G.-J.B.
Target (1733-1807) |
Locataires, loyers et logements à Paris sous la Révolution L'exemple de la section du Jardin-des-Plantes (Ssans-culottes) 1791-1795
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Mots clés : Justice de paix - Paris - Révolution française - Section du Jardin-des-Plantes - Logements - Locataires |
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Dans le premier tome
de son Tableau de Paris publié à
Amsterdam en 1783, Louis-Sébastien Mercier évoque en trois pages la vie du faubourg
Saint-Marcel et brosse, en quelques lignes, la situation locative de ce
"quartier où habite la populace de Paris la plus pauvre, la plus remuante
et la plus indisciplinable" : "(…) Une
famille entière occupe une seule chambre, où l'on voit les quatre murailles, où
les grabats sont sans rideaux, où les ustensiles de cuisine roulent avec les
vases de nuit. Les meubles en totalité ne valent pas vingt écus ; et tous les
trois mois les habitants changent de trou, parce qu'on les chasse faute de
payement de loyer. Ils errent ainsi, et promènent leurs misérables meubles
d'asile en asile. On ne voit point de souliers dans ces demeures ; on n'entend
le long des escaliers que le bruit des sabots. Les enfants y sont nus et
couchent pêle-mêle (…)" [1]. Deux siècles plus tard, dans la préface qu'il
rédige pour la réédition de son ouvrage de référence sur Le
peuple de Paris, Daniel Roche insiste sur la précarité vécue par les gens
du peuple de l'immédiate avant-Révolution : " (…) Celle-ci apparaît également moins qu'on ne l'a dit dans le logement. On
sait qu'il existe une hiérarchie et que majoritairement le peuple en occupe la
base comme locataire de quelques pièces – une pièce unique pour les trois
quarts, sans doute ; les garnis n'intéressent certainement qu'une minorité
composée de nouveaux venus. Ce qu'on a résolu aussi, c'est l'incompréhension
des manières d'habiter que les observateurs identifiaient avec la sauvagerie
même des mœurs populaires. L'entassement est de règle, dans l'immeuble, dans
l'appartement, et le mélange des groupes sociaux comme le révèlent les archives
policières (…)" [2]. Et dans le dernier
chapitre de cette même préface, il ouvre des perspectives de recherche que le
présent travail a pour objet de commencer à ouvrir : "(…) Si
l'on compare le récit de la vie de Ménétra [3] avec les innombrables témoignages laissés
dans les archives policières par les acteurs de la "vie fragile" (on
pourrait en trouver de nombreux encore dans les archives judiciaires de la
période révolutionnaire), deux traits majeurs caractérisent les milieux
populaires : la conscience du prix de l'existence soumise aux aléas du marché
parisien du travail ; la capacité de réagir par une attitude économique et sociale spécifique (…)" [4]. C'est à partir de
l'étude des archives de la justice de paix d'une des sections de Paris, celle
du Jardin-des-Plantes (Sans-culottes entre 1792 et 1795) que sont abordés ici
les problèmes rencontrés par celles et ceux qui ne sont pas propriétaires et
qui résident, pendant la première partie de la Révolution, dans cette partie
sociologiquement modeste du faubourg Saint-Marcel. À Paris, les objets
de la justice pénale échappent aux prérogatives du juge de paix de section pour
être confiés au tribunal de police correctionnelle [5]. Les
problèmes concernant le logement des habitants sont, de même exclus de ses
attributions en matière justice gracieuse. C'est donc
dans les minutes de la justice contentieuse et du bureau de paix et de
conciliation que peuvent être recherchés les éléments concernant les problèmes
liés au logement. Dans l'ensemble des
conflits évoqués devant le juge de paix, ceux qui concernent les problèmes
locatifs sont de très loin les plus
fréquents : au nombre de 1049 (1019 en justice contentieuse et 30 devant le
bureau de paix et de conciliation), ils représentent 54,78 % de toutes les
affaires traitées en justice contentieuse [6]. Congés
donnés aux locataires et sous-locataires, loyers impayés, et réparations
locatives sont les causes les plus habituelles de ces conflits. L'exemple cité
dans l'annexe 1 de cette étude illustre assez bien les
aspects humains qui sont à la source de ces affaires [7]. Certaines interventions
sont le fait du même individu qui este à plusieurs reprises, notamment
lorsqu'il s'agit de propriétaires ou des principaux locataires demandeurs contre
leurs nombreux locataires ou sous-locataires. Au total, 1192 individus
différents (628 hommes et 564 femmes, dont 99 veuves) interviennent, comme
demandeurs ou comme défendeurs, dans des affaires liées aux problèmes de
logement. Les locations en
cours devant être remises légalement en cause au moins six semaines avant le
terme trimestriel, c'est dans près de 71 % des cas autour des 15 février, 15
mai, 15 août et 15 novembre que les procès sont instruits devant le juge de
paix. Le tableau suivant
présente les rythmes des procès concernant les congés reçus et/ou les loyers
dus par les occupants des logements loués au cours de la période considérée :
*Seuls les 3 premiers trimestres
de l'année 1795 sont pris en compte, l'étude étant interrompue au début de la
période du Directoire. Le nombre total des sous-locations qui génèrent des conflits
juridiques est ici supérieur à celui des locations. Le chiffre annuel croît
au cours des trois premières années du corpus, les deux
dernières années
présentant un net ralentissement de ces affaires. En
dépit des événements conduisant
à la chute de la royauté, l'année 1792 ne voit pas
diminuer, au contraire, les
procès en la matière, procès qui se poursuivront
à un rythme accéléré l'année
suivante. Ce n'est qu'à partir de l'année 1794 que les
actions en justice
civile diminuent sans que puisse être établi un lien entre
ce phénomène et les
