G.-J.B. Target (1733-1807)

Essai de géographie sociologique 

La rue Saint-Victor dans les minutes de la justice de paix (1791 - fin de l'an III)

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Mots clés :  Justice de paix - Révolution française - Paris - Section du Jardin-des-Plantes Professions - Rentiers - 

 

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Sommaire de l'article (vous pouvez accéder directement à chacune des sections du texte :

 

Introduction : tableau général des professions de la rue
1. - Les professions des hommes
2. - Les professions exercées par les femmes      
3. Être rentier (rentière) rue Saint-Victor
Conclusion : aspects éclatés de la vie ...



 

Professionnels et professions rencontrés dans une rue de la section du Jardin-des-Plantes[1] : la rue Saint-Victor

Les minutes de la justice de paix de la section du Jardin-des-Plantes, conservées aux Archives de Paris[2] mettent en scène de nombreux individus habitant ce quartier de Paris : ils sont présents soit comme demandeurs ou défendeurs dans des conflits interpersonnels, soit comme prévenus d'actes délictueux, soit en tant qu'acteurs dans des procédures liées à des authentifications administratives (émancipations, tutelles, curatelles, actes d'état-civil, etc.).

Le plan[3] qui suit permet de localiser les différents espaces (rues, places, quais, etc.)  de cette 47ème section de Paris, telle qu'elle est définie dans le cadre de la nouvelle organisation administrative à partir de 1790 (le tracé rouge correspond aux limites de la section).



Le tableau suivant permet de présenter l'ensemble de la population de la section par genre :

Nom des voies

T. H.

T. F.

H+F

% T.G

St-Victor (rue, abbaye et enclos)

614

302

916

22,95 %

Mouffetard (rue)

273

125

398

9,98 %

Fossés-St-Bernard (rue des)

154

66

220

5,51 %

Copeau (rue)

131

64

195

4,86 %

Boulangers (rue des)

125

69

194

4,86 %

Arras (rue d')

99

62

161

4,03 %

Bon Puits (rue du)

98

62

160

4,01 %

Versailles (rue de)

94

62

156

3,91 %

Bordet (rue)

75

47

122

3,06 %

Paon-St-Victor (rue du)

74

37

111

2,78 %

Miramionnes/Tournelle(quai)

98

12

110

2,76 %

Seine-St-Victor (rue de)

78

28

106

2,66 %

Traversine (rue)

76

29

105

2,63 %

Fossés-St-Victor (rue des)

63

31

94

2,36 %

Contrescarpe (rue de la)

60

31

91

2,28 %

Neuve-St-Etienne (rue)

54

35

89

2,23 %

St-Bernard (quai et porte)

66

21

87

2,18 %

Neuve-St-Médard (rue)

51

30

81

2,03 %

Bernardins (rue des)

50

27

77

1,93 %

Gracieuse (rue)

48

22

70

1,75 %

Mûrier rue du)

46

17

63

1,58 %

St-Nicolas-du-Chardonnet (rue)

38

24

62

1,55 %

Bernardins (cloître des)

36

19

55

1,38 %

Place-aux-Veaux (nouvelle)

38

16

54

1,35 %

Tripelet (rue)

32

20

52

1,30 %

Battoir (rue du)

28

12

40

1,00 %

Jardin-des-Plantes (rue du)

25

8

33

0,83 %

Clopin (rue)

21

11

32

0,80 %

Clef (rue de la)

16

15

31

0,78 %

Puits-de-l'Ermite (rue du)

8

5

13

0,34 %

Française (rue)

4

4

8

0,20 %

Epée-de-bois (rue de l')

3

2

5

0,13 %

 

 

 

 

 

TOTAL

2676

1315

3991

T.H. = Total des hommes

T.F. = Total des femmes

% T.G. = pourcentage du total de la population de la rue par rapport au total général de la population recensée dans les minutes de la justice de paix

 

 

En l'absence de tout recensement effectué par district pour la période considérée, sur la base d'une population totale des districts du faubourg Saint-Marcel estimée par Haïm Burstin à "65 000 habitants environ"[4], et en tenant compte du fait qu'ont été exclus du dépouillement aussi bien les enfants mineurs que les personnes déclarées décédées, ce chiffre de 3991 individus équivaut à plus du quart de la population réelle du district du Jardin-des-Plantes et représente donc un panel archivistique exceptionnel.

Comme l'indique le tableau ci-dessus, certaines voies sont particulièrement peuplées, à l'instar du principal axe de circulation que représente à cette époque la rue Saint-Victor[5], entre la place Maubert et le carrefour de la Pitié, (plus de 900 habitants recensés) ou la rue Mouffetard (près de 400 habitants). D'autres le sont très peu, comme la rue de l'Épée-de-Bois (5) la rue Française (8) ou son prolongement, la rue du Puits-de-l'Ermite (13), bordées toutes trois d'établissements religieux dont les occupants fréquentent peu les salles d'audience du juge de paix.

C'est aux activités présentes dans la rue Saint-Victor, grâce au prisme des minutes de la justice de paix, que cette étude est consacrée. Deux axes d'analyse seront parcourus :

-          les activités professionnelles des hommes ;

-          les activités professionnelles des femmes.

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1. - À la recherche des professions exercées par les hommes de la rue[6]

   Un premier tableau a pu être dressé concernant la "qualification"[7] des individus à propos desquels le greffier a donné des indications à la suite de leur identité.

 

Répartition des habitants de la rue Saint-Victor selon leur "qualification"

 

Hommes

Femmes

Total

Qualification professionnelle précisée

459

49

508

Autre qualification (non professionnelle)

22

3

25

Sans aucune qualification précisée

133

250

383

Total

614

302

916

 

Sur l'ensemble de la population ainsi recensée dans la rue Saint-Victor, plus de 55 % des individus exercent un métier précisément indiqué dans le texte. Il n'est pas possible d'affirmer que tous les autres comparants sont sans emploi, mais, en général, cette indication "professionnelle" fait partie, dans ce type d'écrit, des normes identitaires obligatoires.

Les proportions sont très différentes selon qu'il s'agit des hommes ou des femmes : près des trois quarts des hommes (74,76 %) exercent une profession nettement définie, alors qu'à peine un sixième des femmes (16,89 %) sont dans ce cas. Distinguer ici la part des "migrants" dans ce monde du travail n'est pas chose possible, les indications fournies par le greffier ne portant jamais sur l'origine provinciale ou non de l'individu, même si, comme le souligne Daniel Roche[8], il est probable que nombreux soient ceux qui se sont récemment installés à Paris parmi les travailleurs les moins spécialisés, comme les ouvriers du port ou les divers gagne-deniers et autres journaliers cités dans ces documents.

L'étude qui suit présentera successivement la situation des hommes puis des femmes habitant cette voie importante de la section du Jardin-des-Plantes par rapport au métier qu'ils exercent alors selon les indications inscrites par le greffier du juge de paix.

 

1.1. - Une population masculine aux multiples activités professionnelles

Les 461 hommes habitant la rue Saint-Victor et exerçant un métier représentent donc les trois quarts de la population recensée ici et se répartissent entre 126 professions différentes. Leur regroupement pose de nombreux problèmes, certains d'entre eux faisant appel à plusieurs matières d'œuvre différentes (comme les tonneliers ou les charrons qui travaillent le bois et le fer). D'autres occupent plusieurs fonctions : c'est le cas des épiciers, à propos desquels A. Franklin[9] écrit :

" Jusqu'à la Déclaration du 25 avril 1777, l'histoire des épiciers se confond avec celle des apothicaires.  Elle est comprise ensuite dans celle des corps de métiers dont l'ensemble représente la corporation dite des "épiciers-grossiers-droguistes-confiseurs-ciriers" (…)".

Huit groupes peuvent être ici distingués, avec toutes les incertitudes méthodologiques qu'implique notamment la déconstruction du système corporatif résumée ainsi par le même auteur[10] :

"(…) Quand les communautés disparaissent, supprimées 1776, rétablies six mois après, puis anéanties en 1791, l'Assemblée nationale ne fait qu'exécuter l'arrêt depuis longtemps prononcé contre elles par les économistes et par l'opinion publique (…)".

Un tableau général de ces huit groupes a pu être établi :

Les "groupes professionnels" recensés rue Saint-Victor (Hommes)

Groupe 1 – Métiers liés à l'alimentation et au commerce alimentaire

89

Groupe 2 – Métiers liés au bâtiment et  au logement

77

Groupe 3 – Métiers liés à l'habillement et au travail du textile ou du cuir

73

Groupe 4 – Métiers liés au commerce (hors commerce alimentaire) et aux transports

67

Groupe 5 – Autres métiers artisanaux

53 

Groupe 6 – Professions à caractère artistique, intellectuel, médical  ou religieux

45

Groupe 7 – Prolétaires

37

Groupe 8 – Métiers divers

20

Total

461

 

La lecture de ce premier tableau récapitulatif fait apparaître une très grande diversité dans les activités professionnelles des hommes ainsi recensés. Il n'y a pas de groupe dominant qui pourrait faire attribuer à la rue une spécificité économique particulière : ici, point de rue des tanneurs ou des boulangers et cette voie se caractérise bien comme un espace pluri professionnel.

 

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1.2. - Le secteur de l'alimentation représente le groupe le plus important des professions recensées

Au sein de ce groupe, 17 métiers différents, occupant au total 89 hommes de la rue, sont présents, tant en ce qui concerne le commerce lié directement à l'alimentation (6 professions) que dans la transformation et la préparation des denrées alimentaires (11 professions).

 

Parmi les activités liées au commerce alimentaire, la première place revient aux 31 marchands de vin dont un "marchand de vin sur le port", Alexandre Huline[11], "demeurant avec sa femme rue Saint-Victor chez monsieur Moreau". Il est difficile, sinon impossible de distinguer sous cette appellation la nature exacte de l'activité professionnelle des individus concernés. Les documents n'apportent aucune indication permettant de séparer ceux d'entre eux qui ont une fonction de grossistes en liaison avec la présence très proche du port et de la Halle-aux-Vins de ceux qui ne tiennent qu'un de ces nombreux débits de boissons achalandés par les travailleurs du quartier. Il reste que les minutes de la justice de paix montrent  qu'un certain nombre d'entre eux sont assez aisés pour être propriétaires des maisons dont ils occupent une partie et que d'autres, en tant que principaux locataires de leur habitation, réclament souvent le paiement d'arriérés de loyers et obtiennent en même temps ou par ailleurs l'expulsion de leurs sous-locataires impécunieux. Par exemple, le 16 août 1793[12], "le citoyen [13] Corbel, marchand de vin et principal locataire de la maison où il demeure, rue Saint-Victor, au numéro 17", obtient le congé de cinq familles et d'une veuve à qui il avait sous-loué des chambres et dont il réclame par ailleurs le remboursement des loyers impayés ; comme dans bien d'autres cas, les défendeurs sont défaillants et sont de ce fait condamnés sans aucune forme de débat contradictoire[14].

Viennent ensuite, dans la même catégorie, les 13 marchands épiciers auxquels peut être ajouté le garçon épicier "Jean-Pierre René Loiseau, demeurant rue Saint-Victor chez monsieur Liévez"[15]. Presque tous interviennent en justice comme demandeurs, soit pour des créances impayées par leurs pratiques, soit, comme pour les marchands de vin, parce qu'ils sont propriétaires ou principaux locataires de maisons. Ainsi le "citoyen Olivier, demeurant rue Saint-Victor, numéro 26", obtient, d'une part, le congé et le paiement des arriérés de loyers au titre de principal locataire, le 16 février 1793[16], contre le couple des Donnet, ses sous-locataires, et, le 16 novembre de la même année[17], le congé et le loyer courant dû par la citoyenne Rocher à qui il avait sous-loué une chambre. Le même Olivier, d'autre part, avait réclamé et obtenu le remboursement de créances dues, dans le cadre de sa profession, par des acheteurs qui ne lui avaient pas payé les marchandises reçues : le 31 octobre 1791[18], le "sieur Mauroy, commis au bureau des marques de couvertures", lui devait "cinquante-quatre livres sept sols et six deniers pour fourniture de marchandises d'épicerie depuis le quinze août dernier" ; le 16 avril 1792[19], la "demoiselle Victoire Drolpeau, cuisinière" était débitrice à son égard "d'une somme de trente-six livres treize sols, pour fourniture de produits épiciers". Il n'est pas possible, à partir de ces seules indications de connaître les détails de ces "marchandises" ou de ces "produits" épiciers.

Trois individus complètent ce tableau du commerce alimentaire existant rue Saint-Victor : "Jean Maillard, marchand de viande, demeurant vis-à-vis du Christ d'Or", le "citoyen Prudhomme, marchand fruitier, demeurant numéro 117, vis-à-vis le cloutier" et le "citoyen Grossin, marchand d'eau-de-vie, sous-locataire avec sa femme d'une baraque attenant à l'enclos des Bernardins".

 

Les 41 artisans de l'alimentation, qui transforment et vendent directement aux chalands des produits alimentaires dans cette rue occupent des métiers très différents.

D'abord, 9 boulangers fournissent ce "meilleur pain du monde" dont parle Steven L. Kaplan, et dont il montre la variété des fortunes réelles dans une étude portant sur un échantillon de plus de 100 cas de boulangers parisiens[20]. Trois d'entre eux interviennent en tant que principaux locataires des maisons contre des sous-locataires qui leur doivent des loyers ; d'autres sont simplement témoins en justice gracieuse, pour des affaires de famille. Quelques-uns se présentent devant le juge de paix à propos de créances sur la vente de leur pain, parfois pour des sommes importantes, compte tenu du système de crédit qui prévaut généralement envers la clientèle la plus populaire. Par exemple, le 14 décembre 1791 [21] Nicolas Clémendot, "maître boulanger demeurant rue Saint-Victor, numéro 20", réclame "au sieur Leblond, marchand de vin et à son épouse, demeurant rue Saint-Victor, en face de celle du Bon Puits, (…) une somme de trois cent cinquante deux livres, un sol, six deniers, pour prix de pain vendu et livré depuis le 16 juin 1789, savoir celle de trois cents livres, compte fait entre eux, et celle de cinquante deux livres, un sol, six deniers, selon un mémoire non arrêté". L'affaire ne se conclut pas par une conciliation, les parties restant en désaccord sur la seconde partie de la somme demandée. Enfin, ces importants commerçants sont souvent appelés comme témoins, notamment dans des affaires de justice gracieuse concernant des actes d'état civil.

De même sont présents dans le corpus 9 limonadiers qui vendent de nombreux produits, comme le précise Alfred Franklin[22] :

"(…) Les articles 2, 3 et 4 de leurs statuts déterminent ainsi les produits qu'ils étaient autorisés à débiter  : "Vins d'Espagne, vins muscats, vins de Saint-Laurens et de la Cioutat, vins de la Malvoisie et tous vins de liqueurs, rossoly, popula, esprit de vins, toutes limonades ambrées et parfumées, eaux de gelées, glaces de fruits et de fleurs, eaux d'anis, de cannelle, de frangipane, aigre de cèdre, sorbecs, café, cerises, framboises et autres fruits confits, dragées au détail".

L'auteur donne, en notes, la traduction et le sens "modernes" des différentes "appellations ainsi répertoriées[23]. Ces limonadiers forment, avec les vinaigriers, la 27ème corporation selon l'édit d'avril 1776. Aucun d'entre eux n'intervient en justice de paix pour des problèmes liés à leur négoce, ce qui tendrait à prouver que les dettes éventuelles de leurs clients font l'objet de règlements à l'amiable. C'est en tant que témoins qu'ils apparaissent parfois. Mais c'est comme propriétaires ou principaux locataires qu'ils sont le plus souvent présents. Le plus actif est, à ce sujet Jean-Baptiste Osmont, principal locataire de la maison qu'il habite, au numéro 66 de la rue ; cette maison appartient à la dame Chamaron. C'est à dix reprises qu'il réclame et obtient l'expulsion de certains de ses sous-locataires ainsi que le paiement des loyers qui lui sont dus. Il s'associe par ailleurs avec quatre d'entre eux, contre la propriétaire, lorsque, le 27 octobre 1793-6 brumaire an II[24], ceux-ci lui réclament le dédommagement d'un demi terme de loyer pour "privation de jouissance de leurs chambres, occasionnée par différentes constructions de maçonnerie faites dans le mur mitoyen". Osmont se retourne alors contre la dame Chamaron et obtient d'elle, par décision du juge de paix, le remboursement des loyers ainsi perdus.

Parmi ces professionnels de l'alimentation, figurent ensuite 6 bouchers. Ici encore, l'essentiel des interventions qu'ils font auprès du juge de paix consiste en réclamations de loyers et en demandes d'expulsion de leurs locataires. Cependant, une affaire témoigne du climat dans lequel ce type de commerce s'exerce à l'époque du gouvernement révolutionnaire. Il s'agit d'un conflit opposant, le 2 octobre 1793[25], deux bouchers concurrents, "le citoyen Antoine Riom, marchand boucher demeurant à Paris, rue Saint-Victor, demandeur d'une part, et le citoyen Lupin Hu, marchand boucher demeurant à Paris, rue des Fossés Saint-Bernard, défendeur d'autre part". Le premier "a exposé qu'ayant vendu à une femme à lui inconnue deux livres et un demi quart de viande, à raison de dix-huit sols la livre, il a été surpris de se voir rapporter cette viande comme n'y ayant point le poids [et] d'apprendre que c'était le citoyen Hu, boucher comme lui, qui avait fait acheter cette viande pour éprouver si, vendant la viande à meilleur marché que lui, le citoyen Riom n'y vendrait pas à faux poids, et de voir le citoyen Hu venir l'injurier et le diffamer en lui reprochant, publiquement et au milieu d'une foule de personnes, de vendre à faux poids". Le juge, après que le défendeur ait reconnu les faits et s'être excusé pour son "erreur", proclame que "ladite déclaration (…) tiendra lieu de réparation d'honneur au citoyen Riom ; fait défense au citoyen Hu de se livrer à l'avenir à de semblables inculpations, autorise le citoyen Riom à faire imprimer et afficher, au nombre de vingt-cinq exemplaires le présent jugement aux frais du citoyen Hu et condamne le citoyen Hu aux dépens liquidés à deux livres".

Apparaissent ensuite 5 aubergistes qui interviennent, eux aussi, essentiellement en tant que propriétaires ou principaux locataires des maisons dont ils ont cédé une partie à des locataires. Ainsi, Pierre Poncet, "aubergiste, demeurant rue Saint-Victor, n° 110, à l'enseigne du Chariot d'Or" se présente à sept reprises contre des locataires, plus ou moins permanents, et dont il demande en justice le départ et le remboursement des loyers dus. Les mêmes demandes sont présentées par Henri Joseph Dansard, "aubergiste, demeurant rue Saint-Victor, n° 58, au Cadran Bleu" ou par Edmé Larcher, "aubergiste, demeurant rue Saint-Victor, n° 113, au Cheval Blanc". Leurs enseignes servent d'ailleurs de repère topographique pour d'autres habitants de la rue.

