval, rarement deux, ordinairement suspendue et couverte, à roues étroites, garnie de barreaux sur les côtés, et à deux fins, les bancs étant mobiles. Elle s'adapte aux mauvais chemins (...).
[26] LACHIVER M., op.cit., p. 640 :
"drapeau, s.f. 1. Dans le Bourbonnais, le Puy-de-Dôme, ce qui sert à emmeilloter un enfant, lange./ Nom générique des vêtements en Basse-Auvergne (...).
[27] AD Allier, L 1729, acte n° 348.
[28] AD Allier, L 1722, acte n° 40.
[29] LACHIVER M., op.cit., p. 640 :
"coche, s.f. (...) 4. Marque faite sur une taille de bois en usage chez les boulangers et chez certains marchands qui vendent à crédit. Vendre du pain, du vin à la cohe.
[30] AD Allier, L 1722, acte n° 37.
[31] AD Allier, L 1722, acte n° 51.
[32] AD Allier, L 1724, acte n° 151.
[33] AD Allier, L 1730, acte n° 350.
[34] AD Allier, L 1731, acte n° 380.
[35] GODINEAU D., "Journal d'une domestique" in VOVELLE M. (s.d.), L'état de la France pendant la Révolution, p. 135.
[36] ROCHE D. Le peuple de Paris, Paris, rééd. 1998, p.177.
[37] AD Allier, L 1721, acte n° 15.






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