événements qui conduisent à la fin de la
période conventionnelle et au début du
Directoire. Près des 2/3 des
causes évoquées à ce sujet [8] sont
appelées par une "citation-formulaire", ce qui peut s'expliquer par
leur abondance. Uniquement réservées à ce type de jugement, elles apparaissent
dès le mois d'août 1791 et seront utilisées pendant toute la période
considérée. L'exemple présenté dans l'annexe
2 [9]
reproduit un de ces textes, complété et modifié par le greffier en fonction de
chacun des conflits. Le même jour, le juge de paix et ses assesseurs prononcent
46 jugements par défaut pour des causes identiques de congé de location et de
paiement de loyers dus : seule cette affaire échappe à la règle, les défendeurs
étant exceptionnellement présents à l'audience. Un tableau permet de
visualiser la répartition des différents types de procédures présentes dans le
corpus de ces affaires :
Plusieurs thèmes
sont successivement abordés dans cette première étude : 1. – la définition
des protagonistes ; 2. – la description
des logements ; 3. – le montant des
loyers ; 4. - quelques
exemples de problèmes particuliers qui surviennent dans le système locatif tel
qu'il apparaît dans les minutes de la justice de paix. 1. - À la recherche des protagonistes …1.1. Les défendeurs se recrutent parmi les couches les plus pauvres de la population du quartierSur les 1049 affaires
recensées, seules 41 mettent en scène en tant que défendeurs des propriétaires
ou des locataires principaux. Dans 16 cas, il
s'agit d'autorisations de congé de location indûment refusées au locataire qui
veut partir du logement : le loueur n'a pas voulu laisser partir son locataire
et est condamné à accepter ce départ. Par exemple, le 15 août 1791 [10], "Jacques Carrouge, marchand de vin demeurant
rue du faubourg Saint-Victor, a refusé
d'accepter le congé verbal en présence de témoins présenté par son
locataire, François Delagrange, garde sur
les ports, à la Saint-Rémy prochaine", de la chambre qu'il occupe
encore. Présent avec le demandeur en comparution volontaire, il reconnaît les
faits et doit libérer son locataire, ce dernier s'engageant à payer les "douze livres dix sols qu'il doit pour le
loyer courant". Les dépens sont compensés entre les parties. De même,
le 16 février 1793 [11], "le citoyen Delorme, marchand ferrailleur et
principal locataire d'une maison sise rue Saint-Victor, n° 24", a
refusé de donner "congé pour Pâques
à sa sous-locataire, la citoyenne veuve Duplessis". Celle-ci obtient
gain de cause, le défendeur défaillant étant condamné aux dépens pour une somme
de 55 sols. Dans 10 cas, c'est
la rétention par le propriétaire ou le locataire principal d'effets appartenant
à l'ancien occupant des lieux qui en réclame la restitution. Ainsi, le 2
octobre 1793 [12],
"(…) sont comparus la citoyenne
Catherine Marguerite Saint Lot veuve Mauger, demeurante à Paris rue du Chantre
n° 53, demanderesse d'une part, et le citoyen Dorge, tenant hôtel garni,
demeurant rue Bordet n° 42, défendeur d'autre part. Lesquels nous ont déclaré
se présenter volontairement devant nous sans citation à l'effet d'avoir
jugement sur le différent étant entre eux relativement à différents effets
appartenant à la demanderesse que lui retient le défendeur pour nantissement
d'une somme de trente-deux livres six sols, somme que la demanderesse offre de
lui payer en lui rendant ses effets, lesdits effets consistant en ce qui suit :
premièrement une couchette, une petite commode de bois de noyer, quatre chaises
couvertes de paille, un fauteuil, un grand rideau à fleur de toile, huit
bouteilles étoilées, huit assiettes communes, un petit saladier, quatre verres
communs, deux pots à confiture, trois fourchettes de fer, trois cuillers
d'étain, un pot de faïence, une salière de bois, une marmite, un pot à eau de
terre et un vieux mauvais parasol (…)". Cet acte judiciaire témoigne
de la réalité du modeste mobilier purement utilitaire que pouvait posséder
cette veuve parisienne. Dans 7 cas, c'est
parce qu'ils n'ont pas effectué les travaux nécessaires que ces loueurs
d'habitation sont trainés en justice. Par exemple, les 22 et 24 août 1793 [13],
"(…) est comparu le citoyen Georges
Sbire, marchand potier de terre, tant en son nom personnel qu'en celui de Marie
Claudine Cantrel son épouse, principaux locataires par bail passé devant
notaire à Paris d'une maison sise à Paris rue Neuve-Saint-Médard, section des
Sans-Culottes, y demeurant, aux fins de l'exploit de citation (…) au citoyen Claude Durand, propriétaire de la
dite maison (…) demeurant à Paris rue
Mouffetard, défendeur, comparant par la citoyenne son épouse fondée de son
pouvoir sous seing privé. Tendant le dit exploit à ce que le défendeur soit
tenu de tenir clos et couverts les demandeurs dans sa dite maison rue
Neuve-Saint-Médard, d'y mettre ouvriers suffisants pour faire faire les
réparations qui y sont à faire, attendu que la dite maison menace ruine et en
péril éminent (…)". L'état de vétusté de certains logements dans ce
quartier est ainsi souligné comme sont patentes les réticences des
propriétaires à faire effectuer les travaux nécessaires pendant la période
révolutionnaire. Dans 4 cas, ce sont
les montants des loyers qui amènent les loueurs devant le juge de paix. Ainsi, les
20 et 27 juillet 1792 [14], "la dame veuve Moreau, citoyenne de Paris,
demeurant rue de la Clef, vis-à-vis Sainte-Pélagie, propriétaire de la maison
où elle demeure" est accusée par "le sieur Galichon, marchand de vin patenté demeurant rue Mouffetard n°
60 près celle de l'Arbalète" de refuser illégalement le paiement en
assignats "de trente-cinq livres,
terme d'une petite boutique et d'une chambre que le dit sieur Galichon tient à
loyer par bail passé devant notaire en ladite maison, rue de la Clef".