C'est aussi pour des problèmes liés à sa possession d'une maison que l'un des 4 charcutiers intervient à sept reprises. Il s'agit du sieur Mercier, "maître charcutier, demeurant rue Saint-Victor, n° 30, vis-à-vis la rue des Fossés Saint-Bernard" qui multiplie ainsi les expulsions de ses locataires défaillants. Georges Nicolas Dumontier, inversement est locataire de la maison qu'il occupe au numéro 33 de la rue et doit quitter les lieux faute de paiement des termes de ses loyers. Quant aux deux derniers, Louis Dupont et Jean Neveu, ils ne sont présents, une seule fois, que comme témoins en justice gracieuse, le second assistant, par ailleurs, sa femme dont une blanchisseuse a égaré des vêtements donnés à nettoyer[26].

Le paysage "alimentaire" brossé par ces documents est complété par la présence de 2 brasseurs, un cuisinier, un pâtissier, un traiteur, un tripier et un vinaigrier. Parmi ces sept métiers, un seul est un peu décrit dans un de ces actes de justice. Il s'agit du procès qui oppose, le 17 février 1793[27], "le citoyen Jean-Baptiste Daribeau, marchand tripier, demeurant rue Saint-Victor, chez le citoyen Debout" au " citoyen Pierre Robert, dit Tourangeot, marchand boucher demeurant rue du Paon-Saint-Victor". Ils ont décidé de "se présenter volontairement et sans citation devant nous [le juge de paix] à l'effet d'avoir jugement sur le différend élevé entre eux relativement à l'exécution d'une convention par laquelle le citoyen Tourangeot s'était obligé de délivrer au citoyen Daribeau les abats provenant de ses bœufs et vaches à raison de quatre livres par bœuf et de trois livres dix sols par vache, et six sols pour chaque mouton, à commencer de Pâques mille sept cent quatre-vingt douze et finir à Pâques mille sept cent quatre-vingt treize, laquelle convention le citoyen Tourangeot n'a exécuté que pendant cinq mois". La convention était assortie d'une avance de cinquante livres faite par le tripier sur l'achat futur des abats, sous forme d'"épingles", système traditionnel de nantissement commercial, particulièrement usité à la campagne[28]. Ce document donne des indications sur les conditions dans lesquelles s'effectue la commercialisation des produits animaux dans la capitale en 1793 et avant la mise en place et l'application des lois sur le "maximum". Entre les contraintes "corporatives" et ces lois révolutionnaires, la concurrence est donc bien limitée dans les faits. Toutes les autres affaires concernant ces petits métiers de l'alimentation ne portent que sur des témoignages ou des problèmes de locations immobilières.

 

Au total, bien que l'exercice du métier de ces hommes, habitant dans cette rue et professionnels de l'alimentation, apparaisse peu dans ces documents, il semble que, pour un bon nombre d'entre eux, la propriété ou l'usufruit préférentiel des maisons où ils demeurent soit une source non négligeable de revenu et une preuve de leur aisance économique. Et leur participation en tant que témoins de moralité dans des actions de justice gracieuse peut confirmer leur importance  sur l'échiquier social du quartier.

 

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1.3. - Le secteur des métiers liés à la construction et à l'aménagement des bâtiments occupe numériquement le second rôle


 Cet ensemble est représenté par 77 hommes répartis entre 16 professions différentes.

En premier lieu apparaissent des artisans qui travaillent le bois.

Les plus nombreux sont les 17 charpentiers qui se répartissent entre 10 artisans, dont deux anciens "maîtres" au sein de leur corporation, et 7 compagnons.

Parmi les premiers, 5 individus interviennent comme témoins dans des affaires contentieuses. Les autres, à une exception près sont parfois demandeurs pour des loyers impayés. Un seul intervient donc pour un problème lié à l'exercice de sa profession. Il s'agit de "Louis Dumas, charpentier, demeurant rue Saint-Victor dans la maison de monsieur Lenain" qui réclame, le 16 avril 1792[29], au "sieur Gros, marchand de bois, demeurant rue Saint-Victor (…) une somme de soixante-trois livres restant de celle de quatre-vingt treize livres, pour le prix de la moitié d'un escalier qu'il avait fait dans sa maison". Il n'obtient, après discussion avec son client, que 21 livres.

Parmi les seconds, deux individus sont présents seulement comme témoins. Tous les autres comparaissent comme défendeurs, notamment pour avoir proféré des injures et/ou échangé des coups avec d'autres habitants du quartier. Par exemple, le 22 juin 1792[30], "le sieur Grandpré, compagnon charpentier, demeurant rue Saint-Victor, n° 58" est accusé par "le sieur Véron, doreur sur métaux patenté, demeurant aussi rue Saint-Victor, n° 58" de l'avoir "injurié en déclarant publiquement que ledit sieur Véron protégeait toujours les boulangers pour que le pain soit toujours cher et que le gardes nationales étaient tous des gueux". Le défendeur reconnaît "avoir tenu des propos injurieux (…) dans un moment de vivacité" et, après s'être ainsi excusé, est condamné au seul paiement des dépens. Quatre jours auparavant, le même Véron avait accusé du même forfait un couple de gagne-deniers et avait obtenu une condamnation identique. Ici se rencontrent, devant le juge de paix, les conflits personnels qui peuvent exister entre voisins et les problèmes sociopolitiques du moment : par la voix des consommateurs, le problème l'approvisionnement des boulangeries parisiennes en cette période de soudure est évoqué dans l'ombre du prétoire.

En second lieu, 12 menuisiers (10 artisans et 2 compagnons) sont présents à divers titres et, notamment, pour des problèmes liés aux logements ou aux ateliers qu'ils occupent.

L'un d'entre eux, Gilbert Garde, qui habite au 61 de la rue Saint-Victor, dans une maison appartenant à la veuve Lemoine, se trouve impliqué à six reprises dans des affaires traitées par le juge de paix.

D'une part, il est accusé successivement par deux de ses ouvriers de ne pas leur avoir payé les salaires qui leur étaient dus. Le 22 juin 1791[31], "le sieur Bernard Picard, garçon menuisier demeurant rue de la Montagne Sainte-Geneviève" lui réclame "une somme de quinze livres, quatre sols pour huit journées et un tiers de travail à raison de trente-huit sol la journée" ; après que Garde a déclaré que son accusateur "a mal fait le travail et a perdu du temps", le juge réduit à 9 livres le salaire effectivement dû et condamne en outre le maître menuisier aux dépens, soit 55 sols. Le 18 octobre 1792[32], "le citoyen Louis Bruno Dauboin, compagnon menuisier demeurant rue du Mûrier n° 6" demande que Garde lui verse la somme de dix livres, dix sols, restant de celle de vingt-quatre livres, pour solde de tout compte pour les journées qu'il a faites (…) depuis le 6 juillet jusqu'au 30 octobre, à raison de deux livres, quatre sols par chaque journée, prix convenu entre les parties" ; l'employeur, sur le vu du livre de comptes qu'il présente au tribunal, est acquitté de la demande, les dépens étant compensés entre les parties.

D'autre part, par trois fois, il est accusé d'avoir eu des comportements de voisinage particulièrement agressifs. Ainsi, le 27 juillet 1792[33], "le sieur Jean-Baptiste Leture et la demoiselle Marie-Catherine Rée, son épouse, demeurant à Paris, rue Saint-Victor n° 111" demandent au juge que "défense soit faite au sieur Garde de plus à l'avenir injurier, calomnier et diffamer ladite Leture, comme il l'a fait en différentes fois, et notamment le jeudi dix-neuf du présent mois, en tenant contre elle publiquement des propos injurieux et en disant qu'elle retirait chez elle la dame Garde pour lui donner de mauvais conseils et que, depuis qu'elle avait fréquenté ladite dame Leture, elle faisait mauvais ménage de manière qu'il ne pouvait plus vivre avec sa femme et que ladite Leture était une coquine et une débaucheuse de mariage". L'affaire est renvoyée au mois suivant mais aucune trace de cette suite ne figure dans le corpus.

Trois affaires concernent des problèmes qui sont plus en rapport avec le métier que ces menuisiers exercent : l'un d'entre eux a fourni du bois de mauvaise qualité pour la fabrication d'une cuve ; un autre ne peut, sans jugement, retirer une croisée qu'il a donnée à vitrer, le vitrier ne voulant la restituer "qu'à une personne munie d'un pouvoir de la Nation", la maison sur laquelle elle doit être posée "appartenant à la Nation" ; un troisième doit livrer à un serrurier six sergents[34] qu'il a confectionnés et qu'il n'a pas livrés. C'est donc plus au sujet de la commercialisation de leur production que pour leur fabrication proprement dite que ces artisans du bois se trouvent présents en justice de paix.

A ces deux professions les plus importantes pour le travail du bois dans la construction et l'aménagement, il faut ajouter la présence d'un frotteur[35] qui, à la lecture de l'acte qui le condamne, le 10 octobre 1791[36], témoigne de ses faibles revenus. Comparaissent à l'audience "le sieur Roche et la dame son épouse, nourrisseur de bestiaux, demeurant à Paris, rue Saint-Victor, demandeurs" contre "le sieur Chapuis, frotteur à Paris y demeurant rue Saint-Victor au Buisson Ardent", les premiers réclamant au second "une somme de cent livres, savoir cinquante six livres, trois sols et six deniers avancés par les demandeurs et par eux payés au Bureau du Mont-de-Piété pour retirer les effets du sieur Chapuis et de la défunte dame son épouse, consistant en un jupon de dauphine, une robe et jupon de taffetas cannelé fond brun, une chemise de femme garnie en dentelle, un mouchoir de femme garni en dentelle, un autre mouchoir aussi en dentelle, un mantelet, un tablier de taffetas noir et une courtepointe piquée et quarante trois livres, seize sols, six deniers pour fourniture de lait faite aux dits sieur et dame Chapuis depuis le quinze septembre dernier". Il est, par ailleurs obligé de quitter son logement à Pâques 1792, par un jugement prononcé par défaut le 10 février de la même année.

Dans le même secteur de la construction et de l'aménagement des habitations, 13 autres corps de métiers sont présents parmi les hommes habitant la rue.

Les artisans de la pierre sont représentés par 7 maçons, 1 appareilleur de bâtiment, 1entrepreneur de bâtiment, 7 tailleurs de pierre, 4 marbriers, et 1 paveur.

Les 7 maçons se répartissent entre 3 maîtres, 3 compagnons et un garçon : il ne manque qu'un apprenti pour avoir l'ensemble des grades de la corporation traditionnelle. Parmi les trois maîtres, deux interviennent en tant que propriétaires de la maison à propos de laquelle ils sont en conflit avec leurs locataires. L'un des compagnons n'a pas payé son loyer et est expulsé ; un autre doit le prix du pain qu'il a acheté chez un boulanger de la rue ; le dernier réclame des indemnités pour la blessure dont son fils a été victime en tombant, dans la cour de l'immeuble dans une trappe mal fermée. Enfin, le garçon maçon doit quitter la chambre qu'il occupe et payer les loyers dus au propriétaire. Pour cette profession donc, les minutes mettent, comme presque toujours les problèmes de location immobilière au premier plan des préoccupations quotidiennes.

Parmi les 7 tailleurs de pierre recensés, 6 sont des artisans, dont la moitié n'intervient qu'en tant que témoins en justice gracieuse. Les trois autres sont présents en justice civile pour des conflits d'ordre privé. Le premier,  "le sieur Pierre Henri Calame et la demoiselle Marie-Elisabeth Lenormand, son épouse, lui tailleur de pierre, demeurant ensemble rue Saint-Victor, au Buisson Ardent" assiste, le 1er juin 1792[37], sa femme accusée par "le sieur Jean-Baptiste Lingeart et la dame Françoise Amelot, son épouse, bonnetier à Paris, même rue et maison" d'avoir "trouvé et gardé le portefeuille" que Lingeart avait perdu. L'accusation est niée par les défendeurs qui sont "reconnus gens d'honneur" par leurs adversaires. Le second, "le sieur Nicolas Heurté, tailleur de pierre demeurant à Paris, rue Saint-Victor, au coin de celle des Fossés-Saint-Bernard", intente le 20 juin 1791[38] un procès contre son beau-frère, "le sieur Guérard, brocanteur, demeurant rue Mouffetard, au coin de celle Copeau" pour "injures, calomnies et diffamation" ; le juge les renvoie hors de cause, compte tenu de leur parenté. Le troisième a emprunté de l'argent à l'une de ses pratiques et n'a pas terminé les travaux qu'il devait accomplir. Outre ces 6 artisans comparaît un "ouvrier tailleur de pierre" qui n'a pas payé le pain acheté chez le boulanger qui se trouve être aussi son propriétaire. Les minutes de la justice de paix font entrevoir donc plus la description de la vie quotidienne de ces tailleurs de pierre que de celle de leur profession.

Quant aux 7 autres professionnels de la pierre, ils n'interviennent, pour l'essentiel, que comme témoins dans des affaires de justice gracieuse. À titre d'exemple, le 29 janvier 1792, un conseil de famille est réuni autour du juge de paix et de son secrétaire pour décider de la tutelle qui doit être donnée à Marie Renault, fille mineure de "Jean-Claude Renault, ancien marchand mercier demeurant rue Saint-Victor, face à la rue des Fossés-Saint-Bernard et de Marie-Madeleine Boquillon son épouse, décédée". Le père est nommé comme tuteur de l'enfant mineur et "Lucien-Louis Vallée, entrepreneur de bâtiment, demeurant rue et enclos Saint-Victor, parrain et ami de l'enfant mineure" est désigné comme subrogé tuteur pour veiller aux biens qui doivent appartenir à l'orpheline.

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1.4. - Le secteur des professions liées au travail des textiles peut se diviser en deux groupes : celui des métiers de l'habillement et des soins du corps ; celui de la fabrication et du traitement des textiles

Cet ensemble qui, selon Émile Ducoudray et Raymonde Monnier[39] "vient en tête, avec 14 % des métiers recensés dans les registres des cartes de surêté de l'an II", est représenté dans la rue Saint-Victor par 73 hommes et correspond à 20 professions différentes.

Les 9 métiers liés à l'habillement et aux soins du corps sont exercés, dans des proportions très variables, par 42 individus, et sont dominés par deux spécialités, "de la tête au pied du mannequin" : les cordonniers et les perruquiers, qui "encadrent" les tailleurs d'habits.

Les 14 cordonniers habitant la rue sont impliqués dans 21 affaires ; 9 d'entre elles se trouvent être des affaires de justice gracieuse, où ils n'interviennent que comme témoins.

En justice contentieuse, deux fois seulement ces cordonniers sont en position de demandeurs, mais jamais à propos de l'exercice de leur profession. Ainsi, le 21 novembre 1791[40], "le sieur Jean Hanault, cordonnier demeurant rue Saint-Victor n° 61, demandeur d'une part, et la demoiselle Marguerite Noache, femme du sieur Jean-Baptiste Guillon, marchand de vin, demeurant susdite rue et maison (…) se présentent volontairement et sans citation à l'effet d'avoir jugement sur le différend qui s'est élevé entre eux relativement aux dommages intérêts que le sieur Hanault exige de la dame Guillon pour morsure faite par le chien de la dite dame Guillon à l'enfant du sieur Hanault" ; l'affaire se conclut par le versement, par la défenderesse et son mari, d'une "somme de neuf livres pour frais de pansement et tous dommages intérêts résultant de la morsure du dit chien". L'autre affaire concerne un échange d'injures entre voisins. Les 10 affaires dans lesquelles ces cordonniers sont, par ailleurs, impliqués comme demandeurs concernent dans cinq cas des dettes de loyers suivies ou non d'expulsions. Les autres ont trait à des emprunts d'argent non remboursés ou à des bagarres entre voisins.

Ainsi, les documents concernant ces cordonniers ne donnent pas de renseignement particulier sur les conditions d'exercice de leur métier. Néanmoins, il semble que leur condition de vie ne soit pas très florissante, notamment  en raison de l'instabilité de leur domiciliation.

Les 11 perruquiers cités sont impliqués dans 15 affaires dont 6 relèvent de la justice gracieuse. Le nombre apparemment très important de ces artisans s'explique, comme le souligne A. Franklin[41], par l'usage quasi universel de la perruque à la fin du siècle :

"(…) Nous voyons fleurir encore, sous Louis XVI, les perruques de palais, à oreilles, à la circonstance, brisée, à la grecque, en bonnet, à rosette, à cadogan ou catogan, gros nœud descendant sur la nuque ; à la Panurge ; à trois marteaux, qu'affectionnaient surtout les médecins et les apothicaires. Tout le monde alors portait perruque, depuis le vieillard décrépit jusqu'à l'enfant à peine sevré ; les nobles comme les roturiers, les bourgeois, les maîtres des métiers, les ouvriers. Le moindre laquais aurait eu honte de se montrer avec ses propres cheveux et la condition des personnes se reconnaissait à la forme de leur perruque (…)".

 Certains des procès contentieux donnent quelques indications sur la profession exercée par les parties en cause. Ainsi, le 28 mars 1791, "le sieur Koenig, maître perruquier demeurant à Paris, rue Saint-Victor" réclame au "sieur Barriac, chirurgien major du bataillon de Saint-Nicolas du Chardonnet, demeurant rue des Fossés-Saint-Bernard, une somme de dix-huit livres pour prix d'une perruque ronde, vendue, fournie et livrée". Barriac accepte de régler "sur le champ" la somme de 15 livres après négociation sur le prix de l'ouvrage. Une intéressante affaire de rupture d'association entre deux perruquiers est évoquée devant le bureau de paix et de conciliation tenu par le juge de paix le 27 avril 1792[42]. "Le sieur Gain, perruquier demeurant rue Saint-Victor, à côté du Cheval Blanc" réclame "la cessation de l'acte de société passé devant Lemaire, notaire, le 15 février 1792" avec "le sieur Chevalier, perruquier, demeurant aussi rue Saint-Victor". Pour justifier sa demande, il déclare "qu'il pense faire mieux seul, ayant plus de soin à conserver ses pratiques et en attirer de nouvelles; que le défendeur, vu sa vivacité et son habileté ne fait pas autant de pratique qu'il pourrait". Le défendeur déclare de son côté qu'il "était dans la boutique avant que Gain l'achète ; qu'il connaît toutes les pratiques et qu'en restant dans la boutique il les lui a conservées ; qu'il a payé trois cent cinquante livres pour le fonds qui rapporte mille huit cent livres" ; il demande donc à Gain de lui verser "une indemnité de deux cents livres" alors que ce dernier lui en offre cinquante. L'accord se fait finalement sur le montant d'une indemnité fixée à 60 livres, dont 50 doivent être immédiatement versées et le restant au 1er mai, date de l'arrêt définitif d'activité du défendeur. Cette affaire peut être un reflet du fonctionnement de ces "sociétés" de travail, qui regroupent deux ou plusieurs artisans ; les mêmes associations se retrouvent dans certaines activités commerciales, comme dans le transport sur terre ou sur eau. Par ailleurs, ces perruquiers prodiguent de multiples soins corporels à leurs pratiques, proches en cela des barbiers qui forment avec eux, les "baigneurs" et les "étuvistes" une communauté professionnelle unique reconnue par des statuts communs. Ainsi, le 1er avril 1791[43], "le sieur René, maître perruquier demeurant à paris, rue Saint-Victor", représenté par "la dame René, son épouse" assigne devant le juge de paix "le sieur Ferlu, prêtre et ancien directeur de la petite communauté du séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet" en lui réclamant "une somme de vingt-six livres pour accommodage pendant treize mois, à raison de quarante sols par mois". Après discussion sur le nombre de mois et sur la somme due, le juge condamne le prêtre ainsi "accommodé" à payer au perruquier 18 livres et à verser 4 livres au titre des dépens. Une affaire identique a opposé, quelques jours plus tôt un autre perruquier à un maître de pension de l'Université de Paris pour des soins qui n'ont partiellement pas été payés depuis 17 mois. Ces "abonnements" de soins capillaires et autres semblent donc en usage au sein de la profession.