Après présentation par le demandeur du bail de location,
la propriétaire est
condamnée à accepter le paiement en assignats et est
condamnée aux dépens. Ici
est posée à l'évidence le problème de la
méfiance témoignée à l'égard du
papier
monnaie révolutionnaire à la veille de la chute de la
royauté. Se trouvent par
ailleurs évoqués dans ces jugements d'autres problèmes mettant en cause
les propriétaires ou les principaux
locataires, comme une caution retenue à la fin d'un bail de location, la
fermeture illégale d'une porte par le bailleur ou le refus de payer des gages
dus à une garde malade sous prétexte de non paiement d'un terme de loyer. L'immense majorité des affaires
de location mettent en cause les locataires et les sous- locataires qui doivent
quitter leur logement et, très souvent, payer des arriérés de loyer. Comme il a été
indiqué dans le tableau précédent, plus de 85 % de ces locataires ou
sous-locataires appelés à comparaître sont absents lors de l'audience. Leur
répartition selon leur situation conjugale est résumée dans le tableau qui suit
:
63 % de ces
défendeurs forment des couples. La part des femmes, si l'on cumule le nombre
des femmes mariées, des femmes seules et des veuves, est, à peu de chose près,
équivalente à celle des hommes (50,17 %). Les professions de ces
locataires et sous-locataires, telles qu'elles sont inscrites sur les minutes, sont très diverses. 99 métiers différents
sont notés par le greffier pour 269 individus ainsi qualifiés
professionnellement (soit environ 23 % de la totalité des intervenants
considérés). Le tableau qui suit
permet de visualiser la répartition par métiers de ces défendeurs :
La première catégorie (A) est composée des gagne-deniers (46 individus dont 8 femmes), des cordonniers (20), des menuisiers (16) et des blanchisseurs (10 dont 9 femmes). La seconde catégorie (B) comporte des revendeurs (8 dont 7 femmes), des imprimeurs (7), des journaliers (7 dont une femme) et des cardeurs de laine ou de matelas (6 dont une femme). Les 28 professions
de la troisième catégorie (C) sont, dans l'ordre quantitatif
décroissant, les suivantes : 5 charretiers et 5 savetiers ; 5 gaziers (dont une
"découpeuse de gaze"), 4 jardiniers, 4 marchands de vin, 4 ouvriers
sur les ports, 4 serruriers et 4 voituriers ; 3 couvreurs, 3 fileurs (dont une
fileuse de coton), 3 garçons de chantiers, 3 garde malades (ce sont des
femmes), 3 limonadiers (dont une femme), 3 marchands de peaux de lapins, 3
perruquiers et 3 soldats ; 2 colporteurs, 2 compagnons charpentiers, 2
compagnons maçons, 2 compagnons menuisiers, 2 couverturiers, 2 fondeurs, 2
gendarmes, 2 manouvriers, 2 marchands d'allumettes, 2 marchands de chevaux, 2
marchands d'habits, 2 marchands fruitiers, 2 potiers de terre et 2 tonneliers. Quant à la
quatrième catégorie (D), elle est représentée par 62 individus qui ne sont
appelés devant le juge de paix, à propos de leur logement, qu'une seule fois
chacun. Et leur diversité est extrême, allant d'un architecte à un tourneur sur
bois ou d'une coupeuse de paille à un porteur d'eau. À quelques
exceptions près, à l'instar du citoyen
Galland, architecte, demeurant 79 rue Saint-Victor qui doit quitter son
logement, ou du citoyen Edmond Cordier,
homme de lettres, qui doit faire effectuer des travaux dans l'appartement qu'il occupe au 106 quai des Miramiones,
il s'agit bien là de ce petit peuple du Paris industrieux et besogneux qui doit
quitter sans recours, par décision du propriétaire ou du locataire principal, le
médiocre logis, souvent réduit à une seule chambre, qu'il occupe avec sa
famille. Cette première étude confirme les résultats des travaux conduits par
R. Arnette à partir des inventaires notariaux [15] comme
elle prolonge les analyses conduites par Daniel Roche et résumées dans le
chapitre IV "Manières d'habiter" de son ouvrage Le peuple de Paris déjà cité. 1.2. Les demandeurs,
propriétaires ou principaux locataires, présentent un profil très différent. Daniel Roche précise
ainsi, à propos du terme de "locataire": "(…) la
situation désignée par le terme de locataire peut recouvrir deux statuts
différents. Pour le plus grand nombre, il s'agit d'une location directe : le
loyer est versé entre les mains du propriétaire de l'immeuble. Toutefois, il
existe, tant au début qu'à la fin du siècle, une proportion importante de
sous-locataires qui paient leurs termes aux principaux locataires ayant pris à
bail l'ensemble de la maison. Ceux-ci sont dans leur majorité des marchands et
des maîtres artisans, ce qui répond à une nécessité économique ancienne, la
location de la boutique ou de l'atelier du rez-de-chaussée étant souvent liée à
celle de l'immeuble entier " [16]. 121 individus
différents intentent à leurs locataires ou sous-locataires des procès pour
interruption de location et/ou paiement de loyers échus ou/et en cours. Parmi
eux, 21 femmes interviennent, 15 d'entre elles étant veuves. Ce sont avant tout
les propriétaires qui sont demandeurs dans ce genre d'affaires : seuls 9
locataires principaux interviennent, 112 propriétaires étant présents à ce
titre. Le nombre des
interventions est, pour chacun d'entre eux, très différent, comme l'indique
le tableau suivant :
Plus de 41 % d'entre
eux interviennent donc au moins à deux reprises contre leurs locataires ou sous-locataires.
La palme des
interventions de ces propriétaires et locataires principaux demandeurs revient
au "sieur" puis "citoyen Jean-Baptiste Ricquez, maître charron, demeurant rue des Fossés
St-Victor° 14", qui intente, entre le 15 juillet 1791 et le 13 août
1795-26 thermidor an III, 25 procès contre ses locataires pour signification de
congé et obligation de paiement des loyers dus. Parmi les huit locataires
qualifiés professionnellement qu'il traîne devant le juge de paix se trouvent
trois gagne-deniers, une journalière, un garçon de chantier, un maçon, la femme
d'un ouvrier travaillant au blé et un voiturier : il s'agit là de petites gens
dont les faibles revenus expliquent qu'ils ne puissent payer régulièrement
leurs loyers. La situation
professionnelle de ces demandeurs lorsqu'elle est indiquée (soit dans les
minutes concernant ces affaires, soit dans d'autres actes dépouillés dans les
liasses de la justice de paix) est la suivante :
La période ayant vu
la disparition des corporations d'Ancien Régime, le classement de ces
situations professionnelles reste sujet à caution. Par exemple, avant
l'application de la loi Le Chapelier, le "sieur Barriac, maître chirurgien, principal locataire d'une maison sise
rue des Fossés St-Bernard n° 36" [17] faisait
partie de la corporation des chirurgiens et aurait été classé parmi les
professions "corporées". Il en est de même pour un certain nombre de
"marchands" qui ne sont distingués ici que par leur activité purement
commerciale. À ces propriétaires
ou locataires principaux qualifiés par une profession, il faut ajouter les
demandeurs au sujet desquels le greffier n'a indiqué aucun indice de métier ou
d'autre état que celui de "bourgeois
de Paris" ou de "citoyen de
Paris". Il s'agit de 63 individus intervenant contre leurs locataires
ou leurs sous-locataires à l'occasion de 139 actions judiciaires devant le juge
de paix de la section. Le tableau qui suit en indique le détail :
Les femmes
représentent plus du quart de l'ensemble de ces demandeurs et les deux tiers
d'entre elles sont des veuves ; la plupart du temps, elles n'interviennent
qu'une seule fois : seule la "veuve
Bouillerot, propriétaire d'une maison
rue de Versailles n° 192", est demanderesse en tant que propriétaire à
6 reprises. Le "sieur" puis "citoyen Joachim Hallay, propriétaire de
l'immeuble sis rue St-Victor n° 69", intervient 13 fois contre ses
locataires aux fins de congé et de paiement des loyers dus. Il précède, dans le
nombre des interventions les personnes suivantes : Laisné (11 fois), Brissot
(9), Bedoin (7) , Dumarais (6) et la veuve Bouillerot déjà citée. Ce
personnage, jamais évoqué dans l'ouvrage d'Haïm Burstin, loue – et expulse
souvent de leurs occupants – de nombreuses parties de l'immeuble dans lequel il
réside lui-même : du rez-de-chaussée dont il expulse "Jean Lazare Salle, cordonnier", d'"une boutique et de ses dépendances", par voie de justice le 14
mai 1792 [18]
jusqu'au 5ème étage où il a loué pour un temps un cabinet au sieur
Émery, gagne denier, en 1791 [19], tous
les étages sont concernés par des locataires au nombre desquels se trouvent un
cardeur en chapellerie (à deux reprises), deux gagne-deniers, deux cordonniers,
une blanchisseuse et une revendeuse (à deux reprises), sans compter les quatre autres
locataires contre lesquels il intente des procès sans que le greffier note leur
qualification professionnelle, ce qui n'exclut pas qu'ils en aient une. Tous ces
propriétaires et locataires principaux ont des conflits de loyers ou/et
d'occupation de logement avec des petites gens souvent dénués de ressources. À
leur demande, le juge de paix autorisant les expulsions d'autant plus
systématiquement que, dans la majorité des cas les défendeurs font défaut et ne
peuvent – ou ne veulent – opposer quelque résistance que ce soit et doivent
quitter des logements dont les minutes révèlent la modicité de confort pour ne
pas dire la sordidité dans ce quartier emblématique du peuple parisien en cette
fin du 18ème siècle. 2. – De quels logements s'agit-il ?Il est très
difficile, sinon impossible, de connaître, et a fortiori d'apprécier la densité
d'occupation des logements présentés dans ces actes de la justice contentieuse
: jamais le greffier n'indique le nombre d'enfants composant la famille, même
si, comme dans le document recopié dans l'annexe
1, une allusion est faite à la présence de ceux-ci, le futur locataire
déclarant que lui-même, "sa femme et
ses enfants" attendent que le logement prévu soit libéré pour en
prendre possession. Seule l'identité du locataire, accompagnée éventuellement
de sa profession et de la mention "et
sa femme", permet de faire connaître l'existence juridique de
l'individu concerné. La plupart du temps,
le greffier indique l'emplacement du logement occupé par le défendeur dans
l'immeuble dont le demandeur est propriétaire ou principal locataire. Par
exemple, Jean-Baptiste Ricquez, maître charron et propriétaire d'une maison
sise au n° 14 de la rue des Fossés-Saint-Victor, intente, comme il a été dit plus haut, 25
procès contre des locataires impécunieux. Pour 19 d'entre eux, des précisions
sont apportées sur la nature et la situation géographique de chaque logement.
Deux des individus, compte tenu de leur profession, ont loué, en plus d'une
chambre, une "écurie et des
dépendances" : il s'agit d'un loueur de carrosses (expulsé en juillet
1791) et d'un voiturier avec sa femme (victimes d'un congé le 3 août 1795-16
thermidor an III). Tous les autres logent, seuls ou avec leur famille, dans une
chambre unique dont l'emplacement est précisé : "troisème étage au fond de la cour", "quatrième étage sur le derrière", "deuxième étage sur la gauche", "premier étage sous le passage", "premier étage sur le devant", etc. Daniel Roche
souligne la difficulté de décrire les "manières d'habiter" de ces
salariés pauvres logés, au gré de leur maigre fortune, dans les faubourgs
parisiens. Il insiste notamment sur l'indigence de "(…) l'inventaire
notarial (…) quant à la relation qui
s'établit quotidiennement dans le logement urbain entre l'étendue et ceux qui
la peuplent. L'acte est muet sur le rapport de l'habitat et de l'environnement,
sur les cheminements et les trajets quotidiens, il n'est pas très parlant quant
à la géométrie des pièces (leurs dimensions, leurs ouvertures), il n'évoque pas
la vétusté des logements, il ne met pas en cause les extensions de la vie
familiale hors de la maison, il ne renseigne pas sur l'escalier, la cour, la
rue. Bref, le plus bel acte du monde ne peut donner que ce qu'il a, mais dans
le domaine de l'habiter populaire, c'est beaucoup (…) ". [20] Dans les minutes de
la justice de paix ayant trait à la justice gracieuse, sont aussi archivés des
inventaires après décès établis in situ par le juge de paix, notamment en cas
d'absence de l'individu qui a quitté furtivement son logement ou/et de celle de
ses héritiers putatifs. Ces inventaires, en ce qui concerne les catégories les
moins aisées de la population, constituent souvent un complément intéressant aux
sources notariales déjà exploitées, dans la mesure où les personnes en cause
n'appartiennent pas aux couches de la population qui recourent habituellement
aux notaires. Ainsi, le 26
novembre 1791, le juge Mortier procède, à la demande de "la dame Halaine, propriétaire avec son mari
de la maison sise rue des Fossés-Saint-Bernard n° 33 et 34 où ils demeurent",
à l'inventaire des biens laissés par un dénommé "Honin soi disant marchand brocanteur" qui a disparu depuis
plusieurs mois en laissant la clef de "la
chambre qu'il occupait au troisième étage" pour un loyer "de quinze
livres par trimestre". Ces biens sont constitués des "objets étant en la chambre ainsi qu'il suit
: un bois de lit, une paillasse, un mauvais drap, un traversin de bourre, une