Parmi les 8 tailleurs d'habit répertoriés dans la même rue, un seul se présente devant le juge de paix pour une affaire liée à sa profession. Il s'agit, le 25 mai 1794-6 prairial an II[44], du conflit qui oppose "le citoyen Jean-Baptiste Vanin, citoyen français demeurant à Paris, Place de Grève n°66, demandeur d'une part et le citoyen Claude Jean-Baptiste Vion, tailleur d'habit demeurant rue Victor, défendeur d'autre part (…) pour raison d'une redingote que le fils du citoyen Vanin a remise au citoyen Vion pour lui en faire un habit et que le citoyen Vion prétend avoir remis à la femme du citoyen Vanin fils". En fait, la "citoyenne Clothilde Françoise Thévenin, demeurant rue du Petit Bac, faubourg Saint-Germain" n'est pas la femme mais la concubine du jeune Vanin parti aux armées ; appelée à comparaître à l'audience suivante, elle "a dit qu'il était vrai qu'elle avait retiré des mains du citoyen Vion la redingote du citoyen Vanin fils avec lequel elle vivait, que ce dernier lui ayant écrit plusieurs fois de lui envoyer de l'argent, elle avait vendu la dite redingote et avait employé l'argent tant à ses besoins qu'à ceux dudit Vanin fils, qu'ainsi elle ne pouvait rendre ledit habit, et (…) a présenté plusieurs lettres par lesquelles le citoyen Vanin fils lui accusait la réception de différentes sommes". Le juge se range aux arguments présentés par la jeune femme, la met hors de cause et "renvoie le citoyen Vion de la demande du citoyen Vanin, tous dépens compensés entre les parties". Cette minute donne donc très peu d'indication sur le travail de ce tailleur tout en apportant une image non dénuée d'intérêt sur les conditions de vie des "soldats de l'an II" et de leurs relations avec leurs proches restés à l'arrière.

Les autres métiers liés à l'habillement et aux soins du corps sont représentés dans la rue par 3 chapeliers, 2 parfumeurs, 1 bonnetier, 1 cardeur de chapeau, 1 fabricant de bas et 1 passe-talonnier[45]. Aucun d'entre eux n'intervient pour des raisons liées à l'exercice de la profession, à l'exception, peut-être, du "sieur Jean-François Briard, parfumeur demeurant à Paris, rue Saint-Victor n° 116" qui intente, le 2 décembre 1791[46], un procès au "sieur Antoine Beauche, cordonnier demeurant à Paris, rue Saint-Victor n° 65" au sujet d'un "billet faux de la Caisse patriotique de la somme de vingt-cinq livres que le sieur Briard prétend lui avoir été donné en paiement par le sieur Beauche, samedi dernier, sur les sept heures du soir". Mais le texte de la minute n'indique pas à quel objet précis correspond le paiement en question.

Au total, pour l'ensemble des professionnels liés aux métiers de l'habillement et aux soins du corps, les actes de la justice de paix n'apportent que peu de renseignements sur le fonctionnement même des métiers dont il s'agit, même si certains écarts de fortune peuvent être parfois précisés.

 Les 11 métiers liés à la fabrication et au traitement des textiles sont représentés par 31 individus différents.

Parmi eux dominent très largement les 18 couverturiers qui se répartissent, dans cette rue, entre 9 maîtres, 8 compagnons et 1 garçon. On peut rattacher à cette catégorie professionnelle un empeigneur de couverture[47] (il a agressé verbalement et physiquement l'un de ses compagnons de travail qui habite rue Mouffetard). Seules, trois affaires ont trait à l'exercice de cette profession dont Émile Ducoudray et Raymonde Monnier soulignent l'importance particulière dans le faubourg Saint-Marcel[48] lorsqu'ils évoquent la concentration ouvrière caractéristique de certains quartiers de Paris :

"(…) Celle-ci [la concentration ouvrière] est particulièrement forte sur la rive droite, dans l'axe des rues Saint-Denis et Saint-Martin, jusqu'au faubourg Saint-Denis, où les fabriques d'étoffe de gaze, dentelle et mercerie se distinguent par l'importance des effectifs ouvriers. C'est aussi le cas au faubourg Saint-Marcel, où se trouvent la plupart des fabriques de couverture et les grosses bonneteries (…)".

A. Franklin précise la localisation de ces couverturiers[49] :

"Fabricants de couvertures (…). Au dix-huitième siècle, presque tous les couverturiers de Paris étaient établis dans les faubourgs Saint-Marcel et Saint-Martin ; mais plusieurs villes de Normandie, Darnetal et Vernon surtout, fournissaient à Paris une énorme quantité de couvertures (…)".

Lors d'un procès en comparution volontaire que "le citoyen Caron, maître couverturier demeurant rue Saint-Victor, chargé du pouvoir du citoyen David Bacot, négociant en couvertures" demande, le 4 juillet 1793[50], à "la citoyenne Jeanne Guillaume, femme du citoyen Sellier, boulanger demeurant rue Mouffetard, n° 421" de lui remettre les clefs de la chambre occupée chez elle par "le citoyen Debily, couverturier, l'un de ses ouvriers" afin d'en retirer divers outils et "notamment une mécanique à filer le coton, une paire de brésoix, deux cardes fines, un dévidoir et divers autres outils" : il s'agit bien là de la description partielle du matériel utilisé par ces ouvriers à domicile qui formaient, hors manufacture, l'essentiel de la main d'œuvre employée dans cette spécialité. C'est là un des rares témoignages du mode de travail en usage dans cette profession. Presque toutes les autres affaires concernant ces couverturiers portent sur des témoignages en matière gracieuse ou sur des conflits liés au logement de ces compagnons.

Ce travail à domicile dans les professions du textile est mis en évidence lors d'un procès qu'intente, le 17 octobre 1794-26 vendémiaire an II,[51] "le citoyen Alphonse Pezant, tisserand, demeurant rue de Loursine" au "citoyen Fabre, manufacturier en coton demeurant enclos Victor". Le demandeur réclame au manufacturier "une somme de cinquante livres pour le temps perdu à montrer au défendeur à faire de la toile et pour différentes courses faites avec lui pour acheter un métier à faire de la toile". Dans sa requête orale devant le juge de paix, l'ouvrier "déclare s'être présenté chez le citoyen Fabre pour y travailler", ce dernier "lui a promis de lui donner plus qu'aux autres ouvriers, à raison de cinq sols par aulne, à condition qu'il lui montrerait son état". Mais Fabre l'a ensuite renvoyé et "et a refusé de le payer, tant pour la toile que pour les courses ". Apparaît donc ici un ouvrier qualifié, recruté pour mettre en place une nouvelle technique dans un atelier du quartier, le propriétaire manufacturier ne la connaissant pas. Et c'est à ce titre qu'un salaire plus important que celui des autres salariés lui est proposé. C'est sur cette base que le manufacturier se défend devant le juge : il ne dit pas que l'ouvrier n'a pas travaillé, mais "qu'il n'a fait que très peu de toile et ne lui a rien montré" et s'il ne lui a pas versé son salaire, c'est pour "la manière avec laquelle il s'est comporté chez lui en le maltraitant". Le juge décide que l'employeur doit payer au salarié 25 livres pour les indications de travail fournies et que, pour la toile faite, il devra lui verser 5 sols de plus qu'aux autres travailleurs de l'entreprise, faisant ainsi droit pour l'essentiel aux demandes présentées par le salarié.

Les autres professions liées au travail du textile sont représentées par 2 blanchisseurs (ils n'interviennent qu'en tant que témoins), 2 cardeurs de laine (l'un est témoin et l'autre est condamné à quitter son logement faute de paiement des loyers), 2 manufacturiers de coton (l'un est témoin et l'autre, Fabre, vient d'être présenté dans son conflit professionnel avec l'un de ses ouvriers), un brodeur (témoin), un fabricant de coton (il semble peu fortuné : d'une part, il se fait expulser d'une chambre qu'il a louée dans la rue ; d'autre part, il a beaucoup de peine à rembourser une petite dette d'argent), un fabricant de molleton (principal locataire d'une maison, au coin de la rue des Fossés-Saint-Bernard et dont il sous-loue des chambres), un peaussier[52] (témoin), un peintre sur indienne (le 15 mai 1795-26 floréal an III[53], il reconnaît avoir "dans un état d'ivresse tenu des propos inconsidérés" à l'encontre d'un couple de ses voisins) et un tisseur (témoin).

Ici encore, rares sont les indications textuelles qui peuvent donner des informations précises sur les conditions dans lesquelles sont exercées ces métiers liés au travail du textile.

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1.5. - Le secteur du commerce non alimentaire est dominé, dans la rue, par les merciers et les marchands de bois

 Au total, 30 hommes, habitant dans la rue, exercent l'un des métiers ressortissant de ce secteur.

Les 10 marchands merciers sont les plus nombreux. Appartenant, avec les drapiers, au premier des "Six-Corps" redéfinis dans l'Édit d'août 1776[54], ils interviennent surtout comme témoins en justice gracieuse ou comme demandeurs pour les problèmes de loyers impayés par leurs locataires. Seuls deux d'entre eux sont présents en tant que défendeurs. Le premier, "le citoyen Jean-Baptiste Chivery, marchand mercier demeurant rue Saint-Victor n° 146" se fait expulser de sa "chambre au 4ème étage devant" par sa logeuse, "la citoyenne Geneviève Eustache, fille majeure" : il lui doit "quinze livres de terme échu "[55]. Le second, "le citoyen Jean-Pierre Maillard, marchand mercier demeurant rue Saint-Victor n° 22" a vendu "une paire de boucles d'oreilles en or confiées en nantissement de la somme qu'il avait prêtée "à "la citoyenne Marguerite Mensnier, veuve Lambert, demeurant rue Eloy, cul-de-sac Martial" après avoir déposé le dit bijou au Mont-de-piété pendant plus d'un an[56]. Après discussion sur les sommes dues, la demanderesse est finalement redevable au mercier d'une somme de 7 livres qu'elle rendra en échange du bijou déposé en attente auprès du greffier.

Aucune de ces différentes actions ne concerne donc la profession exercée par ces marchands merciers.

Les 6 marchands de bois présents dans cette rue sont évidemment liés à la proximité du port au bois qui se trouve sur le quai Saint-Bernard et aux "chantiers" de bois qui s'échelonnent entre la rue Saint-Victor et le quai. Parmi eux se trouvent un témoin, deux principaux locataires qui réclament des loyers dus par leurs sous-locataires et deux individus qui n'ont pas payé à des artisans (un menuisier et un charpentier) des travaux qu'ils auraient commandés

Une seule affaire concerne des problèmes liés à la profession des plaideurs. Le 23 mai 1791, les époux Durand interviennent contre "le sieur Rigault, marchand de bois à brûler pour la provision de Paris, y demeurant rue Saint-Victor" qui ne leur a pas "livré trois voies de bois neuf[57] restant à livrer sur un bon de quatre voies, lequel bon a été perdu par le sieur Durand, ainsi conçu "bon pour quatre voies de bois neuf que monsieur Rigault voudra bien remettre au porteur à Paris, ce premier février mille sept cent quatre-vingt onze, signé Robert pour Monsieur Rigault", au dos duquel étaient deux ordres en blanc en faveur du sieur Durand, signé Perrier et Colin, et sur lequel bon était encore écrit "Livré à compte une voie par le commis du chantier du sieur Rigault". Les demandeurs, en l'absence du marchand de bois ou de son représentant, obtiennent sa condamnation et l'obligation pour lui d'effectuer la livraison des trois voies de bois "le jour de la signification" du jugement. C'est donc une affaire qui concerne la commercialisation de ce "bois à brûler" si important pour la vie quotidienne des Parisiens.

Le commerce des habits à bas prix est représenté ici par 4 marchands fripiers qui n'interviennent qu'en tant que témoins dans des actes de tutelle, de curatelle ou d'émancipation, sans que leur profession ne soit définie que par le nom qui lui est donné. Par ailleurs, 2 négociants, dont l'un est aussi témoin en justice gracieuse et l'autre, "le citoyen Jacques-Jérôme Dupont, ancien négociant demeurant rue Saint-Victor n° 49" intervient le 29 mai 1793[58] pour être autorisé à faire effectuer "tous les travaux nécessaires dans une maison et dépendances attenant à la ci-devant Congrégation des prêtres de la Doctrine chrétienne", immeuble qu'il vient d'acquérir. Enfin, 3 marchands ferrailleurs (2 sont témoins et le troisième, principal locataire d'une maison, doit laisser une de ses sous-locataires partir de sa chambre), 1 charbonnier (témoin), 1 grainetier (qui intervient aux côtés de sa femme qui réclame la livraison d'un cuvier de blanchissage), 1 marchand grossier[59] (témoin), et 1 marchand de tabac (cité parce que sa fille mineure a causé un accident dans la cour de l'immeuble) habitent dans cette rue et sont cités dans les actes de la justice de paix sans qu'apparaisse un lien entre leur présence et l'exercice de leur métier. Par contre, 1 marchand colleur de papiers peints est requis comme expert dans une affaire où ses compétences professionnelles sont reconnues et utilisées par le juge de paix. Le "sieur Dubuisson, peintre papetier demeurant rue du Puits de l'Ermite et son épouse" ont réclamé, le 16 juin 1791[60], au "sieur Laurent, bourgeois de Paris demeurant même rue (…) une somme de soixante-trois livres quatre sols pour prix de fournitures, bordures et collage de papiers peints". Le défendeur réfute successivement deux experts pour en accepter finalement un troisième qui procède à l'expertise, le  28 juin 1791[61] : " (…) Nous Jacques-René Mortier (…) nous sommes transportés (…) dans une maison sise rue du Puits-de-l'Ermite où, en notre présence et celle de la dame Dubuisson et du sieur et dame Laurent, le sieur Louis Miette, expert nommé par notre jugement du vingt-deux juin présent mois, après avoir prêté serment d'estimer les ouvrages et fournitures dont il s'agit en son âme et conscience, a procédé à la visite, prisée et estimation ; dont il est résulté de son estimation (…) que toutes les dites sommes réunies forment une somme totale de cinquante sept livres cinq sols (…)". Le détail de l'estimation est reproduit avec beaucoup de précision et donne une description intéressante de ce que pouvait être le décor mural d'une maison "bourgeoise" de ce quartier.

1.6. - Le secteur des transports est lié à la proximité des activités portuaires sur la Seine

Les professionnels du transport sont représentés, dans la rue Saint-Victor, par les voituriers, les charretiers et les loueurs de carrosses.

Les 8 voituriers de la rue sont impliqués dans 14 affaires différentes. Ils sont témoins dans 5 d'entre elles pour des actes de justice gracieuse. Dans 7 cas, ils sont défendeurs ou cités en compagnie de leur épouse elle-même défenderesse. C'est dans les deux affaires où l'un d'entre eux intervient en tant que demandeur que sont présentés certains aspects de leur métier. Il s'agit du "citoyen Étienne Dupuis, voiturier demeurant rue Saint-Victor n° 61, au Buisson Ardent", par ailleurs qualifié en novembre 1792[62] comme "porte-étendard de la section armée des Sans-culottes". Le 16 février 1793[63], il réclame, au nom de sa femme "Marie-Madeleine Gosse" et en son nom propre, au "citoyen François Guinet, voiturier demeurant à Paris rue d'Enfer au Petit Luxembourg (…) une somme de cinq cents livres par forme de dommage intérêts (…) pour avoir agi de voies de fait envers la femme Dupuis, le six février présent mois, au devant de la porte du Chantier du Faubourg, situé dans l'arrondissement de la section des Sans-culottes ; que ladite femme Dupuis voulant s'opposer avec raison à ce que le défendeur n'entre dans le chantier avec sa voiture, ce dernier a persisté à vouloir y entrer et a saisi le poignet de ladite femme Dupuis avec vivacité et emportement et lui a renversé de manière à lui démettre ledit poignet ; et que, depuis cette époque, elle ne peut se servir de son bras". Guinet déclare pour sa défense "que la femme Dupuis se précipitant sur une voiture où elle encourait un grand danger, il la prit par le bras pour l'en débarrasser, mais qu'il ne lui a fait aucun mal puisqu'elle a continué de travailler audit chantier toute la journée". Selon les témoignages dires des divers témoins de la scène appelés à comparaître, il apparaît que le responsable du chantier avait donné la priorité à la femme Dupuis pour charger sa voiture de bois et que "le défendeur a voulu charger à sa place à cet effet sa voiture et que la citoyenne Dupuis ayant voulu empêcher que la voiture du défendeur n'entre au chantier pour charger le bois qu'elle devait charger, pour prendre sa place le défendeur l'a repoussée avec violence en la prenant par le bras". Au total, Guinet "offre à titre de transaction et non autrement la somme de vingt cinq livres pour frais de pansements, dépens et dommages, de déposer à l'instant entre les mains du secrétaire greffier la somme de dix livres et, pour les quinze livres restantes, a demandé terme et délai de six semaines pour payer, ce qui a été accepté par les citoyen et citoyenne Dupuis". Grâce à ce document, apparaît  un aspect familier de la vie tumultueuse qui présidait aux activités de ces voituriers particulièrement vindicatifs dans l'exercice de leur métier : la concurrence est vive entre eux et les rixes nombreuses …

Les minutes dans lesquelles sont cités 9 charretiers habitant rue Saint-Victor poursuivent et précisent cette image "agitée" de la voie publique et des conditions dans lesquelles travaillent ces professionnels du transport urbain qui sont toujours les salariés de voituriers ou voituriers eux-mêmes. À l'exception d'une affaire qui a pour objet l'expulsion de l'un d'entre eux et d'un conflit né d'une dette de nourriture impayée, tous les problèmes évoqués concernent leurs conditions de travail et de rémunération.