vieille tapisserie et une couverture de laine en mauvais état ; deux tabourets
couverts de paille ; deux fauteuils et une chaise couverts de paille ; une
table de bois sur laquelle s'est trouvé un petit pot à eau, une assiette, une
salière de faïence, une demi bouteille de verre ; et dans le tiroir, une montre
postiche de cuivre qui ne s'ouvre pas, quelques boutons d'habits, une vieille
culotte, un vieux morceau de tapisserie verte ; une portée de rideaux de
mauvais camelot vert rayé ; deux petits oreillers de poils de lapin ; un petit
martinet de fer blanc ; une boite à poudre ; un mauvais parapluie ; une canne ;
un petit poêlon de fer blanc ; huit pièces de mauvaise poteries en terre ; un
mauvais soufflet rapiéceté ; deux rouets à filer du coton ; un dévidoir ; deux
planches ; un petit miroir de toilette cassé ; une petite vierge en plâtre ;
une espèce de réchaud de fer blanc ; un trépied ; un mauvais fourneau et deux
paniers ; une petite cafetière de terre ; une pièce de boucle de cuivre ; une
espèce de corps de buffet dans lequel s'est trouvé une pièce de faïence et
verrerie, quatre couverts d'étain, une roue de fortune, quatre petites gravures
en vermillon représentant les quatre saisons, une carafe, une mauvaise poêle,
une petite poêle de terre cuite et une partie de tuyau, un bonnet de poils de
lièvre et différents fouillis ne méritant aucune description. Et n'ayant plus
rien à décrire, nous avons laissé tous les objets ci-dessus décrits à la garde
et possession de la dame Halaine (…)" [21]. L'exemple reproduit
intégralement dans l'annexe 3 [22] est aussi
significatif de ce que peut être l'univers d'un de ces logements. La veuve
Mathieu, transportée à l'Hôtel Dieu pour y être soignée d'une fièvre maligne, meurt au cours de son
hospitalisation en laissant deux enfants, dont l'un est soldat de la République
"aux frontières", ce qui
justifie l'intervention du juge de paix dans la chambre. L'inventaire établi
alors témoigne de l'extrême pauvreté de cette famille, le second enfant vivant
aussi, avec sa femme, dans cette "chambre
au premier étage ayant vue sur la cour" : les objets décrits sont tous
"mauvais" et/ou "vieux", tant en ce qui concerne le
couchage que les vêtements ou les ustensiles de cuisine dont le nombre est
réduit au minimum de survie. Les seules traces d'un revenu en espèces se
limitent à six sols qui appartiennent au fils militaire. La défunte, ou ses enfants,
devaient sans doute exercer le métier de cardeuse de matelas, un métier et des
cardes étant répertoriés dans le logis. Et tous les
inventaires dressés de même par le juge de paix au cours de cette période
révèlent le caractère fruste, sinon parfois sordide, de ces galetas du quartier
Saint-Victor à la fin du 18ème siècle.
3. – Des loyers à la mesure des logements … et parfois des locatairesIl est plus aisé de connaître le taux des loyers car, dans chaque minute de jugement contre des locataires qui doivent prendre congé, le montant des dettes pour loyers impayés est indiqué par le greffier. Lorsque celles-ci concernent plusieurs termes, la formule (reprise dans la version "jugement-formulaire") est scindée explicitement en deux parties : la première pour les "termes échus", la seconde pour le terme courant. C'est d'ailleurs ce dernier élément qui permet de connaître précisément le montant des termes trimestriels, les sommes des loyers échus pouvant porter sur plusieurs échéances ou sur le reliquat de la somme due au titre du trimestre immédiatement précédent. Au cours de l'année 1791, 174 procès en justice contentieuse portent sur des loyers impayés pour la location ou la sous-location d'une chambre [23] dont les propriétaires obtiennent, avec le congé du locataire, le remboursement. Le total des sommes dues pour les termes à échoir au moment de l'expulsion est de 2 286 livres, soit une moyenne de 13 livres 10 sols pour le loyer trimestriel ou 54 livres pour l'ensemble des 4 termes de l'année. Sur ces 17' cas, les locataires qui doivent payer directement leur loyer au propriétaire sont au nombre de 11. Seuls 16 d'entre eux n'ont aucun retard de paiement et doivent seulement, au moment de leur départ du logement, le terme en cours. Dans leur immense majorité, ces locataires expulsés sont donc débiteurs de plusieurs termes de loyers échus, le retard le plus important étant le fait, le 17 août 1791 [24], de "la dame veuve Bourelle, ouvrière", qui occupe une chambre dans une maison située "rue Mouffetard vis-à-vis la brasserie du Bon Pasteur" appartenant au "sieur François Nicolas Lescadieu, marchand de vin, demeurant rue de la Chaise, faubourg Saint-Germain" : elle doit à ce dernier une somme de 65 livres pour plus de 7 termes impayés, à raison d'un loyer annuel de 36 livres, soit près de deux ans de retard. La somme la plus faible réclamée, le 17 août 1791 [25], est de 5 livres 8 sols due, pour le terme en cours, par le sieur Broquet, gagne-denier, et sa femme au sieur Ricquez, propriétaire d'une maison rue des Fossés-Saint-Bernard n° 14, pour une chambre dont l'emplacement n'est pas indiquée. La plus importante, est due à la dame veuve Villaire, principale locataire d'une maison sise dans la même rue au n° 40, le même jour, et s'élève à 25 livres : le sieur Margotat, ciseleur, et sa femme y occupent, en sous-location une chambre au 1er étage. Le tableau qui suit résume les résultats de cette étude du loyer d'une seule chambre pour l'ensemble de la période considérée :
* Rappel : le recensement s'interrompt au 6ème jour complémentaire de l'an III Dans l'ensemble, le prix des loyers ne connaît pas de variations importantes, en dépit des poussées inflationnistes qui accompagnent les dépréciations successives de la monnaie-papier. L'augmentation de la moyenne relevée en 1794 ne semble pas significative, chaque situation locative faisant apparaître des écarts qui peuvent être dus à la qualité des logements en cause. Rappelant le phénomène de hausse des loyers parisiens reconnue au cours du 18ème siècle (entre 130 et 140 % selon les sources), Daniel Roche indique que "(…) Vers 1780, c'est plus de 160 livres qu'on doit donner pour deux chambres et au moins 80 pour une pièce unique. (…) L'important reste donc que le poids du logement a doublé en un siècle et que, pour un plus grand nombre de travailleurs, il devient insupportable et les condamne aux expédients : déménager à la cloche de bois, s'endetter ou sacrifier les maigres possessions des ménages. (…) Sous le règne de Louis XIV, [le loyer] représente 46 journées de travail, soit 