Le 11 mars 1791[64], "le sieur Bourguignon, charretier du sieur Jourdan, marchand de bois demeurant rue Saint-Victor au Chantier Vert" se voit réclamer par "le sieur Charles Bisson, voiturier sur les ports à Paris demeurant rue du Marché aux Chevaux, dans la maison du sieur Pauchain (…) une somme de soixante-trois livres pour le prix d'un cheval, poil bais brun, de taille moyenne, hors d'âge, que Bourguignon a blessé en faisant passer sa voiture sur le sabot et l'a mis hors d'état de jamais pouvoir servir". Après discussion et appel à témoins, le charretier et son employeur sont solidairement condamnés à payer au demandeur les 63 livres réclamés ainsi que les dépens ; c'est l'employeur qui verse immédiatement la somme et qui récupère le cheval estropié.

Le 29 septembre de la même année[65], "le sieur Étienne Diard, charretier demeurant chez le sieur Dard, rue Saint-Victor" a gardé une partie de la somme perçue par une cliente, "la dame Dassin" qu'il devait remettre au "sieur Jacques Jarraud, maître marbrier demeurant à la Barrière Saint-Jacques" ; il est condamné à rembourser la somme due, soit 41 livres qu'il paiera "par sixième à partir du 1er octobre prochain".

Le 16 avril 1792[66], c'est encore pour un accident de la voie publique qu'un charretier, "le sieur Biel, charretier de la dame Canoger, salpêtrière demeurant ensemble à Paris rue Saint-Victor" est appelé à comparaître par "le sieur Pigeonnat, maçon demeurant rue du Bon-Puits" qui réclame "une somme de neuf livres en dommages faits par la voiture de Biel à son cheval, par négligence" ; le demandeur obtiendra la moitié de la somme, soit 4 livres et 10 sols.

Deux semaines après, le 24 avril 1792, c'est une rixe entrainant coups et blessures que décrit, dans une déclaration faite devant "le commissaire de police de la section du Jardin-des Plantes (…) la demoiselle Jeanne Agathe Bonnet, épouse du sieur Jean Durand, charretier et voiturier par terre demeurant rue Saint-Victor n° 118". La reproduction d'une partie de ce document, joint à la minute du juge de paix du 30 avril 1792[67], permet de prendre connaissance des formes et des conséquences de ces "embarras de Paris" si fréquents dans ces quartiers laborieux : "Que, vers les trois heures après midi de ce jour, son mari passant dans la rue Saint-Victor et conduisant une voiture chargée de fagots, pour éviter de s'embarrasser avec des voitures qui venaient en sens contraire à lui et faciliter le passage de la sienne, il se dérangea une voiture qui se trouvait devant lui en prenant le cheval par la bride ;  qu'alors le nommé Robert, maître maréchal qui conduisait cette voiture, ainsi que deux particuliers dont il était accompagné et qui paraissaient ses compagnons dirent au mari d'elle comparante pourquoi il dérangeait leur voiture, s'il n'avait pas assez de place pour passer ses rosses ; qu'à ce propos, son mari répondit que les rosses le faisaient vivre ; qu'aussitôt le sieur Robert a donné à son mari un coup de poing dans l'estomac ; que son mari ayant seulement repoussé ledit sieur Robert, il est tombé sur lui ainsi que ses deux compagnons et lui ont donné des coups dans différentes parties du corps dont il se trouva fort incommodé ; que le charretier dudit sieur Robert s'étant joint à lui a porté sur la tête de son mari un coup de manche de son fouet dont il l'a blessé dangereusement ; que les particuliers s'étant échappé au moment où la garde est survenue, son mari n'a pu les faire arrêter et s'est retiré voulant continuer à travailler ; mais que vers les cinq heures du soir, se trouvant trop mal des coups qu'il avait reçus a été obligé de se mettre au lit, où il est en ce moment".

Le 11 juin de la même année[68], un accident survient encore sur la voie publique du fait, semble-t-il, du "charretier du sieur Jean-Baptiste Lanty, voiturier par terre demeurant rue des Fossés-Saint-Bernard" qu'un autre voiturier de la rue des Fossés-Saint-Bernard, "le sieur Armessan", accuse d'avoir blessé un de ses chevaux. Parmi les témoins présentés par le demandeur figure "Jacques Bellier, charretier chez le sieur Faron, rue Saint-Victor, et demeurant chez le sieur Moreau, boulanger, même rue". Bellier décrit la scène à laquelle il a assisté ainsi qu'un autre charretier travaillant aussi pour Faron. La hiérarchie sociale existant entre voituriers et charretiers semble bien établie et les témoignages des seconds vont toujours, dans de pareilles circonstances, dans le sens des dires de leurs employeurs.

Enfin, cinq jours après[69], un autre charretier "le sieur Guin père, charretier demeurant rue Saint-Victor n° 39", est accusé de devoir "une somme de vingt-huit livres d'un billet à ordre timbré et enregistré" au "sieur Bozon, ouvrier cordonnier demeurant rue de Versailles n° 5". Sa femme qui le représente reconnaît le bien fondé de la demande et obtient pour le remboursement de la dette contractée par son mari "un délai par sixième, de quinzaine en quinzaine". 

Au total, ces charretiers, querelleurs, peu soucieux des autres usagers de la voie publique ou négligents, ne sont guère valorisés dans ces minutes qui confirment le portrait charge qu'en dresse d'eux Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris[70] :

"Qui n'a pas reçu du bout du fouet d'un charretier, au risque de perdre un œil ? Une charrette tient toute la rue barrée par les deux énormes essieux qui saillent grossièrement du milieu de chaque roue : il est impossible qu'ils n'accrochent le ventre ou les poitrines des infortunés piétons selon leur hauteur. (…) les charrettes à Paris s'accrochent éternellement, et malheur à qui marche devant ou derrière. Si le cheval fait aussi parmi nous un écart, le charretier le redresse à grands coups de fouet, et il frappe tout ce qui se trouve dans la ligne circulaire que décrit son aveugle et impitoyable bras. Ce fouet va chercher l'homme le plus éloigné qui, distrait ou pensif, s'avance dans la rue et lui emporte une oreille ou lui coupe le visage. Le charretier jure toujours comme un enragé, quoique le sang coule, et le pauvre blessé qui voit couper et sangler les chevaux n'ose encore parler à ce diable furieux, et se sauve chez le chirurgien (…)".

 Les 5 charrons (4 maîtres et 1 compagnon) sont étroitement associés aux voituriers comme aux loueurs de carrosses qui seront ensuite présentés. Sur les 15 affaires dans lesquelles ils sont impliqués, 8 sont des témoignages qu'ils font en justice gracieuse. Le compagnon n'est présent que comme locataire d'une chambre qu'il demande à quitter après avoir payé son loyer. Dans 5 affaires, ces maîtres charrons sont en conflit soit avec leurs salariés, soit avec un client.

Par exemple, le 1er août 1793[71], comparaît "le citoyen François Pradier, compagnon charron demeurant rue des Boulangers" réclame au "citoyen Riotte, charron demeurant à Paris rue et enclos de la ci-devant abbaye Saint-Victor (…) une somme de dix-sept livres quatorze sols restant à payer de plus forte somme pour ouvrages de charronnage que le demandeur a faits pour le compte et par ordre du défendeur dans le courant de juin et juillet dernier suivant le prix convenu verbalement entre eux". L'employeur prétend que, son ancien salarié "ne sachant pas parfaitement travailler", il ne lui doit rien de plus que ce qu'il lui a donné ; une transaction est finalement trouvée entre les parties, Riotte étant condamné à verser à Pradier 14 livres au lieu des 17 livres 14 sols demandés.

En ce qui concerne les conflits avec les clients, l'exemple peut être donné par celui qui oppose, le 8 août 1791[72], "le sieur Carré, marchand de chevaux demeurant rue Traversine" au "sieur Lagesse, maître charron demeurant rue Saint-Victor". Le client réclame la nomination d'experts pour "vérifier et estimer les ouvrages de charronnage faits pour l'accommodage d'un tombereau". Par ailleurs, il demande la remise "d'un vieux tombereau garni de son essieu en fer, déposé dans la cour de Lagesse lorsqu'il a enlevé l'autre tombereau ; qu'il ne lui a pas demandé de le raccommoder, d'autant plus que l'autre n'a été raccommodé qu'avec des planches pourries, ce qui le rend dans l'impossibilité de s'en servir". Deux experts sont alors nommés et le procès est renvoyé à leurs conclusions.

Comme les charrons, les 5 maréchaux ferrants (4 maîtres et un compagnon) sont intimement liés à la pratique des transports, leur activité professionnelle portant essentiellement sur l'entretien des animaux de trait. À l'exception de témoignages en justice gracieuse et du conflit concernant une rixe entre l'un d'entre eux et un charretier, les affaires qui les amènent devant le juge de paix ont trait à des conflits salariaux. Le 9 janvier 1792[73], "le sieur Jacques Sauce, compagnon maréchal demeurant rue Saint-Victor dans la maison du sieur Davy" réclame "au sieur René marchandeau, maître maréchal demeurant Place aux Veaux (…) une somme de vingt-neuf livres six sols pour travaux faits pour son compte" ; l'épouse du défendeur comparaît à sa place, reconnaît la dette et obtient de rembourser en trois fois la somme ainsi due. Le 30 mars de la même année[74], "le sieur Étienne Robert, maître maréchal demeurant rue Saint-Victor n° 104, vis-à-vis une boulangerie", par ailleurs souvent témoin et cité dans une bagarre de voisinage, se voit réclamer par "le sieur Louis Couault, compagnon maréchal demeurant au Port Saint-Paul (…) une somme de onze livres pour salaires" ; il reconnaît devoir 10 livres qu'il propose de payer "dimanche prochain". Enfin, le 3 août 1794-16 thermidor an II[75], "le citoyen Delforge, dit Flamand, maréchal demeurant rue et enclos Victor" est condamné, par défaut, à payer au "citoyen Hugues Mercier, compagnon maréchal demeurant rue de Seine-Victor, section des Sans-culottes (…) une somme de dix-sept livres, restant de plus forte somme pour les journées faites pour son état, à raison de sept livres par jour, prix convenu entre eux".  Le texte ne dit jamais à quel type de travail correspondent les sommes ainsi réclamées.     

Dans ce même secteur des transports sont concernés d'autres métiers représentés par des habitants de la rue Saint-Victor. Il en est ainsi pour 4 loueurs de carrosses (dont deux sont présents pour des injures et bagarres dans la rue), 2 cochers de place et 1 carrossier.

Parmi les premiers, le "sieur Benoît Mauny, demeurant rue Saint-Victor, n° 65, près celle des Boulangers" intervient à dix reprises, mais jamais à propos de ses activités professionnelles : propriétaire de la maison où il habite, il fait procéder régulièrement par voie de justice à l'expulsion de certains de ses locataires pour défaut de paiement des loyers.

L'un des ses confrères, "le sieur Benoît Marin, loueur de carrosses à Paris, demeurant rue Saint-Victor", est, par contre, impliqué dans trois procès portant sur des affaires liées à l'exercice de son métier. Le 13 mai 1791[76], il est condamné à payer au "sieur Thermois, agent des propriétaires des voitures publiques, domiciliés en leur bureau sis rue Neuve-des-Capucines, une somme de vingt-quatre livres restant de celle de soixante livres pour quinze jours de louage d'une voiture anglaise (…) à raison de quatre livres de loyer par jour" ; par ailleurs il doit rendre le harnais qu'il a conservé. Ce "loueur de carrosses" est donc lui-même le client occasionnel d'une compagnie publique de carrosses. Le 30 juillet 1792[77], il doit payer au "sieur Nicolas Alexandre Lair, laboureur demeurant à Gadancourt et actuellement chez la dame Contrion, rue du Faubourg-Saint-Jacques (…) le prix de quatre journées de travail pendant lesquelles "Lair devait être mis au courant du travail par l'ancien palefrenier de Marin". C'est donc en tant qu'employeur qu'il est ici mis en cause. Enfin, devant le bureau de paix et de conciliation, il est amené à verser, le 3 décembre 1792[78], au "sieur Anthèlme Mamy, aussi loueur de carrosses demeurant place Saint-Michel (…) une somme de quarante livres pour un lit et un mantelet et pour la nourriture et le louage d'un cheval pour ramener la voiture dudit Benoît Marin, de nuit". Il s'agit ici d'une transaction entre deux loueurs de carrosses qui se sont échangé des services.

Les deux cochers de place n'interviennent qu'à l'occasion de conflits de voisinage.

Quant au "citoyen Sébastien Bellardele, carrossier demeurant rue Victor n° 27", il est seulement présent comme témoin pour la mise en tutelle d'un orphelin mineur.

Dans ce secteur des métiers liés aux transports, une place particulière revient aux 7 individus qui travaillent sur et pour les ports de la Seine installés sur les quais très proches de la Tournelle et Saint-Bernard : 2 commissionnaires, 1 compagnon de rivière, 1débardeur de bois, 1 fagotier de chantier et 1 garde sur les ports.

Les deux commissionnaires, le compagnon de rivière n'interviennent que comme témoins. Le débardeur de bois est expulsé de la chambre qu'il occupe avec sa femme. Le fagotier de chantier a été témoin d'une rixe survenue chez un marchand de boissons de la rue. Quant au garde sur les ports, il intervient en justice pour conserver le logement que veut lui reprendre le propriétaire.

 

Au total, ces hommes travaillant dans le secteur du commerce non alimentaire et des transports pratiquent des métiers très divers. À quelques exceptions près, les minutes de la justice de paix donnent plus de renseignements sur certains des comportements sociaux de leurs acteurs que sur leur pratique proprement dite des métiers.

 

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1.7. - Le secteur des autres métiers artisanaux exercés par les hommes qui habitent la rue Saint-Victor est composé de 20 professions différentes qui peuvent être distinguées en fonction du matériau travaillé : le métal (10 professions) et les autres matériaux (9 professions)

 

L'artisanat du métal est représenté par 24 individus.

Parmi les 7 cloutiers (3 maîtres et 4 compagnons) présents dans le corpus, "le sieur Pierre Courbra, maître cloutier demeurant rue Saint-Victor n° 55" intervient à 7 reprises. Il est appelé deux fois comme témoin pour des affaires de justice gracieuse. Dans trois autres cas, il intervient en tant que propriétaire pour réclamer des loyers impayés et faire expulser les locataires débiteurs. Dans une affaire datée du 9 juin 1791[79], il est accusé de retenir indûment, "dans sa boutique divers outils du métier de cloutier qui appartenaient au sieur Étienne Delaux, cloutier demeurant au bureau des voitures de la cour du quai d'Orsay, paroisse Saint-Thomas d'Aquin et qui pouvaient valoir une somme de soixante livres" ; ces outils, un "sieur Sigot, compagnon cloutier demeurant rue des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch" les avait déposés chez Courbra, pour une raison qui n'est pas mentionnée. De cette affaire semble ressortir la complexité des rapports qui pouvaient exister au sein de cette corporation entre maîtres et compagnons comme entre maîtres eux-mêmes.

5 graveurs sur métaux, 3 couteliers, 3 doreurs sur métaux, 1 armurier, 1 fourbisseur[80], 1 facteur d'orgues, 1 fondeur, 1 compagnon horloger et 1 poêlier  complètent le tableau des artisans du métal qui habitent rue Saint-Victor et sont présents à divers titres devant le juge de paix. Un seul d'entre eux est présent pour un problème concernant son activité professionnelle. Il s'agit, le 16 septembre 1791, du "sieur Charles Louis Landrieux, compagnon horloger demeurant rue Saint-Victor" qui réclame "au sieur Charles Joseph Lecocq, luthier pour les jouets d'enfants demeurant rue du Bon-Puits n° 22 (…) une somme de onze livres seize sols pour ouvrages de son état" : il est possible que ces "ouvrages" aient consisté en mécanismes précis nécessaires pour l'animation de ces jouets d'enfants ; mais ce n'est là qu'une hypothèse que le texte de la minute ne permet pas d'affirmer.

Au total ces professionnels des métaux n'interviennent donc que très exceptionnellement en raison de la pratique de leur métier.

 

L'artisanat des autres matériaux est représenté par le même nombre d'individus inégalement répartis entre 9 métiers différents.

Parmi les travailleurs du cuir (hors les cordonniers et bottiers) se trouvent 6 selliers et 5 bourreliers, liés d'ailleurs indirectement au secteur des transports.

Deux selliers n'interviennent que comme témoins dans des affaires gracieuses, les autres ont prêté ou emprunté de menues sommes d'argent pour des raisons diverses et l'un d'entre eux, "le citoyen Duroy père, sellier demeurant rue Victor n° 119" réclame à un client, le 24 juillet 1795-6 thermidor an III[81], "une somme de quarante cinq livres pour ouvrages de sellerie", ouvrages dont le texte ne précise pas les détails.

Parmi les cinq bourreliers, dont aucun n'intervient à propos de l'exercice de la profession, le cas de "François Pigneau, marchand bourrelier demeurant rue Saint-Victor n° 77 vis-à-vis l'église de l'Abbaye", cité par H. Burstin[82] comme membre du bureau de bienfaisance de la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet en 1791, est exemplaire : il intervient une fois comme témoin dans une affaire tutelle en 1793, une fois comme demandeur dans un conflit de mitoyenneté et dix fois comme propriétaire de la maison qui appartient à sa femme au n° 20 de la rue des Boulangers ou comme principal locataire de la maison où il habite avec sa femme rue Saint-Victor. Sa situation économique semble donc en partie liée à ses revenus immobiliers, révélés ici par les procès qu'il intente, souvent avec son épouse, contre ses locataires ou sous-locataires récalcitrants.

Le travail du bois, en dehors des métiers du bâtiment précisés plus haut, est ici représenté par 3 tonneliers, 2 tourneurs et 1 scieur de long. Les premiers et le dernier sont évidemment en rapport avec les activités portuaires (trafic du vin et du bois).