18 % du salaire annuel d'un manouvrier calculé sur 250 jours ouvrables ; au temps de Louis XVI, c'est plus de 75 jours, c'est-à-dire 26 % de ce même revenu (…)" [26]. Les chiffres révélés dans le tableau ci-dessus sont un peu inférieurs à ceux que Daniel Roche retient, mais il faut tenir compte des loyers pratiqués dans un quartier habité par une population particulièrement pauvre. Marcel Reinhard établit, sur la base d'un document conservé dans les papiers du député Gilbert Desmolières et daté de 1790, une échelle globale des loyers de l'ensemble du potentiel immobilier parisien : 40 à 200 livres : 58 % - 200 à 600 livres : 27 % - 600 à 1 600 livres : 12 % - > 1 600 livres : 3 %. Il ajoute : "(…) Dans la masse principale des 40 à 200 livres, les loyers les plus faibles ne sont pas les plus nombreux, ils ne correspondent pas à des taudis. C'est que les catégories les plus faibles n'apparaissent pas, elles étaient occupées par des sous-locataires (…)" [27]. Ces chiffres sont précisés par Émile Ducoudray et Raymonde Monnier [28], dans un double graphique qui montre que les individus dont il s'agit dans les minutes de la justice de paix de la section du Jardin-des-Plantes se trouvent dans la partie la plus inférieure de la population (entre 40 et 60 livres de loyer par an). Il semble que la pression des loyers sur le niveau de vie des locataires et sous-locataires s'accentue à la fin de l'an III à l'exemple de l'action portée par le citoyen Castresse, demeurant rue Traversine, et propriétaire d'une maison sise rue des Boulangers. Le 13 août 1795-26 thermidor an III, il intente six procès contre des locataires qui paient régulièrement leurs loyers (trois couples, deux veuves et un homme célibataire) pour leur donner congé à l'automne prochain sauf s'ils acceptent de payer une augmentation conséquente desdits loyers :
Rien dans les attendus des jugements n'indique sur quelles bases ces "propositions" différenciées sont faites par le propriétaire : tient-il compte de la qualité du logement, de son emplacement dans l'immeuble, des ressources réelles des occupants ? Les locataires, présents à l'audience, acceptent tous cette importante augmentation de leur charge locative pour conserver la disposition d'une chambre dont le confort est sans doute à la limite du minimum exigible. Mais quel autre choix leur est laissé devant un propriétaire en l'occurrence tout puissant et représentatif de l'esprit de la toute nouvelle Constitution de l'an III ? Cette première étude conduite à partir des seules minutes de la justice de paix de cette section parisienne complète et confirme donc en partie les travaux établis à partir d'autres sources documentaires comme les archives notariales et les baux locatifs déjà consultés par d'autres auteurs. Il ne s'agit pas, en général, des mêmes individus, la population défenderesse devant le juge de paix étant le plus souvent composée des catégories les plus défavorisées. Les habitants de ce quartier populaire connaissent, pour les plus démunis d'entre eux, des conditions de logement particulièrement difficiles. Vivant souvent à plusieurs dans la même chambre, possesseurs d'un mobilier et de vêtements réduits au minimum, ils ont beaucoup de peine à régler leurs loyers et sont l'objet des actions en justice qu'intentent contre eux les propriétaires ou locataires principaux. 4. – Quelques problèmes particuliers liés au système locatif parisienAu gré des conflits qui ont pour scène la salle d'audience des deux juges de paix successifs de la section, ce ne sont pas seulement les questions liées au paiement du loyer ou/et aux congés de location qui se font jour. Bien d'autres aspects de la vie quotidienne sont présents sous la plume du greffier. Dans le cadre de cette étude, six d'entre eux sont évoqués à travers un exemple particulier : - un déménagement "à la cloche de bois" et ses conséquences ; - des excès de boisson et des troubles sur le voisinage ; - une location de local professionnel ; - des dégradations contestées ; - des travaux sur les fosses d'aisances ; - l'exception, devant le juge de paix, d'un bail de location. "Attendu la sortie clandestine du citoyen Piot, ci devant locataire d'une boutique et ses dépendances"Le 2 octobre 1793 [29], le citoyen Jacquet, demeurant à Paris rue Bordet, comparaît devant Jean-Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes à Paris, assisté des citoyens Félix et Thomas, [ses] assesseurs, en [sa] demeure, rue des Fossés Saint-Victor n° 38. Il avait loué au citoyen Piot, une boutique et de ses dépendances dépendant du collège de Boncour sis rue Bordet [30]. Il réclame que ledit défendeur soit condamné à payer au demandeur la somme de soixante douze livres de loyer pour deux termes échus (…) et que le demandeur soit autorisé par notre jugement, attendu la sortie clandestine du défendeur, à vendre les objets ci après détaillés sur la simple prisée qui en sera faite à l'amiable par la personne qu'il nous plaira commettre". Le texte se poursuit par l'énoncé des différents objets, de très faible valeur, laissés par le locataire à son départ. Au cours de la période considérée, plusieurs autres jugements sont prononcés à l'occasion de départs précipités et imprévus de locataires plus ou moins insolvables. "Ils ont vu et entendu très fréquemment le sieur Bournonville ici présent rentrer à toutes heures de la nuit dans sa chambre dans l'état d'ivresse …"Le "sieur Pierre Durand, citoyen de Paris et principal locataire de la maison où il demeure rue Traversine, paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet" comparaît le 17 juin 1792, à neuf heures du matin [31] devant Jacques René Mortier, juge de paix de la section du Jardin des Plantes, en compagnie du "sieur Jean-François Bournonville, compagnon menuisier à Paris, sous-locataire d'une chambre en la même maison, au sixième étage, moyennant trente-six livres par an". Le premier accuse le second, d'une part, d'"avoir causé des troubles continuels dans ladite maison dans les moments de l'ivresse à laquelle il est sujet et qu'il offre de prouver par les dépositions de cinq autres sous-locataires de la même maison ici présents" et, d'autre part, de "refuser d'exécuter le huit juillet prochain selon la promesse faite par lui verbalement avant le quinze mai dernier de cesser l'occupation de ladite chambre d'après le congé verbal à lui donné par ledit sieur Durand (…) et de payer à la même époque la somme de neuf livres pour le terme de loyer qui sera alors échu ensemble six sols pour balayage et de faire faire les réparations locatives". Comparaissent alors à titre de témoins "le sieur François Le Provost, garçon couvreur, âgé de vingt-huit ans, le sieur Philippe Boré, laveur de cendres, âgé de vingt-quatre ans, le sieur Bernard Gassendi, compagnon relieur de livres, âgé de vingt ans, le sieur Romain Huelle, garçon menuisier, âgé de quarante-huit ans, le sieur Étienne Grou, gagne-denier, âgé de quarante-sept ans, lesquels (…) ont déclaré que, depuis un, deux et trois ans qu'ils demeurent dans ladite maison, ils ont vu et entendu très fréquemment le sieur Bournonville ici présent rentrer à toutes heures de la nuit dans sa chambre dans l'état d'ivresse et, dans ces moments ainsi que dans les moments de la journée où il était dans le même état, insulter et outrager toutes les personnes qu'il rencontrait, et notamment ledit sieur Durand, les comparants et la femme de lui, sieur Bournonville, que plusieurs d'entre eux ont entendu différentes fois jeter des cris aigus ; qu'il est rentré dans le même état d'ivresse et a proféré les mêmes injures et outrages presque toutes les nuits depuis quinze jours et singulièrement la nuit de mercredi à jeudi dernier et les nuits suivantes jusques et y compris celle d'hier à aujourd'hui". Le juge, après avoir recueilli les aveux de Bournonville le condamne à partir du logement au huit juillet, de payer les loyers dus et de faire effectuer toutes les réparations locatives nécessaires ainsi qu'à verser les dépens qu'il fixe à cinquante-trois sols. Et il lui enjoint de "se comporter avec honnêteté avec le sieur Durand et ses sous-locataires tant jusqu'au moment de sa sortie que dans le temps qui suivra". Les accusations portées par le principal locataire et par les témoins qu'il fait citer, confirmées par le défenseur lui-même attestent de la réalité de ces troubles de voisinage qui peuvent exister alors dans cette promiscuité locative, y compris de la part d'individus qui ne sont ni des déclassés ni des chômeurs occasionnels : Bournonville est compagnon menuisier et peut payer son loyer sans problème apparent. Il est marié et vit avec sa femme qu'il maltraite d'ailleurs au gré de son intempérance chronique. Et il entend sans mot dire, sinon avec un complet acquiescement, les conseils de modération et d'honnêteté que lui prodigue ce juge de paix débonnaire. "Lui fournir une boutique et un logement propres à la profession de perruquier qu'elle exerce"Le 30 décembre 1791 [32], "la demoiselle Marie Madeleine Thomelet, veuve du sieur Pierre Courtois, maître perruquier à Paris y demeurant rue St-Victor au Cheval Blanc", intente un procès au "sieur Larcher, aubergiste à Paris y demeurant rue St-Victor au Cheval Blanc", pour que celui-ci lui fournisse immédiatement "une boutique et un logement propres à la profession de perruquier qu'elle exerce, attendu l'impossibilité où il l'a mise, par les réparations et la reconstruction qu'il fait faire, de se servir des lieux qu'elle tient de lui à loyer, sinon, et faute de ce faire, à ce qu'elle soit autorisée (…) à se procurer lesdits boutique et logement aux frais et dépens dudit sieur Larcher et à ce que ledit sieur Larcher soit en outre condamné à lui payer la somme de douze cent livres pour prix de dommages intérêts pour les torts à elle occasionnés par la démolition et reconstruction faite non à cause de la vétusté des bâtiments, mais bien pour la commodité de l'auberge du sieur Larcher". Le défendeur reconnaît les torts causés à la demanderesse et lui propose de la dédommager de la façon suivante : "1° de faire remise à ladite dame veuve Courtois de tous ses loyers actuels jusqu'à ce jour ; 2° de faire également remise de tous les loyers à échoir jusqu'au jour où les reconstructions dont il s'agit seront finies et où la boutique et les lieux loués par ladite veuve Courtois seront en état d'être habités ; 3° de faire en outre remise de six mois à compter du jour où les lieux seront en état d'être occupés ; 4° de remettre dans la jour à la dame veuve Courtois les six mois par elle payés d'avance, à la charge pour elle de les lui rendre le jour où sa location commencera de nouveau à courir ; 5° de continuer de lui louer lesdits lieux comme ci devant, sur le pied de deux cent quarante livres et de lui en passer bail ; 6° enfin de faire en sorte que ladite veuve Courtois ne soit pas pour plus de quinze jours sans pouvoir habiter sa boutique et exercer son état". Les parties se mettent d'accord sur ces bases et le juge prononce sa sentence dans le même sens, les dépens "liquidés à la somme de quatre livres" restant à la charge du défendeur. Dans ce jugement, plusieurs éléments méritent d'être soulignés. D'une part, la location d'un lieu de travail et du logement joint ne peut faire l'objet d'une expulsion brutale de la part du propriétaire, même s'il doit effectuer des travaux dans les lieux loués. D'autre part, au décès de son mari, la veuve conserve tous les droits afférents à la location. Enfin, les dédommagements peuvent être très importants et compenser apparemment dans les meilleures conditions les inconvénients causés au locataire. Nous sommes donc loin, dans ce cas, d'un contrat léonin qui lèserait celui-ci au seul bénéfice du propriétaire. Mais il faut ajouter qu'il s'agit ici d'une location établie sur la base d'une location contractée sous la forme d'un bail – dont les conditions ne sont d'ailleurs pas précisées –, ce qui est tout-à-fait exceptionnel dans l'ensemble du corpus étudié : dans leur très grande majorité, les locations et sous locations sont établies verbalement sans aucune forme de contrat écrit, que celui-ci soit passé devant notaire ou sous seing privé. "Le sieur Chabouillé, architecte, en notre présence et en celle des parties, a procédé à la visite des lieux et constaté les réparations locatives et l'estimation d'icelles ainsi qu'il suit …"Le 18 avril 1791 [33], le juge de paix fait procéder à l'estimation des dégradations commises par "la dame veuve Garonne, marchande de vin, locataire d'une maison sise Quai Saint-Bernard, au Chantier du Chardon Bleu", et constatées au moment de la fin de la location, à la demande du propriétaire, "le sieur Dubeau (ou Dubost), marchand de bois à brûler", demeurant au même endroit. "Le sieur Joseph Chabouillé [34], architecte juré-expert, domicilié rue Saint-Victor", habituellement chargé des expertises diligentées par le juge de paix, est commis à l'évaluation des réparations à effectuer. Leur évaluation se fait dans le cadre d'une visite du grenier au rez-de-chaussée, et aboutit à une estimation totale de 56 livres 4 sols, que le demandeur accepte de "réduire à la somme de vingt-quatre livres pour toute répétition, non compris les frais". L'inventaire des dégâts commis par la locataire s'établit ainsi : "- dans l'étage