Les tonneliers interviennent toujours comme témoins en justice gracieuse. Seul, "le sieur Jean-Baptiste Lemaire, maître tonnelier demeurant rue Saint-Victor chez Monsieur Lefebvre, pâtissier, n° 119", par ailleurs témoin dans une autre affaire, est présent pour un problème concernant son métier. Le 4 janvier 1791[83], il est accusé par "le sieur Jean-François Mortier, garçon tonnelier demeurant à l'hospice de la Charité, faubourg Saint-Germain" de lui devoir "une somme de douze livres huit sols restant de celle de vingt et une livres treize sols pour cinquante-deux jours de travail du quinze octobre au quinze décembre derniers, à raison de cent cinquante livres par an". Ce texte apporte des renseignements intéressants sur les conditions de travail et de rémunération des "garçons" de ces emplois artisanaux. Sur les 61 jours de la période, ce "garçon tonnelier" a travaillé 52 jours : en faisant abstraction dans ce décompte des 9 dimanches non ouvrés, il a donc travaillé tous les jours de la semaine. Sa rémunération est établie sur une base annuelle et non quotidienne, comme celle des compagnons ; se montant à environ dix sols par jour, elle est d'ailleurs nettement inférieure à celle de ces derniers, presque toujours supérieure, à la même époque, à deux livres[84]. Le juge confirme le bien fondé de la demande en condamnant l'employeur à verser immédiatement le salaire dû et aux dépens.

Les tourneurs cités ici semblent rencontrer des difficultés pour se faire payer leur travail par d'autres artisans qui recourent à leurs services. Ainsi, le 28 février 1791[85], le "sieur Charpentier, maître tourneur demeurant rue Saint-Victor" réclame au "sieur Baron, maître charron, demeurant Nouvelle Place aux Veaux (…) une somme de vingt et une livres pour le prix de son ouvrage et fournitures, sauf à tenir compte de cinq livres dix-sept sols pour six bottes et demie de bois fournies par Baron à raison de dix-huit sols la botte" ; après discussion sur le montant de la somme, le défendeur est condamné à payer 12 livres et aux dépens.

Quant au scieur de long, sans doute employé dans l'un des "chantiers" qui existent entre la rue Saint-Victor et le quai Saint-Bernard, il n'intervient que comme témoin en justice gracieuse.

Les 4 autres métiers artisanaux recensés sont représentés par 4 salpêtriers, 2 chandeliers, 1 cirier et 1 cordier. Les premiers, organisés en communauté depuis 1658, ont un rôle essentiel tant dans l'assainissement des immeubles, notamment dans les caves, que dans l'approvisionnement en matière première des arsenaux[86]. L'un d'entre eux, à travers un incident relaté devant le bureau de paix et de conciliation, est mis en cause en raison de sa profession. Le 4 avril 1791[87], le "sieur Camuset, salpêtrier demeurant rue Saint-Victor" accepte de dédommager le "sieur Arbeltier demeurant rue du Jardin du Roi, face à la rue Buffon (…) en raison de l'accident qui lui est arrivé par l'effet de son charretier" ; la somme totale est fixée à 106 livres et sera versée selon un rythme précis : "1° trente livres qu'il lui paiera le neuf avril ; 2° 30 livres le samedi en quinze ; 3° six livres de mois en mois à partir du premier mai pendant six mois". Les trois autres interviennent pour des affaires indépendantes de leur profession. Il en est de même pour les chandeliers. Mais c'est à propos de l'aspect commercial de leur entreprise que le cirier et le cordier sont présents devant le juge de paix. Le 16 mars 1794-26 ventôse an II[88], "les citoyens Claude Madot, demeurant rue Victor n° 13 et Alexandre –François Madot, son fils demeurant rue Montorgueil n° 67, tous deux ciriers" demandent aux "ci-devant marguilliers de la ci-devant paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, les citoyens Hubert Ligneux, ancien procureur au ci-devant parlement de Paris, demeurant rue des Bernardins n° 40, Jean-Baptiste Sergent, demeurant quai Bernard, André-Gabriel Rainville , marchand de bois demeurant quai Bernard, et Jean-Jacques Gallet demeurant rue des Bernardins" de certifier qu'ils ont bien livré "des fournitures faites à la paroisse entre le 4 mai 1786 et le 15 juillet 1791", ce que confirme "le citoyen Nicolas Blay, imprimeur demeurant rue Victor et ci-devant agent de la ci-devant fabrique de la ci-devant paroisse (…)". Il s'agit là de la preuve reconnue de ce que pouvait représenter l'église parisienne parmi la clientèle de ces ciriers.

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1.8. - Le secteur des professions à caractère intellectuel présentes dans la rue est très diversifié

Il est représenté par 18 professions différentes exercées par 45 habitants.

En ce qui concerne les personnes faisant profession religieuse, la présence, dans la rue et dans ses abords immédiats, de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet et de trois établissements monastiques (l'ancienne abbaye des Bernardins, l'abbaye Saint-Victor et le Séminaire Saint-Firmin) explique la citation dans le corpus de 2 abbés, de 4 vicaires et d'1 organiste.

Le cas du "sieur abbé Cordier de Saint-Firmin, agent général de la Société nationale des Neuf Sœurs[89]" est particulièrement intéressant car il aborde, exceptionnellement dans ces minutes de la justice de paix, une affaire à résonnance politique. En effet, le 7 mars 1791[90], cet important personnage est accusé par "le sieur Louis-Joseph Auguste Eynaud, homme de loi et l'un de nos assesseurs" d'avoir mis en cause son élection comme assesseur du juge de paix devant le commissaire de police de la section : "le sieur abbé Cordier est convenu à l'audience avoir dit, en la salle du Comité de cette section, au sieur Naudin, commissaire de police, et ce en présence de plusieurs personnes, qu'il avait des motifs de plainte assez graves contre ledit sieur Eynaud pour être étonné qu'il fût assesseur". Remettant ainsi en cause l'événement politique que constitue cette longue procédure électorale[91], l'abbé se trouve dans une situation d'autant plus délicate que l'affaire a déjà été portée entre les parties devant une juridiction criminelle, celle du Châtelet : c'est d'ailleurs pourquoi le juge de paix acquiesce à la requête de son assesseur impliqué qui "a demandé qu'il fût sursis sur le délibéré (…) jusqu'au jugement du procès commencé au ci-devant Châtelet de Paris, lequel procès il avait déclaré, par son acte du douze du présent mois, vouloir poursuivre devant les nouveaux tribunaux[92]".

Quant au "sieur abbé Lekel, demeurant au séminaire Saint-Firmin rue Saint-Victor", il comparaît le 18 novembre 1791 avec "le sieur Jacques Ravanel dit Bayeux, ci-devant domestique du sieur Etienne Lekel", ce dernier réclamant à son ancien maître "une somme de trois cent cinquante quatre livres (…) pour restant de gages et salaires" ; après discussion, l'ancien abbé est condamné à verser à son ancien domestique "une somme de deux cent quatre-vingt huit livres dix sols (…) pour solde de tout compte, y compris le montant de toutes les emplettes faites par lui pour le sieur Lekel et de toutes les fournitures à lui faites pour le compte dudit sieur Lekel, notamment par le boucher, le boulanger, le marchand de vin, le charcutier". La qualification "professionnelle" et le prénom de cet ancien abbé sont rayés dans le texte, comme si ces éléments de reconnaissance devaient être désormais effacés de l'identité de l'individu : il est possible de voir là une forme de sécularisation officielle de la fonction religieuse des membres de l'ancien premier ordre du royaume …

L'atmosphère fraternelle ne semble pas régner au sein de la communauté du séminaire Saint-Firmin puisqu'un procès oppose, le 10 septembre 1791[93], l'un des vicaires de la paroisse "le sieur Jean-Pierre François Larigot, prêtre vicaire de la paroisse St Nicolas du Chardonnet demeurant à Paris au Petit Séminaire St-Nicolas rue St-Victor" à trois de ses confrères "les sieurs Denis Thiebault, Joachim Surbled et Jean-Joseph Coquelle, tous trois aussi vicaires de la même paroisse et demeurant au même Séminaire". Ces derniers refusent l'enlèvement de "deux matelas et un trumeau de cheminée" achetés par le premier à un marchand fripier, "le sieur Pierre Joseph Lefebvre, marchand fripier a Paris y demeurant rue et montagne Saint-Geneviève", au motif qu'il a envers eux des dettes qu'il refuse de leur rembourser ; un quatrième créancier, "le sieur Etienne Coste marchand de vin traiteur à Paris y demeurant rue St-Victor" se joint à la plainte pour des raisons identiques. Larigot reconnaît les dettes, et le fripier peut reprendre possession des objets qu'il lui avait vendus "pour une somme de cent livres" et qu'il n'avait jamais payés. Cette affaire n'implique donc pas l'exercice des fonctions exercées par cet ecclésiastique mais met seulement en cause la fiabilité de ses engagements financiers.

L'organiste cité dans les textes, "le sieur Ménard, demeurant rue Saint-Victor n° 58" est accusé, le 24 avril 1791[94], avec sa femme, par "le sieur Véron, doreur sur métaux et la dame Elisabeth, son épouse, demeurant rue Saint-Victor n° 58" d'avoir "proféré des injures et calomnies contre lesdits sieur et dame Véron et les demoiselles Véron, leurs filles" ; au cours de l'audience, les parties se rejettent l'accusation et, sur l'insistance du juge de paix, se rétractent mutuellement de leurs griefs et sont mis hors de cause, dépens compensés entre eux.

Aucun des 11 employés d'administration habitant dans la rue n'est présent pour des raisons professionnelles. Si trois d'entre eux ne sont qualifiés que comme "employé" ou "commis", les trois autres sont désignés par la spécialité de leur emploi administratif : Etienne Deschamps "employé à l'administration des loteries", Joseph Dornard "employé aux contributions publiques", Jacques Girardot "ex employé aux barrières" puis "employé aux fermes", Jean-Baptiste Guiroux "commis marqueur dans les chantiers de bois", Jean Lacage "employé à la Grande Poste", Alexandre Lallier "commis à l'administration des brouettes", Gabriel-Gaspard Lefebvre "commis à la ferme des tabacs" et Charles-Pierre Mauroy "commis au bureau de la marque des couvertures". La multiplicité et l'identité de ces divers emplois témoignent de la complexité d'une administration qui se trouve à la croisée de l'ancien et du nouveau régime administratif de la France, en particulier à Paris.

Les professions liées à l'enseignement sont représentées par 4 maîtres d'école, 2 professeurs, 1 instituteur et 1 étudiant. Un seul d'entre eux intervient pour un motif lié à l'exercice de son métier. Il s'agit du "sieur Urbain Leroux, maître d'école demeurant rue Saint-Victor" qui réclame au "sieur Nicolas Chéret, garçon de chantier du sieur Cagnon, marchand de bois, demeurant rue de Seine Saint-Victor (…) une somme de quatorze livres à lui due pour avoir enseigné et instruit les enfants dudit sieur Chéret pendant plusieurs mois" ; après discussion, la somme est ramenée par le juge à 6 livres que le défendeur paie immédiatement. Si le texte précise bien le type de travail effectué par ce maître d'école, il reste peu explicite quant aux conditions réelles de l'exercice de cette profession qui reste une prestation de services payante pour les usagers. Quant au "sieur Cotteret, étudiant demeurant rue Saint-Victor ou rue du Cardinal Lemoine", c'est de sa condition sociale et économique qu'il est un peu question dans le procès qui l'oppose au "sieur Louis-Marie Baillier, marchand fripier demeurant rue des Prêcheurs" : ce dernier lui réclame "une somme de vingt-neuf livres quatre sols pour prix d'habits et vêtements vendus" mais consent à déduire de la somme "cinq livres quatre sols pour le prix d'un bonnet carré et de deux gilets" que le vendeur a repris. L'étudiant, au domicile apparemment changeant, se fournit en habits chez un fripier, ce qui n'est pas le signe d'une opulence excessive …

Les activités liées à la santé sont représentées par 3 chirurgiens et l'économe de l'hôpital général de la Pitié, situé à l'extrême sud de la rue Saint-Victor. Les trois chirurgiens ne sont présents qu'une seule fois chacun, comme témoins en justice gracieuse. Il en est de même, à trois reprises, pour "le citoyen Jacques-Georges Desmagny, économe de l'Hôpital général de la Pitié" qui agit néanmoins une fois comme "représentant du département de Paris" dans une affaire de loyer impayé, le 28 janvier 1793 : "le sieur Durand, principal locataire d'une maison rue Traversine" demande l'autorisation de faire vendre "par un tapissier nommé par le juge (…) les effets laissés dans une chambre au troisième étage par le défunt citoyen Henri Augustin Davoue qui a laissé une héritière unique en la maison de la Salpètrière" afin de récupérer "une somme de dix livres pour un terme de la chambre". L'économe donne son accord en tant que "représentant du département de Paris" et "tuteur des enfants placés dans ses hôpitaux".

La justice est représentée dans la rue par 3 hommes de loi et 1 huissier de justice. L'un des hommes de loi, "le sieur Jean-Baptiste Lemoine, homme de loi demeurant rue Saint-Victor, au Buisson Ardent, numéro 61", est très souvent cité sur les minutes, dans la mesure où, jusqu'en novembre 1792[95], il est assesseur du juge de paix et indiqué comme tel dans le préambule des actes. Comme son frère, "conseiller au ci-devant Châtelet" qui demeure avec lui et qu'il représente à deux reprises, il intervient cinq fois pour les mêmes raisons : il s'agit d'obtenir l'expulsion de certains des locataires qui demeurent dans l'immeuble dont la famille Lemoine est propriétaire. Par ailleurs, le 12 mars 1792[96],"le sieur Rigobert Marmottant, homme de loi demeurant rue Saint-Victor" est accusé, en bureau de paix et de conciliation, par "le sieur Jean-François Fournel, homme de loi demeurant rue des Bernardins" de lui devoir de l'argent et "certaines pièces" à l'occasion de la vente d'une maison "au village de La Rue" ; la conciliation ne peut se faire, Marmottant ne se présentant pas chez le juge de paix. Quant à l'huissier de justice, Henri-Charles Malgras, il est, lui aussi, très souvent cité, dans la mesure où c'est à lui que revient la charge de porter aux parties les exploits concernant les affaires qui relèvent de la justice de paix ; la formule qui le concerne est souvent ainsi rédigée : "Malgras, huissier commis pour notre juridiction". Il n'intervient qu'une seule fois, le 25 août 1795-8 fructidor an III[97], en tant que témoin dans une affaire de tutelle, cet acte précisant son domicile "rue Victor, n° 38".

7 imprimeurs (dont un compagnon) habitant la rue sont présents devant le juge de paix au cours de la période. Un seul d'entre eux est cité pour une affaire concernant l'exercice de son métier. Il s'agit du "sieur Deschamps, imprimeur en papiers peints demeurant rue Saint-Victor au Cheval Blanc". Le 25 juin 1792[98], il est accusé par "le citoyen Pierre Guérin, garde à la Salpêtrière demeurant rue Mouffetard" d'avoir "maltraité son fils qui était à travailler chez lui en qualité d'ouvrier en papiers peints, le 12 juin courant, en le frappant de plusieurs coups de bâton sur le corps avec effusion de sang et le frappant sur la tête (…) et l'a blessé à l'oreille gauche, lui a meurtri le bras gauche et lui a donné des coups sur les doigts de la main droite, le rendant hors d'état de travailler d'ici à très longtemps". L'accusé, représenté par sa femme, ne comparaît pas à l'audience suivante et est condamné par défaut à verser au plaignant "une somme de douze livres, y compris les frais de chirurgien" ainsi qu'aux dépens. Cette affaire renseigne plus sur le caractère irascible du personnage que sur les conditions de travail proprement dites de la profession.

Participent de cette même catégorie "intellectuelle" un mathématicien et un écrivain, un artiste peintre. Le mathématicien Jean-Bernard Dencausse intervient deux fois à titre de témoin dans des affaires de tutelle. L'écrivain Joseph Guinon, qui demeure "rue Saint-Victor chez monsieur Leurdeux" se trouve impliqué, le 11 juin 1792[99], dans une affaire d'injures réciproques avec son voisin Jean-Baptiste Mercier, cordonnier ; les parties sont mises "hors de procès" par le juge de paix. Aucun des deux n'est donc comparant pour des problèmes liés à la profession qu'ils exercent.

1.9. - Le secteur de ceux qu'on peut désigner sous le vocable de "prolétaires" est dominé par la catégorie des gagne-deniers

Alfred Franklin divise en quatre classes les gagne-deniers[100]. Au nombre de 22 dans les minutes de la justice de paix dépouillées ici, leur spécialité n'est pas définie précisément dans les minutes de la justice, même si, apparemment, certains d'entre eux exercent en fait des métiers de débardeurs ou de porteurs, notamment sur les ports, en concurrence avec d'autres individus qualifiés comme tels.

Deux d'entre eux sont témoins dans des affaires familiales.

Dans dix affaires, ils sont cités devant le juge de paix comme locataires ou sous-locataires dans des chambres qu'ils doivent quitter, souvent avec leur femme et leurs enfants, faute de paiement des loyers dus aux propriétaires ou aux principaux locataires. Ici est visible l'extrême errance de ces travailleurs manuels qui ne peuvent que subvenir avec peine à leurs besoins les plus immédiats.

Enfin, dans neuf cas, ils participent, directement ou indirectement à des voies de fait ou de paroles à l'encontre de leurs contemporains. Par exemple, le 20 juillet 1792[101], "le sieur Jean-Baptiste Villeret, gagne-denier demeurant rue Saint-Victor dans la maison de monsieur Henry" est accusé par "le sieur Paul Champeaux, porteur d'eau demeurant rue Saint-Victor, au Bureau des brouettes" de l'avoir injurié et agressé physiquement, pour une raison non établie ; Villeret argue d'un "moment de vivacité" pour expliquer son acte : le juge lui fait "défense de récidiver" et le condamne aux dépens.

Figurent dans la même catégorie 13 journaliers, qu'Alfred Franklin définit seulement comme

"Ouvriers qui travaillent à la journée"[102].

Comme les gagne-deniers, ils ont essentiellement affaire à la justice pour des problèmes de loyers impayés ou pour des participations, individuelles ou collectives, à des agressions verbales ou physiques, à l'exception de deux d'entre eux qui sont appelés comme témoins dans des actes de justice gracieuse. Ici encore n'apparaît aucun élément susceptible de préciser la nature du travail effectué par ces ouvriers, sinon qu'ils sont sans qualification particulière et que leurs faibles ressources les met souvent à la merci d'expulsion de leur logement.

Plus précisés dans leur activité professionnelle apparaissent les 6 ouvriers sur les ports qui, à un moment ou à un autre, se trouvent confrontés à la justice de paix. Eux aussi sont cités pour des problèmes de location ou des voies de fait.

L'un d'entre eux intervient néanmoins à propos de l'exercice de son métier, qui consiste ici à effectuer la garde de nuit de bateaux. Le 30 mai 1791[103], "le sieur Doix, ouvrier sur les ports demeurant rue Saint-Victor" assigne devant le juge de paix "le sieur Garonne, garçon de chantier de monsieur Cagnon, marchand de bois, demeurant quai Saint-Bernard" et exige que son adversaire lui verse  "une somme de 24 livres, à savoir quinze livre pour avoir gardé et veillé les bateaux chargés de bois appartenant audit sieur Cagnon pour le compte et par ordre dudit sieur Garonne (…) dans le courant du présent mois, à raison de vingt sols par chaque nuit, plus celle de neuf livres pour le prix d'un chapeau dans lequel ledit sieur Garonne a fait ses ordures". Le marchand de bois et des témoins sont entendus lors de l'audience suivante et Garonne est condamné finalement à verser à Doix une somme de 12 livres (que son employeur "à titre de bienfaisance" paie à sa place) ainsi qu'aux dépens qui se montent alors à 8 livres. Derrière la cocasserie de l'affaire se profile la complexité des relations qui peuvent exister entre les employeurs et les ouvriers du port ainsi que le rôle que peuvent jouer des intermédiaires comme les garçons de chantier ou autres commis préposés au fonctionnement des entrepôts contigus aux ports.

Quant au balayeur, dont on ignore s'il est employé par l'administration municipale (ce qui est le plus vraisemblable) ou par des particuliers, il fait partie de la cohorte des petites gens qui sont obligés de quitter leur logement par manque de moyens financiers réguliers : il n'intervient qu'une seule fois à ce titre.

Au total, ces "prolétaires", moins souvent demandeurs (12 occurrences) que défendeurs (25 occurrences) et parfois témoins dans des affaires d'ordre familial, sont particulièrement victimes de la rareté et de la cherté des logements ; par ailleurs, ils se trouvent impliqués à plusieurs reprises dans des conflits de voisinage qui les amènent à user de voies de faits contre leurs contemporains ; enfin, quelques rares affaires font apparaître les relations socioprofessionnelles qu'ils entretiennent avec leurs employeurs.

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1.10. - Le secteur des diverses autres professions exercées par 20 habitants de la rue présente un grande variété

Par ordre d'importance quantitative décroissante sont recensés dans ce corpus 4 porteurs d'eau, 3 jardiniers, 3 domestiques, 2 maîtres de pension, 2 logeurs, 2 gendarmes, 1 facteur à la Petite Poste, 1 nourrisseur de bestiaux et 1 portier au Séminaire Saint-Firmin.

Aucun des porteurs d'eau n'est cité pour des faits concernant leur profession : un témoignage en justice gracieuse, deux rixes et une affaire de loyer impayé les amènent devant le juge de paix.

Deux des jardiniers sont cités pour des affaires en rapport avec leur métier. Le 28 mai 1791[104],"le sieur Didier Ferry, jardinier de l'abbaye Saint-Victor" se voit réclamer par sa logeuse, "la demoiselle Jeanne Joanny, veuve du sieur Joseph Dunot, maître bourrelier demeurant rue de vis-à-vis la ci-devant abbaye Saint-Victor, principale locataire de la maison attenante à celle où elle demeure et qui porte le n° 72 (…) une somme de cinquante livres pour deux termes de loyer échus plus celle de vingt-cinq livres pour terme à échoir à la Saint-Jean prochain" ; le débiteur s'engage à verser à la demanderesse, avec son accord, "cinquante livres sur le quartier de gages de cent livres que lui doit la municipalité de Paris, et ainsi pour les autres termes" : 1e personnage est donc employé de la municipalité pour l'entretien des biens nationalisés de la ci-devant abbaye et attend de son employeur le versement de ses "gages" qui se montent donc à la somme de 400 livres par an : ce travail de jardinier au service de la ville de Paris n'est donc pas très bien rémunéré et représente seulement le double de ce que doit payer l'ouvrier pour son seul logement. Il en sera de même, avec les mêmes personnages, le 2 avril 1792[105], Ferry s'engageant encore à régler sa dette dans les mêmes conditions. Dans une autre affaire, le 24 octobre 1791, "le sieur Menestrier, jardinier demeurant à Paris rue Saint-Victor, vis-à-vis l'église" réclame au "sieur Duval, maître chapelier, demeurant rue Saint-Victor, vis-à-vis le Cheval Blanc (…) une somme de dix-sept livres pour prix, salaires et fournitures de graines et fleurs, ouvrage et entretien du jardin sis rue des Boulangers, pendant l'espace de six mois" : la somme ainsi réclamée, correspondant à un travail et des fournitures pendant une demi-année n'est pas un pactole enviable et confirme les faibles revenus dont pouvaient disposer ces jardiniers, qu'ils soient les salariés de la collectivité publique ou les prestataires de services à des particuliers.

Une petite affaire de détournement de fonds met en scène, le 26 décembre 1791[106], le dénommé "Pierre Parent, domestique demeurant ci-devant chez le sieur Anselme, maître de pension demeurant enclos Saint-Victor, de la maison duquel il vient de sortir à l'instant" est accusé de devoir à "la demoiselle Geneviève Louise Henriette Fessard, femme du sieur Jean-Pierre Michel Tastin, marchand épicier demeurant rue Saint-Victor vis-à-vis la rue de Seine (…) une somme de douze livres pour marchandises qu'il a déclaré prendre pour le compte du sieur Anselme, mais que celui-ci lui a payées". L'indélicat serviteur est condamné à verser la somme due à la commerçante et à payer les dépens. Est-il possible de voir là un comportement habituel de ces domestiques parisiens étudiés précisément par Daniel Roche ? Il serait imprudent d'extrapoler à partir de ce seul exemple …

Le même sieur Louis Anselme, maître de pension, intervient à cinq reprises devant le juge de paix : il éprouve manifestement de grandes difficultés pour subvenir à ses besoins. Ici, c'est un de ses élèves dont les parents refusent de payer la pension ; là c'est la forme du paiement qu'il doit contester, les assignats dus ne correspondant pas, à ses yeux, à la valeur de ses prestations ; et il a du mal à obtenir de son tailleur la livraison d'un vêtement qu'il voulait payer par l'échange de vieux habits.

Ce sont, à l'évidence, des conflits liés à des locations qui expliquent la présence des deux logeurs dans le corpus : tous les deux réclament à leurs clients de quitter, pour l'un, la chambre qu'il lui a louée, et, pour l'autre une salle et une cave dans lesquelles ont été déposés des objets.

Si l'un des gendarmes cités n'intervient qu'à propos d'une location cédée à un de ses voisins, l'autre fait l'objet d'un procès verbal de décès établi par le juge de paix, à la demande de sa veuve, à la suite des événements de septembre 1792 à Paris. Le texte est assez intéressant pour que sa transcription soit présentée dans son intégralité en annexe de la présente étude. Il s'agit là d'une des victimes "collatérales" des "massacres" de septembre 1792, sans que soit connue la cause ni les circonstances exactes du décès de ce lieutenant de gendarmerie.

C'est pour avoir rompu un contrat d'apprentissage qui liait son enfant à un cordonnier que "le sieur Pierre Moreux, facteur à la Petite Poste demeurant rue Saint-Victor au coin de celle de Versailles" se présente devant le tribunal, le 13 juillet 1792[107]. L'affaire est d'ailleurs renvoyée "par devant les juges qui en doivent connaître", le juge de paix n'étant pas compétent pour ce type de conflit de travail.

La présence du "sieur Roche, nourrisseur de bestiaux demeurant rue Saint-Victor" est intéressante dans la mesure où elle fait apparaître l'une des formes du commerce du lait à Paris à la fin du 18ème siècle. En effet, Alfred Franklin[108] rappelle le rôle important que jouaient ces professionnels dans l'alimentation en viande de Paris :

"Nourrisseurs. L'avocat barbier dit qu'en 1745, on nourrissait dans Paris et ses faubourgs plus de quatre mille vaches. Les bestiaux qu'on y consommait venaient de l'Île-de-France, de la Brie, de la Beauce, du Perche, du Vexin, de Normandie, de Picardie, de Bretagne, de Poitou, de Berri, de la marche, du Limousin et quelque peu d'Auvergne (…)".

Mais il ne fait pas mention du lait que pouvaient produire ces vaches avant leur abattage en boucherie. Or le procès que le dénommé Roche intente le 10 octobre 1791[109] contre "le sieur Chapuis, frotteur à Paris y demeurant rue Saint-Victor au Buisson Ardent" porte entre autres sur "une somme de quarante trois livres, seize sols six deniers dus (…) pour fourniture de lait depuis le quinze septembre". Ces nourrisseurs font donc commerce de ce sous-produit des vaches qu'ils nourrissent dans la capitale, en concurrence, semble-t-il, avec les "laitières" décrites par Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris[110] :

"(…) Les laitières arrivent le matin, jettent leur cri accoutumé : La laitière, allons, vite! Aussitôt les petites filles à moitié habillées, en pantoufles, les cheveux épars, s'empressent de descendre de leur quatrième étage, et chacune de prendre pour deux ou trois liards de lait. Si les laitières manquaient d'arriver à l'heure, ce serait une famine dans les déjeuners féminins. A neuf heures, tout le lait aqueux est distribué (…).

Quant au "citoyen Briou, portier du Grand Séminaire Nicolas rue Victor", il comparaît, le 27 octobre 1794-6 brumaire an III, avec son épouse, parce que cette dernière a échangé des injures avec "la citoyenne Françoise Gabrielle Godusieur, femme Laveau" à propos d'une place, devant ledit séminaire que ces dames prétendent occuper pour vendre leurs marchandises respectives. Tel Salomon, le juge de paix leur intime l'ordre de ne pas récidiver, de ne pas "faires des malpropretés" sur la voie publique et les renvoie, dépens compensés entre elles. La profession du comparant n'a guère de relation avec l'objet du litige, si ce n'est que l'algarade se passe devant l'édifice dont Briou est le portier.

Au total, ces activités et professions diverses exercées par des habitants de la rue ne sont que très partiellement l'objet des interventions des plaideurs, même si certaines d'entre elles sont précisées sous la plume du greffier.

 

En conclusion, les minutes de la justice de paix donnent des indications sur les professions exercées par un certain nombre des riverains de cette rue populeuse et populaire. Mais, dans de nombreux cas, ceux-ci n'interviennent pas pour des raisons liées à ces professions et les conditions dans lesquelles elles sont pratiquées restent, pour l'essentiel, hors de la compétence et de l'intérêt du juge de paix.

Mais peut-être en est-il différemment en ce qui concerne les femmes de la rue qui exercent un métier ?

 

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2. - Des femmes de la rue Saint-Victor qui ont une profession

Dans le second tableau de cet article, sur les 302 femmes recensées dans la rue pour l'ensemble du corpus étudié, 49 sont qualifiées comme exerçant un métier, soit moins d'un sixième d'entre elles (16,23%). Malgré la difficulté rencontrée, comme pour les hommes, à définir une classification rigoureuse des métiers ainsi exercés, il est possible de regrouper en 6 catégories principales les professions de ces femmes :

 
Répartition des professions des femmes de la rue Saint-Victor
Travail et commerce des textiles et annexes 23
Alimentation 10
Santé et annexes 4
Prolétaires 6
Divers 6


2.1. - Le secteur des activités liées aux textiles est prédominant dans la rue Saint-Victor

Par commodité, seront distingués deux ensembles relatifs à ce secteur : celui du travail et de l'entretien du textile et celui du commerce auquel ce travail peut donner lieu.

La production et l'entretien des textiles sont représentés par de nombreux métiers parmi lesquels la première place est tenue par les blanchisseuses

Dans cette seule rue Saint-Victor, 7 blanchisseuses interviennent, dont l'une est qualifiée de "maîtresse blanchisseuse" ; à l'exception de l'une d'entre elles, qui est précisément en conflit avec cette "maîtresse", le greffier n'indique pas si elles sont artisanes indépendantes ou employées.

Parmi les 16 affaires qui les concernent, 7 ont trait à des loyers impayés suivis d'expulsions : ces femmes (et leur famille) ne peuvent souvent pas payer leur loyer. C'est notamment le cas de la la dame (puis veuve) Gogue, expulsée à trois reprises, en 1791, 1792 et 1794, des chambres qu'elle occupe chez différents propriétaires ou principaux locataires.

C'est à l'occasion de l'exercice de leur métier que ces femmes ont aussi affaire à la justice. D'une part, elles peuvent se voir réclamer du linge qui leur a été confié et qu'elles ont égaré ou retenu pour diverses raisons. Par exemple, le 31 janvier 1793[111], "la citoyenne Anne Georgin, femme du citoyen Doria, blanchisseuse demeurant rue Saint-Victor n° 56" est accusée d'avoir retenu "des hardes et linges à elle confiées par la citoyenne Geneviève Ragon, femme du citoyen Georgin, demeurant rue de la Huchette n° 53".

D'autre part, certaines de ces blanchisseuses doivent à leurs employées des salaires comme, le 9 mars 1792[112], lorsque "la demoiselle Madeleine Rougeot, fille majeure, blanchisseuse, demeurant rue Saint-Victor à la Maison Blanche, chez le sieur Lepage, logeur" réclame à "la demoiselle Louise Cousin, femme du sieur Etienne Blondeau, menuisier, et elle maîtresse blanchisseuse, même adresse (…) une somme de six livres dix sols pour restant de journées de travail et la remise d'une chemise et de six mouchoirs appartenant au frère de ladite Rougeot  [ainsi que] deux chemises, trois mouchoirs de col, six mouchoirs de poche, trois paires de bas de coton, deux bonnets ronds, une paire de poches et deux bonnets piqués appartenant à ladite demoiselle Rougeot et laissés chez ladite demoiselle Cousin" ; le juge oblige la défenderesse à payer 2 livres et 5 sols pour les salaires dus et à rendre "avant lundi prochain" les effets retenus par elle.

Enfin, ces blanchisseuses réclament à leurs clientes le prix du travail qu'elles ont effectué pour elles, comme le 3 août 1794-16 thermidor an II, lorsque "la citoyenne Marie-Anne Blondée, veuve Gobert, blanchisseuse demeurant rue Victor n° 53" réclame à "la citoyenne Claudine Bruant, femme du citoyen Paul Bernard, demeurant rue Victor (…) une somme de soixante dix-huit livres dix-neuf sols pour blanchissages en plusieurs fois, suivant le mémoire fourni, depuis le mois de décembre dernier jusqu'à la fin juillet" ; l'affaire est reprise lors de l'audience qui a lieu dix jours plus tard, avec les témoignages des ouvrières de la blanchisseuse.

Le cas d'une fille de journée travaillant pour l'une de ces blanchisseuses mérite une mention particulière dans la mesure où leurs relations professionnelles sont évoquées. Le 13 août 1795-26 thermidor an III, "sont comparus la citoyenne Charlotte, veuve de Jean-Louis, blanchisseuse rue Victor numéro cent seize, demanderesse d'une part et la citoyenne Jeanne Placet, femme Voileau menuisier, d'autre part. Lesquelles nous ont exposé se présenter volontairement et sans citation relativement à un drap donné à blanchir par la demanderesse à la défenderesse (…) la demanderesse nous a exposé que la citoyenne Voileau était sa fille de journée ; qu'elle lui blanchissait gratuitement son linge avec celui de ses pratiques ; que la citoyenne Voileau elle-même le blanchissait et y veillait ; et que, malgré les soins de l'une et de l'autre, elle avait été volée d'une partie du linge de ses pratiques et le drap de la citoyenne Voileau s'était trouvé aussi volé. Nous juge de paix, de l'avis de nos assesseurs, après avoir opiné à haute voix, attendu que le drap dont il s'agit ne s'est trouvé entre les mains de la défenderesse que pour le blanchir gratuitement et pour rendre service à la demanderesse et qu'il s'est trouvé enlevé sans qu'il soit de la faute de la défenderesse (…)". Cette fille de journée est donc elle-même à la fois une employée de maison et une auxiliaire de la profession exercée par sa maîtresse qui la rétribue sans doute en partie en blanchissant "gratuitement" son linge.

Ainsi, les minutes de la justice de paix donnent quelques indications sur la profession exercée par ces blanchisseuses demeurant rue Saint-Victor, notamment en ce qui concerne leurs relations avec leurs clientes ou avec leurs salariées.

Deux couturières sont présentes dans le corpus. L'une d'entre elles est sous-locataire et doit quitter sa chambre "au troisième étage, rue Saint-Victor, vis-à-vis celle du Paon" et payer les loyers dus au principal locataire de la maison. Le 25 mai 1794-29 floréal an II[113], "la citoyenne Marguerite Favet, couturière demeurant rue Victor n° 133" réclame au père de son apprentie, "le citoyen Pierre Notot, jardinier demeurant rue des Boulangers n° 32 (…) une somme de cent livres pour l'inexécution des conditions portées dans l'acte d'apprentissage de sa fille". L'apprentie en question a quitté sa maîtresse et est partie "six mois avant la fin de l'apprentissage (…) pour les mauvais traitements qu'elle avait subis" ; le juge fixe à 72 livres le montant de l'indemnité due pour cette rupture du contrat d'apprentissage sauf si le père décide de "renvoyer sa fille chez la citoyenne Favet". Le coût de l'apprentissage d'une jeune couturière est donc évalué à 12 livres par an à Paris.

Les autres femmes dont la profession est liée au travail ou à l'entretien du textile, 2 ouvrières en linge, 1 brodeuse, 1 ouvrière en couverture, 1 ouvrière en linge, 1 cardeuse en matelas et 1 faiseuse de mules du Palais, comparaissent en justice de paix pour des causes qui n'ont pas de rapport immédiat avec l'exercice de leur profession : dettes ou prêts d'argent et expulsions locatives forment le lot commun de ces travailleuses.

Le commerce lié aux professions du textile fait apparaître le rôle important que pouvaient jouer les revendeuses dans l'économie générale

Dans la rue Saint-Victor, 3 revendeuses sont recensées. Leur réputation commune, si l'on en croit  Louis-Sébastien Mercier[114], est sujette à caution. Celles dont il s'agit dans les minutes ne semblent pas être parvenues au haut de l'échelle sociale : elles sont toutes les trois débitrices envers les propriétaires des chambres qu'elles occupent et sont obligées de quitter leur domicile en payant les arriérés de loyer.

Une marchande d'habits a perdu un vêtement vendu à une cliente et doit le rembourser. Une marchande fripière a emprunté de l'argent qu'elle doit rembourser. Enfin, une marchande mercière, "la citoyenne veuve Billet (…) demeurant rue Saint-Victor" est chargée d'établir un mémoire concernant des achats faits pour le compte d'un marchand épicier de la rue ; elle doit se faire aider par ses deux filles de boutique, dont l'une est sa propre nièce : les contestations sur les transactions commerciales sont ici partiellement évoquées, le juge de paix n'ayant pas compétence sur ce type d'affaires.

Les minutes de la justice de paix donnent donc quelques aperçus sur les pratiques et les problèmes de ces professionnelles du textile, l'essentiel de leur présence devant le juge concernant cependant plus leurs affaires personnelles que celles qui ont trait à l'exercice de leur métier.


2.2. - Le secteur de l'alimentation est représenté dans la rue par 12 femmes

Devant le juge de paix, 3 fruitières habitant la rue Saint-Victor comparaissent. Si l'une d'entre elle n'apparaît, comme défenderesse, que pour une dette de loyer, les deux autres interviennent, en tant que demanderesses, dans des affaires liées à leur profession. Le 16 avril 1792[115], "la dame Labbée, marchande fruitière demeurant rue Saint-Victor" réclame, avec trois autres personnes, à "la dame Victoire Drolpeau, ci-devant cuisinière du sieur Bergerac l'ainé, député à l'Assemblée nationale législative demeurant rue Saint-Victor (…) une somme de quarante-cinq livres dix sols pour fournitures et marchandises" ; le texte indique que le député a bien versé à sa cuisinière la totalité de la somme due aux fournisseurs, mais que celle-ci en a retenu la partie mise en cause. Le 15 mai 1795-26 floréal an III, "la citoyenne Françoise Beaudelaud, femme Guyard, marchande demeurant ordinairement à Fontainebleau et de présent à Paris logée rue Victor chez Poncet" se présente avec "la citoyenne Marie Bourdonnais, femme Prudhomme, fruitière demeurant rue Victor" à propos d'une livraison d'œufs dont le nombre fait l'objet d'une contestation : la première prétend en avoir livré 1800 alors que la seconde déclare "avoir compté les œufs, de sept heures à neuf heures du soir et n'en avoir trouvé que 1750" : la fruitière est condamnée à payer la totalité affirmée sous serment par la demanderesse. Créance impayée par un client, contestation entre un fournisseur et une marchande, ce sont là des aspects de la banalité commerciale.

Des problèmes de loyer impayé et d'expulsion conséquente expliquent la présence de 2 limonadières devant le juge de paix. Mais ce sont des affaires commerciales qui mettent en scène les 2 marchandes de vin présentes ici. Le 8 septembre 1792[116], la première, "la demoiselle Marie-Jeanne Mangenot, femme du sieur Huline, marchande de vin sur les ports demeurant rue Saint-Victor chez monsieur Moreau", réclame, à "Augustin Cercueil journalier sur les ports, demeurant rue d'Arras n° 5 (…)  une somme de quinze livres huit sols pour diverses consommations" ; la somme est ramenée à 7 livres 8sols que Cercueil devra payer "à raison de vingt sols par semaine à compter de ce jour". La seconde est défenderesse, le 14 décembre 1791, en bureau de conciliation, contre "le sieur Chretiennot, maître boulanger demeurant rue Saint-Victor" qui accuse "le sieur Leblond, et son épouse marchands de vin, demeurant rue Saint-Victor en face de celle du Bon-Puits" de lui devoir "une somme de trois cent cinquante-deux livres un sol et six denier pour prix du pain vendu et livré depuis le dix juin mille sept cent quatre-vingt neuf ". L'affaire se termine par une non conciliation, les époux Leblond contestant une partie de leur dette. Ce qui est notable dans cette affaire, c'est l'importante durée de la dette ainsi accumulée par ces marchands de vin, puisqu'elle avoisine les trois ans et demi.

Enfin apparaissent dans ce secteur de l'alimentation une boulangère qui avait retenu une montre "en nantissement du prix du pain acheté" par une cliente, une cuisinière (déjà évoquée précédemment à propos des fruitières) ainsi qu'une marchande épicière, associée à la dame Labbée dans la même affaire. Dans ces trois cas, la profession des intervenantes est liée aux affaires qui les concernent devant le juge de paix.

2.3. - Le secteur de la santé concerne, dans ce corpus de la rue Saint-Victor, quatre femmes

2 sages femmes interviennent pour attester, en justice gracieuse, de l'identité d'enfants qu'elles ont aidés à mettre au monde. Par exemple, le 10 mars 1794-20 ventôse an II[117], "la citoyenne Marie-Anne Renault, veuve de Michel Domard, sage femme demeurant rue Saint-Victor n° 61 (…) nous a déclaré qu'elle a connaissance d'avoir accouché la citoyenne veuve Neveu, pour lors fille et nommée Anne Dupont, d'un enfant mâle dont la naissance a été constatée le six mars mille sept cent soixante et quatorze sous le nom de Jean Antoine enfant de parents inconnus, que le parrain a été le citoyen Jean Antoine Quantinet la marraine la citoyenne Marie-Rose Gandillon ; qu'elle sait également que la citoyenne Anne Dupont, actuellement veuve Neveu, a allaité, nourri et élevé ledit enfant et que ledit enfant a été constamment appelé et connu sous le nom de Jean-Antoine (…).

C'est aussi dans l'exercice de son activité professionnelle qu'une garde d'enfant, "la citoyenne veuve Myot, demeurant rue Saint-Victor, au Buisson Ardent" intervient le 27 octobre 1790[118] contre "le citoyen Métreau, maître tonnelier demeurant rue des Fossés-Saint-Victor n° 44 (..) pour une somme de neuf livres seize sols, savoir huit livres pour avoir nourri, gardé et couché l'enfant du sieur Métreau à compter du 24 septembre dernier jusqu'au 12 octobre présent mois, plus celle d'une livre pour une purgation prise par ledit enfant et un carreau cassé par lui". Ce texte fait bien apparaître les conditions et les aléas de ces gardes d'enfant nécessitées notamment par l'absence de la mère (souvent morte en couches).

Quant à la garde malade recensée dans la rue, elle n'est citée que parce qu'elle n'a pas payé ses derniers loyers et qu'elle est expulsée de sa chambre.

2.4. - Le secteur des "prolétaires" est constitué, comme pour les hommes, de trois catégories de travailleuses

D'une part, deux des trois gagne-denières[119] sont, par défaut, condamnées à quitter leur chambre et à payer les arriérés de loyer dus aux propriétaires. Le cas de la troisième est intéressant dans la mesure où il témoigne assez précisément des relations établies entre une fille mineure et ses employeurs. En effet, le 7 juin 1793[120], comparaît "la citoyenne Marie Pinon, fille majeure gagne denier, assistée de Marie Naudin sa mère, veuve de Barthélemy Pinon, demeurant à Paris, rue Saint-Victor chez le citoyen Moreau, boulanger" ; elle réclame "au citoyen et à la citoyenne Bourassin, marchands cordier, demeurant à Paris rue Saint-Victor (…) une somme de quarante cinq livres (…) pour six mois de gages à raison de cinq sols par jour et en outre relativement à un déshabillé qu'on lui a promis". Les défendeurs déclarent à l'audience "n'avoir point pris chez eux la demanderesse à gage, mais seulement sous les conditions de lui payer trois sols par chaque commission qu'elle ferait, somme qu'ils lui ont payée et qu'en outre ils lui ont donné à titre d'humanité, sans y être engagés, deux casaquins, un jupon et un bonnet rond et ils demandent à être déchargés de la demande contre eux formée et ne lui devoir rien directement ni indirectement". Le juge donne raison aux défendeurs. Cette gagne-denière n'est donc pas, malgré ses dires, considérée juridiquement comme une employée "à gage" mais seulement comme une travailleuse occasionnelle qui est payée "à la commission" ; elle se différencie par là-même des domestiques gagés ou des travailleurs salariés à la journée ou au mois.

D'autre part, 2 journalières sont présentes dans le corpus. La première assiste, en tant que voisine et témoin, à l'inventaire des biens d'un homme récemment décédé. La seconde fait partie de la cohorte des petites gens obligés de quitter leur logement, faute de paiement des loyers.

Enfin, une ouvrière, dont la spécialité n'est pas indiquée sur la minute, est, comme la journalière précédente, obligée de quitter son logement.

Au total, la présence de ces femmes "prolétaires" dans les audiences du juge de paix souligne seulement la précarité de leur statut social et la dépendance extrême où elles se trouvent, notamment au niveau de leur hébergement.

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2.5. - Le dernier secteur est formé de divers petits métiers occupés par six habitantes de la rue

Une polisseuse en lettres assiste, comme témoin, à la mise sous tutelle d'une mineure dont le père vient de décéder. 

Le 20 janvier 1794[121], "la citoyenne Bourguignon, voiturière demeurant rue Saint-Victor" est présente lors de l'inventaire effectué par le juge de paix des effets laissés dans une chambre par le lieutenant de gendarmerie décédé lors des événements de septembre 1792 et dont il a été fait mention dans l'annexe jointe ; elle en achète immédiatement une partie avec l'un de ses voisins, présent lui aussi.

Une salpêtrière, "la dame veuve Canoger" est impliquée dans une affaire, déjà évoquée, d'accident de la voie publique entre son charretier et un autre transporteur de la rue (voir note 67).

De même, a été précédemment présenté le cas de "la dame Ménard" et de son mari, tous deux organistes, qui sont accusés d'avoir injurié deux de leurs voisins (voir note 95).

Une enlumineuse, "la citoyenne Myot" est mise hors de cause, avec son mari lui-même marbrier, dans une affaire de frais d'apprentissage indépendante de son métier.

Enfin, le 30 décembre 1791[122], "la demoiselle Marie Madeleine Thomelet, veuve du sieur Pierre Courtois, maître perruquier à Paris, y demeurant rue Saint-Victor au Cheval Blanc" intente un procès contre "le sieur Larcher, aubergiste à Paris y demeurant rue Saint-Victor au Cheval Blanc" afin que ce dernier "soit tenu de lui fournir une boutique et un logement propre à la profession de perruquier qu'elle exerce attendu l'impossibilité où il l'a mise, par les réparations et la reconstruction qu'il fait faire, de se servir des lieux qu'elle tient de  lui à loyer, sinon et faute de ce faire à e qu'elle soit autorisée par le même jugement à se procurer lesdits boutique et logement aux frais et dépens dudit sieur Larcher, à ce que ledit sieur Larcher soit en outre condamné à lui payer la somme de douze cents livres pour frais de dommages intérêts pour  les torts à elle occasionnés par lesdites démolition et reconstruction, faites non à cause de la vétusté des bâtiments, mais bien pour la commodité de l'auberge du sieur Larcher". Ce texte, qui n'est qu'un extrait des attendus de la sentence, est reproduit ici en raison de l'intérêt qu'il présente pour l'évocation de la vie d'une femme artisan de ce moment de l'histoire : elle poursuit le métier de son défunt mari, sans que soit précisé d'ailleurs si elle-même l'exerçait avant son veuvage ; elle se trouve en conflit avec un aubergiste qui se trouve être le propriétaire de son logement et de sa boutique ; elle n'hésite pas à réclamer des dommages et intérêts pour le tort causé par ce dernier en raison de travaux immobiliers dont elle conteste même l'opportunité et le bien fondé : son statut de veuve lui donne droit à ester en justice, ce qu'elle ne manque pas de faire lorsque des éléments fondamentaux de sa vie (son logement et le lieu d'exercice de son métier) sont en cause.

Au total, ces femmes qualifiées professionnellement, dont il faut rappeler qu'elles ne représentent que moins d'un sixième de la population féminine recensée dans le corpus de la rue Saint-Victor, sont en général loin de connaître une sécurité de vie assurée. Que ce soit pour leur logement ou pour l'exercice de leur métier, elles sont souvent défenderesses et subissent les mêmes peines que celles des hommes les moins socialement favorisés. Elles sont souvent appelées à témoigner dans des affaires de justice gracieuse, notamment lorsqu'il s'agit de mises en tutelle ou d'émancipations de mineurs.   

 

3. - Être rentier rue Saint-Victor à la fin du 18ème siècle

La presque totalité des personnes pour lesquelles une autre qualification est retenue est composée de rentiers. Ils sont cités, dans les minutes, comme "bourgeois" ou, à partir de 1792, "citoyen de Paris". Ainsi la "dame veuve Boudier, demeurant rue Saint-Victor, numéro 131" est qualifiée comme "bourgeoise" le 20 mai 1791[123] et comme "citoyenne de Paris" le 13 février 1792[124]. De même, le "sieur Joachim Hallay, demeurant rue Saint-Victor, numéro 69", intervenant à 25 reprises, soit comme propriétaire demandeur, soit comme témoin, est cité comme "bourgeois de Paris" jusqu'au 20 avril 1792[125] et comme "citoyen de Paris" à partir du 14 mai de la même année [126]. Ces rentiers, au nombre de 14 (12 hommes et 2 femmes) interviennent dans l'immense majorité des cas en tant que demandeurs au civil  ou comme témoins en justice gracieuse.

Des témoins en justice gracieuse

Intervenant en tant que témoins, essentiellement dans des affaires familiales, 10 hommes habitant dans cette rue Saint-Victor se présentent devant le juge de paix. Il s'agit de Charles Anfray (demeurant au n° 46), Jean-Pierre Bontemps (n° 83), Joseph Errard (dans la cour de la ci-devant abbaye Saint-Victor), Louis-François Flotte (adresse non précisée par un n° ou un lieudit), Claude-Guillaume Guillon (adresse non précisée), Joachim Hallay (n° 69), Jean-François Petit (n° 39), Guillaume Protais (n° 69), Jean Renault (n° 51), et Joseph Tirlet (n° 6).

Deux d'entre eux figurent dans la liste des membres du Comité de bienfaisance de la section en l'an III[127] : Jean-Pierre Bontemps et Jean-François Petit.

Aucun de ces rentiers ne témoigne en tant que membre de la famille ou comme parrain des individus pour lesquels l'acte est dressé : ils ne sont présents que comme "amis" sans que soit précisé par le greffier quel lien particulier les unit à ces individus. Les gens pour lesquels ils témoignent sont presque tous issus de la bourgeoisie commerçante ou de la bourgeoisie rentière, comme eux : on reste dans le même monde quand on vient témoigner pour une famille. Ils sont parfois choisis comme tuteurs par le conseil de famille réuni sous l'égide du juge de paix, ce qui témoigne encore des liens sociaux qui unissent les membres de cette catégorie sociale.

Des propriétaires exigeants

Dans un article reproduit sur le présent site[128], le problème récurrent dans toute l'activité du juge de paix parisien de la location immobilière et des expulsions auxquelles elle donne souvent lieu a été étudié.

Dans la rue Saint-Victor, les deux femmes et deux des hommes appartenant à cette bourgeoisie rentière interviennent comme demandeurs en tant que propriétaires des maisons dont ils louent tout ou partie à des locataires. À titre d'exemples, deux personnages seront présentés  dans cette situation : la "dame Marie-Charlotte de la Groue" et "le sieur Joachim Hallay".

La dame de la Groue possède une maison où elle habite elle-même au numéro 30 "au coin de celle des Fossés Saint-Bernard". Elle est, par ailleurs, chargée de "la gestion et administration d'une maison sise rue Mouffetard, près les Hospitalières, appartenant aux demoiselles Oudry"[129]. Par exemple, le 14 octobre 1791, elle demande et obtient l'expulsion de "la maison dont elle est en partie propriétaire" du "sieur Jean-Baptiste Chaussat" qui lui doit "vingt-cinq livres six deniers pour termes échus, plus vingt-cinq livres pour terme à échoir à Noël prochain".

Entre le 7 mars 1791 et le 11 janvier 1793, Joachim Hallay intervient à treize reprises pour faire expulser de la maison dont il est propriétaire et qu'il habite au numéro 69 des locataires qui n'ont pas payé leurs loyers. Dans le même article signalé plus haut se trouvent un certain nombre de remarques concernant ce propriétaire, tant pour les conditions dans lesquelles il gère sa propriété que par rapport à la situation souvent précaire de la plupart de ses locataires.

 

Au total, ces rentiers représentent une catégorie socioéconomique évidemment aisée et dont la situation ne paraît pas souffrir particulièrement des aléas de la politique suivie au cours de cette première période révolutionnaire. Essentiellement demandeurs ou témoins en justice de paix, ils défendent avec succès leurs prérogatives sociales, en particuliers lorsqu'il s'agit de faire respecter leurs droits de propriétaires.

 

En conclusion, cette étude de la rue Saint-Victor passée au trébuchet de la justice de paix peut apporter un éclairage assez vivant à la vie d'un quartier populeux et populaire de Paris à la fin du 18èmes siècle.

Le petit peuple s'y trouve particulièrement dense dans les logements, souvent loués de façon précaire aux différents étages des maisons.

Les professions rencontrées sont extrêmement nombreuses et diverses, les boutiques des rez-de-chaussée étant souvent le lieu d'échanges de marchandises et … de disputes lorsqu'il s'agit des lieux de convivialité que sont les auberges et les débits des marchands de vin. Ces professions sont d'ailleurs géographiquement très mêlées et mélangées, peu de lieux n'apparaissant comme spécifique à l'une ou l'autre d'entre elles. Et les rapports sociaux en leur sein se retrouvent parfois mis en lumière, chez le juge de paix, qui pourtant n'a aucune compétence en matière de litiges professionnels, mais qui reçoit, indirectement les échos des conflits salariaux qui peuvent s'y rencontrer.

La rue elle-même est très animée tant pas l'imbrication des commerces qui s'y trouvent que par les passages ininterrompus des habitants dont les rapports ne brillent pas toujours par l'aménité la plus pacifique. Et certaines professions, comme celle des voituriers et de leurs charretiers, sont cause d'accidents dont certains trouvent écho devant le juge de paix.

 

 

 

 

Annexe - Archives de Paris. D12U1-7 Avis de parents – 1794

 

Ce jourd'hui decadi dix pluviôse de l'an deux de la République française une et indivisible, par devant nous Jean-Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans-culottes, assisté du citoyen Gilbert Imbert notre secrétaire greffier en notre demeure, rue des Fossés-Saint-Bernard n° 37, sont comparus les parents, alliés et amis de défunt Christophe François Coquard, lieutenant de gendarmerie, lesdits parents, alliés et amis ci-après qualifiés et domiciliés ainsi qu'il suit :

- la citoyenne Angélique Charlotte Chauvin, épouse et actuellement veuve dudit Christophe François Coquard, demeurant rue Saint-Victor, numéro soixante dix-neuf ;

- le citoyen Louis Georges Coquard, marchand de vin demeurant Cour du Palais de Justice, cousin germain dudit Christophe François Coquard ;

- le citoyen René Belenfant, limonadier rue Saint-Victor n° 79, ami dudit Coquard ;

- le citoyen Edmé René Jean-Baptiste Voisin, couvreur en bâtiment, demeurant rue et enclos Saint-Victor, ami ;

- le citoyen Edmé Pelée, négociant, demeurant rue Saint-Victor n° 79, ami dudit Coquard ;

- le citoyen Charles François Lenfant, traiteur demeurant rue Saint-Victor numéro 79, ami dudit Coquard ;

- le citoyen François Joseph Pasquier, demeurant rue de Bercy, cousin germain ;

- le citoyen Antoine Pasquel, limonadier demeurant rue Saint-Victor, ami du défunt citoyen Coquard.

Et de suite nous a été exposé par la citoyenne Angélique Charlotte Chauvin, épouse dudit citoyen Coquard et actuellement sa veuve, que ledit défunt son mari étant péri dans le cours des événements qui se sont passés pendant les journées des deux, trois et quatre septembre mille sept cent quatre-vingt douze, et sa mort n'ayant pu être constatée alors en la manière accoutumée, il n'existe sur les registres des décès de la commune de Paris aucune mention, aucun acte de son décès ; que cependant il est important pour elle et pour sa famille de faire consigner sur les registres le décès dudit Coquard, qu'en conséquence, sachant que son mari est péri sur l'arrondissement de la section des Quatre Nations, elle s'est fait délivrer un extrait du procès-verbal d'inventaire fait par le commissaire de la section dite alors des Quatre Nations des effets provenant des personnes mortes dans lesdits jours sur l'arrondissement de ladite section ; que, d'après cet extrait où sont contenus des effets reconnus lui appartenir, il n'y a plus eu de doute sur son décès ; qu'à l'appui de cet extrait il a été fait un acte de notoriété devant Gilbert de Lisle qui en a gardé minute et son confrère, notaires à Paris, le treize octobre dernier (vieux style), dûment enregistré par Gaumé le même jour ; que, pour constater de plus en plus le décès dudit Coquard son mari et mettre les officiers publics chargés d'inscrire les décès dans le cas de faire moins de difficulté, elle a cru devoir assembler par devant nous les parents, alliés et amis dudit défunt son mari, à l'effet de par nous recevoir leurs déclarations et leur avis sur la certitude du décès dudit Coquard et la nécessité de faire inscrire ledit décès sur les registres publics consacrés à cet usage ; et a ladite citoyenne veuve Coquard signé en cet endroit de notre minute.

1 signature : A. C. Chauvin

 

Et lesdits parents, alliés et amis dudit Christophe François Coquard ayant à l'instant prêté serment de dire vérité sur les faits qui constatent le décès dudit Coquard et de donner, dans leur âme et conscience, leur avis sur la nécessité de faire inscrire ledit décès sur les registres publics destinés à cet effet, ils nous ont déclaré qu'ils avaient tous parfaitement connu le citoyen Christophe François Coquard, lieutenant de la gendarmerie nationale ; qu'ils savent qu'il avait épousé la citoyenne Angélique Charlotte Chauvin aujourd'hui sa veuve ; qu'ils ont connaissance qu'étant sorti de chez lui le premier septembre mille sept cent quatre-vingt douze, il n'y est point rentré et n'est point reparu depuis ce moment ; qu'ayant fait toutes les informations et les recherches possibles, on a retrouvé au comité civil de la section des Quatre nations, parmi les effets provenant des personnes mortes dans les journées des deux, trois et quatre septembre mille sept cent quatre-vingt douze, différents effets qu'avait ledit Coquard lors de sa sortie de chez lui, et notamment le portrait de la citoyenne son épouse, un portefeuille où étaient différents papiers qui, suivant l'extrait, annonçaient que ledit citoyen Coquard en était propriétaire et différents autres effets ; qu'ils ont su qu'il était péri le deux septembre de ladite année mille sept cent quatre-vingt douze, et que notamment il a été déclaré au citoyen Louis Georges Coquard par le citoyen Didier que plusieurs personnes, et entre autres des gendarmes de sa compagnie avaient rapporté qu'il avait été tué sous leurs yeux ledit jour deux septembre ; que, d'après ces faits et la connaissance personnelle qu'ils en ont, ils sont unanimement d'avis que le décès dudit citoyen Christophe François Coquard, de son vivant lieutenant de la gendarmerie nationale à Paris y demeurant rue Saint-Victor numéro soixante dix neuf, et époux de ladite citoyenne Angélique Charlotte Chauvin actuellement sa veuve, soit inscrit sur le registre des décès des citoyens de la commune de Paris à la date du deux septembre mille sept cent quatre-vingt douze par l'officier public préposé à cet effet.

Desquels comparutions, dires, déclarations, prestations de serment et avis nous avons donné acte aux susnommés. Et, pour faire inscrire le décès dudit citoyen Christophe François Coquard sur les registres des décès des citoyens de la commune de Paris, renvoyons les parties à se pourvoir par devant qui et de la manière qu'il appartiendra. Et de tout ce que dessus nous avons dressé le présent procès-verbal en présence des susnommés qui, après qu'il leur a été lu, l'ont signé avec nous et le citoyen Imbert notre secrétaire greffier lesdits jour et an.

11 signatures : A.C. Chauvin – L.G. Coquard – R. Belenfant – E.R.J.B. Voisin – A. Fasquel – E. Pelée – Lenfant – Pasquier – Pasquel – Imbert – Lessore.

 

 




Notes

[1] Section des "Sans-culottes" entre 1792 et 1794.
[2] Archives de Paris (A.P.), série D12U1-1 et sqq.
[3] Document établi à partir de l'Atlas de la censive de l'Archevêché de Paris en 1786 (A.P. usuels).
[4] Burstin Haïm, Une Révolution à l'œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Éd. Champ Vallon, 2005, p. 19.
[5] Depuis les travaux d'Haussmann et les modifications intervenues à la fin du 19ème siècle, la rue Saint-Victor est réduite à  un court tronçon entre la rue Monge et la rue des Écoles.
[7] On entend par "qualification" toute indication de profession ou de statut social indiqué par le greffier.
[8] Roche Daniel, Le peuple de Paris, Paris, 1998, p. 41 à 45.
[9] Franklin Alfred, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés à Paris depuis le XIIIe siècle, Paris, réédition, 2004, p. 307.
[10] Ibid., p. 208.
[11] A.P. série D12U1-8, n° 1168.
[12] A.P. série D12U1-9, n° 1562, 1605, 1606, 1607, 1608 et 1609..
[13] C'est le 2 octobre 1792 qu'apparaît pour la dernière fois le terme de "sieur" devant le nom du comparant en justice : il s'agit du "sieur Osmont, limonadier demeurant rue Saint-Victor". Dès le 6 du même mois, ce titre disparaît pour faire place à celui de "citoyen", comme pour "le citoyen Pierre Morin, épicier, demeurant rue Saint-Victor".
[14] Voir, au sujet de ces problèmes de loyers, l'article publié sur ce site par Claude Coquard "Locataires, loyers et logements à Paris".
[15] A.P. série D12U1-8, n° 563 et 578. Il intervient comme témoin dans une affaire qui oppose le "sieur Jean-François Briard, parfumeur" au "sieur Antoine Beauché, cordonnier", tous deux demeurant dans la même rue, le second ayant payé les soins prodigués par le premier avec "un faux billet de vingt-cinq livres de la Caisse patriotique".
[16] A.P. série D12U1-9, n° 1330.
[17] A.P. série D12U1-9, n° 1692.
[18] A.P. série D12U1-8, n° 471 et 479.
[19] A.P. série D12U1-8, n° 862.
[20] Kaplan Steven L., Le meilleur pain du monde. Les boulangers de Paris au 18ème siècle, Paris, 1996, p. 392-447.
[21] A.P. série D12U1-11, Actes divers, n° 34.
[22] Franklin Alfred, op. cit., p. 434 :
[23] "- Vins de muscats, vins de Saint-Laurens et de la Cioutat : vin de muscat de Provence et vin de la Ciotat.
   - Vins de la Malvoisie : on appelait ainsi le vin fait à Candie, mais c'est en France qu'était le plus souvent fabriqué le Malvoisie qu'on y consommait.
   - Rossoly : rossolis.
   - Eaux de gelées : eaux glacées de cerises, de fraises, etc.".
[24] A.P. série D12U1-9, n° 1650 et 1656.
[25] A.P. série D12U1-9, n° 1635.
[26] A.P. série D12U1-9, n° 1619 et 1622.
[27] A.P. série D12U1-9, n° 1370.
[28] Lachiver Marcel, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, 1997, p. 714 :
"(…) dans le monde rural, se dit de ce qu'on ajoute au prix convenu, en payant sa marchandise ou un ouvrage (…) En Bourgogne, quand on vend du vin, on demande des épingles".
[29] A.P. série D12U1-8, n° 864.
[30] A.P. série D12U1-8, n° 1090 et 1096.
[31] A.P. série D12U1-8, n° 231.
[32] A.P. série D12U1-8, n° 1188.
[33] A.P. série D12U1-8, n° 1144.
[34] Lachiver Marcel, op. cit., p. 1533 :
"(…) Terme de menuiserie. Barre de fer ou de bois, longue à volonté, recourbée en crochet, un peu aplatie par un des bouts, et qui sert à tenir serrées les pièces de bois qu'on a collées et celles qu'on veut cheviller. On a prétendu que ce mot était une corruption de serre-joint : cela paraît une pure hypothèse, serre-joint ne se trouvant que rarement et sergent (le serviteur) étant tout à fait dans les habitudes du langage figuré des ouvriers (;;;)".
[35] Franklin Alfred, op. cit., p. 348 :
"Un frotteur, écrit l'abbé Jaubert, est "celui dont le métier est de mettre en couleur les parquets ou les carreaux des appartemens, de les cirer et de les entretenir luisans, en ôtant la poussière ou les taches avec une forte brosse, qui est attachée au coudepied avec une large courroie de cuir".
[36] A.P. série D12U1-8, n° 442.
[37] A.P. série D12U1-8, n° 1061.
[38] A.P. série D12U1-8, n° 182.
[39] Ducoudray Émile, Monnier Raymonde et Roche Daniel, Atlas de la Révolution française, Tome 11, Paris, Éditions EHESS, Paris, 2000, p. 40.
[40] A.P. série D12U1-8, n° 541.
[41] Franklin Alfred, op. cit., p. 564-566.
[42] A.P. série D12U1-11, Actes divers, n° 45.
[43] A.P. série D12U1-8, n° 101.
[44] A.P. série D12U1-9, n° 1808 et 1823.
[45] Franklin Alfred, op. cit., p. 549 :
"Ouvriers qui recouvraient de peaux de diverses couleurs les talons mis aux chaussures élégantes (…). À la fin du règne de Louis XV, on porta aussi des fourreaux d'épées de couleurs variées. Ceux-ci étaient encore l'œuvre des passe-talonniers".
[46] A.P. série D12U1-8, n° 563 et 578.
[47] Le terme est absent des Dictionnaires des professions consultés. On trouve, dans le Dictionnaire La Châtre, Paris, 1852, Tome II, p. 268 :
"Empeignement, s.m. Technol. Disposition des fils dans la chaîne".
[48] Ducoudray Émile, Monnier Raymonde et Roche Daniel, op. cit., p. 41.
[49] Franklin Alfred, op. cit., p. 530-231.
[50] A.P. série D12U1-9, n° 1528.
[51] A.P. série D12U1-9, n° 1944.
[52] Franklin Alfred, op. cit., p. 555 :
"(…) Ils recevaient les peaux des mains des chamoiseurs et des mégissiers, le soumettaient à diverses préparations, les teignaient et les parfumaient. Ils avaient en outre le droit de vendre et débiter toutes sortes de caleçons, camisoles, chaussons et collets de peau".
[53] A.P. série D12U1-9, n° 2134.
[54] Franklin Alfred, op. cit., p. 645-647.
[55] A.P. série D12U1-9, n° 1490.
[56] A.P. série D12U1-9, n° 2224 et 2275.
[57] Franklin Alfred, op. cit., p. 735 :
"Voie : Ancienne mesure de capacité qui, en principe, équivalait à la quantité de marchandise que pouvait transporter une charrette en un seul voyage. La voie s'appliquait surtout au bois à brûler (membrure représentant environ 2 stères), au charbon de terre (90 boisseaux), au plâtre (24 boisseaux) et aux pierres de taille (15 pieds cubes)".
[58] A.P. série D12U1-11, Actes divers, n° 74.
[59] Franklin Alfred, op. cit., p. 374 :
"Les maîtres de plusieurs corporations, les épiciers et les merciers entre autres, prenaient ce titre pour affirmer leur droit de faire le commerce en gros".
[60] A.P. série D12U1-8, n° 212.
[61] A.P. série D12U1-8, n° 238.
[62] A.P. série D12U1-7, n° 139.
[63] A.P. série D12U1-9, n° 1353, 1373, 1384 et 1385.
[64] A.P. série D12U1-8, n° 81.
[65] A.P. série D12U1-8, n° 430.
[66] A.P. série D12U1-8, n° 863.
[67] A.P. série D12U1-8, n° 905.
[68] A.P. série D12U1-8, n° 1080 bis.
[69] A.P. série D12U1-8, n° 1084.
[70] Mercier Louis-Sébastien, Tableau de Paris, Paris, 1994, T. I-V, p. 1012-1013.
[71] A.P. série D12U1-9, n° 1546.
[72] A.P. série D12U1-8, n° 317.
[73] A.P. série D12U1-8, n° 632.
[74] A.P. série D12U1-8, n° 825.
[75] A.P. série D12U1-9, n° 1850.
[76] A.P. série D12U1-8, n° 141.
[77] A.P. série D12U1-8, n° 1145.
[78] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 60.
[79] A.P. série D12U1-8, n° 210.
[80] Franklin Alfred, op. cit., p. 340 :
"(…) Les fourbisseurs se bornaient à fourbir, monter, garnir, et au besoin dorer, ciseler et damasquiner les armes blanches. Ils avaient aussi le privilège de dorer, argenter, ciseler, graver et damasquiner leurs produits".
[81] A.P. série D12U1-9, n° 2208 et 2212.
[82] Burstin Haïm, Une Révolution à l'œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Editions Champ Vallon, Seyssel, 2005, p. 322 (notes).
[83] A.P. série D12U1-8, n° 3.
[84] Ducoudray Émile, Monnier Raymonde et Roche Daniel, op. cit., p. 41. Voir le tableau des Salaires nominaux d'ouvrières et d'ouvriers, 1790-1794.
[85] A.P. série D12U1-8, n° 67.
[86] Franklin Alfred, op. cit., p. 630. :
"Les salpêtriers, dits aussi salpêtreurs, selpestriers et poudriers, pouvaient seuls amasser et lessiver le salpêtre. Ils le portaient ensuite à l'Arsenal, où il était raffiné (…). Les charretiers employés par les salpêtriers pour le transport se nommaient gravâtiers".
[87] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 14.
[88] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 98.
[89] Burstin Haïm, op. cit., p. 151 :
"Dans la section du Jardin-des-Plantes, se comptaient des membres de la loge maçonnique des Neuf Sœurs, devenue sous la Révolution Société Nationale des Neuf Sœurs dont le siège était situé justement quai des Miramionnes, dans l'Hôtel de Clermont-Tonnerre".
[90] A.P. série D12U1-8, n° 77 bis.
[91] Burstin Haïm, op. cit., p. 151 :
"Le scrutin, ouvert début novembre [1790], s'acheva le 27 janvier 1791 par la prestation de serment des nouveaux juges qui allaient exercer pendant deux ans".
[92] Il s'agit en l'occurrence du Tribunal correctionnel du cinquième arrondissement de Paris dont la compétence s'exerce notamment sur l'ensemble de la section du Jardin-des-Plantes.
[93] A.P. série D12U1-8, n° 410.
[94] A.P. série D12U1-8, n° 122.
[95] Le dernier acte faisant apparaître sa présence aux côtés du juge Mortier est daté du 6 juillet 1792 (A.P. série D12U1-8, n° 1166). Le juge qui entre en fonction, dès le 1er septembre (A.P. série D12U1-8, n° 1167), Jean-Louis Lessore (ancien secrétaire greffier du juge Mortier), gère d'abord seul les affaires, "en sa demeure, rue des Fossés Saint-Bernard, numéro 38", puis, à partir du 18 octobre (A.P. série D12U1-8, n° 1188), préside le tribunal avec deux assesseurs, les citoyens Testard et Rosier, "en l'une des salles de Saint-Firmin".
[96] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 42.
[97] A.P. série D12U1-7, Avis de parents n° 324.
[98] A.P. série D12U1-8, n° 180.
[99] A.P. série D12U1-8, n° 1080.
[100] Franklin Alfred, op. cit., p. 352 :
"1° Les gagne-deniers proprement dits (commissionnaires, crocheteurs, forts, hommes de peine, portefaix)
2° Les gagne-deniers sur l'eau (débardeurs, garçons de la pelle, plumets, manieurs)
3° Les porteurs spéciaux à certains métiers (bois, charbon, chaux, draps, foin, grains, plâtre, sel)
4° Les gagne-deniers ou forts de la douane".
[101] A.P. série D12U1-8, n° 1134.
[102] Franklin Alfred, op. cit., p. 411.
[103] A.P. série D12U1-8, n° 200 et 213.
[104] A.P. série D12U1-8, n° 199.
[105] A.P. série D12U1-8, n° 831.
[106] A.P. série D12U1-8, n° 612 bis.
[107] A.P. série D12U1-8, n° 1124.
[108] Franklin Alfred, op. cit., p. 505-506.
[109] A.P. série D12U1-8, n° 442.
[110] Mercier Louis-Sébastien, op. cit., Tome II, Chapitre DCIII, p. 205.
[111] A.P. série D12U1-9, n° 1257.
[112] A.P. série D12U1-8, n° 804. Et échangent soit robes, jupons, déshabillés, dentelles, ajustements, etc.
[113] A.P. série D12U1-9, n° 1809.
[114] Mercier Louis-Sébastien, op. cit., Tome I, Chapitre CLXVI, p. 392 :
"Les revendeuses à la toilette entrent partout. Elles vous apportent les étoffes, les dentelles, les bijoux de ceux qui veulent avoir de l'argent comptant pour payer les dettes de jeu. Elles sont les confidentes des femmes les plus huppées, qui les consultent, et arrangent plusieurs affaires d'après leurs avis. Elles ont des secrets curieux, et les gardent d'ordinaire assez fidèlement (…). Il n'y a de ces femmes-là qu'à Paris. Elles font leur fortune en peu de temps, et elles ne la doivent pas en entier à la vente de leurs marchandises. Les physionomies les plus rebutantes sont quelquefois celles qui ont le plus de vogue. Or, devinez pourquoi."
[115] A.P. série D12U1-8, n° 862.
[116] A.P. série D12U1-8, n° 1168.
[117] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 203.
[118] A.P. série D12U1-8, n° 1199 et 1211.
[119] Le terme n'apparaît pas, au féminin, dans l'ouvrage de Franklin (voir note 101). Dans les minutes de la justice de paix, le greffier écrit indifféremment pour les femmes "gagne-denier" ou "gagne-denière".
[120] A.P. série D12U1-9, n° 1507.
[121] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 196.
[122] A.P. série D12U1-8, n° 618.
[123] A.P. série D12U1-8, n° 1098 et 1102.
[124] A.P. série D12U1-8, n° 703.
[125] A.P. série D12U1-8, n° 838.
[126] A.P. série D12U1-8, n° 959.
[127] Burstin Haïm, op. cit., p. 708 n.
[129] A.P. série D12U1-11, Actes divers n° 3.          




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