du comble et dans la première pièce, il manque un petit châssis de croisée garni
de son carreau (1 livre 10 sols) ; - à la cheminée de la
seconde pièce, manque la plaque de fonte de dix-huit pouces sur dix-neuf (10
livres) ; - dans la même pièce à
un châssis, la solive à refaire, environ douze carreaux de terre cuite à
remettre, cinq carreaux d'âtre à la cheminée et le rétablissement des
dégradations de plâtre, tant à la porte qu'au pourtour de la plaque (2 livres 5
sols) ; - dans l'escalier en
descendant à l'étage, un carreau à remettre au petit châssis (8 sols) ; - au premier étage,
quatre carreaux au châssis (1 livre 12 sols) ; - l'âtre de la
cheminée de la seconde pièce à refaire au carreau d'âtre et un carreau à
remettre à un châssis (3 livres) ; - dans les dites
pièces, cinquante carreaux de terre cuite à poser en recherche (2 livres 10
sols) ; - à la baie d'un petit
cabinet, nous avons observé que la porte manquait ainsi que ses ferrures,
laquelle sur six pieds et demi de haut sur deux pieds et demi de large nous
estimons, y compris leurs serrures, ferrures et pentures et pose la somme de
vingt-quatre livres dix sols (24 livres 10 sols) ; - dans une salle au
rez-de-chaussée, au châssis un carreau à remettre, au guichet dudit châssis un
verrou à ressort de trois pieds de long à remettre et un autre à rattacher (3
livres neuf sols) ; - au manteau de la
cheminée, un trou de porte à reboucher, dans les pièces du rez-de-chaussée,
cent grands carreaux de terre cuite à reposer (5 livres 10 sols) ; - et pour dégradations et réparations de plâtre dans ledit rez-de-chaussée (1 livre 10 sols)". À propos de la porte de la baie du petit cabinet du premier étage, la locataire déclare avoir "observé, relativement à ladite porte, qu'elle n'est pas dans le cas de la représenter, attendu qu'elle l'a remise et déposée dans le chantier de Mr Dubeau et qu'elle est encore dans un magasin dudit chantier". À l'issue de la visite, le propriétaire "a observé qu'à l'égard de la porte, elle avait été déposée chez lui, mais qu'il ignorait ce qu'elle était devenue et qu'au surplus il renonce à rien répéter pour raison de ladite porte". Les relations qui existent entre ce propriétaire et cette locataire semblent empreintes de courtoisie et de calme : aucune contestation n'apparaît entre eux à l'occasion de cet inventaire, à l'exception du problème de la porte du petit cabinet, immédiatement réglé entre eux, le propriétaire réduisant en fait de l'estimation totale effectuée par l'expert la somme afférente à cette porte. Le document donne par ailleurs une intéressante indication sur ce que pouvait être un logement occupée par une marchande de vin dans la partie du quartier attenante au port Saint-Bernard et consacrée au commerce du vin et du bois : il s'agit d'une maison complète, comportant trois niveaux, eux-mêmes divisés en plusieurs pièces chauffées, comme l'indique la présence d'âtres de cheminées. "Attendu que les matières fécales qu'elles renferment filtrent au travers dudit mur …"L'entretien des fosses d'aisances installées dans les immeubles parisiens est un thème récurrent des hygiénistes comme des urbanistes de l'époque. Dans les minutes de la justice de paix, quelques conflits opposent, sur ce sujet, soit les propriétaires et leurs locataires (c'est le cas, le 6 décembre 1793-16 frimaire an II [35], entre "le citoyen Osmont limonadier et principal locataire d'une maison sise rue Saint-Victor n° 66", et la propriétaire, "la citoyenne Chamaron, qui demeure rue des Gravilliers, n° 24"), soit les propriétaires et les entrepreneurs de bâtiment ou les vidangeurs professionnels auxquels ils font appel (comme, par exemple, le 8 juin 1792 [36], lorsque "le sieur Lallemand, entrepreneur, paveur et vidangeur, demeurant rue Gracieuse, au coin de la rue Neuve-Saint-Médard", est condamné à terminer immédiatement les travaux de curage de la fosse d'aisances de la maison de "Pierre Nicolas Merle-Beaulieu, capitaine à la suite des troupes légères, demeurant rue Tiron, n° 1", travaux entrepris les 24 et 25 mai précédents et "laissés en l'état, avec trois pieds de matières au fond …"). Le 3 août 1794-16 thermidor an II [37], "la citoyenne Michel dite Charlet, demeurant rue du Petit Musc, et propriétaire d'une maison sise rue du Bon Puits n° 21", est accusée par "le citoyen Piboën, limonadier" de son état et "locataire de quatre berceaux de caves dépendant de la dite maison, de n'avoir pas fait rétablir les murs des fosses d'aisances qui sont en sa dite maison en très mauvais état attendu que les matières fécales qu'elles renferment filtrent au travers desdits murs dans lesdites caves, ce qui le met hors d'état de jouir desdites caves y ayant déjà fait du tort sur ses marchandises". Le juge, en l'absence de la défenderesse, donne acte au demandeur de sa plainte et condamne en ces termes la propriétaire défaillante : "(…) la défenderesse sera tenue, dans trois jours à compter de notre présent jugement, de rétablir les murs des fosses d'aisances de la maison dont elle est propriétaire, lesquels sont en très mauvais état ; sinon et faute par elle de ce faire dans ledit délai de trois jours à compter de la notification de notre présent jugement, autorisons [le demandeur] par le présent jugement, et sans qu'il en soit besoin d'autres, à sortir desdites caves les marchandises qui peuvent s'y trouver à lui appartenant, et la condamnons envers lui à tous les dommages intérêts résultant des torts que lui aura faits ledit déménagement et la non jouissance desdites caves, le tout à donner par état, et condamnons en outre la défenderesse aux dépens que nous avons liquidés à la somme de quatre livres (…)". Comme d'habitude lorsque le défendeur est défaillant, le juge de paix le condamne au maximum des demandes faites par la partie adverse. Ici, les caves polluées par les fuites de la fosse d'aisances mitoyenne représentent un local à caractère commercial et la sentence prononcée tient à l'évidence compte de ce caractère particulier. Au cours de la même audience, le même Piboën est mis en cause par un dénommé "Louis Bourassin, ouvrier demeurant dans la même rue", qui lui réclame le salaire dû "48 livres" pour le nettoyage de la même cave en raison du "salpêtre qui en couvrait les murs". Il est possible que ce soit à l'occasion de cette manœuvre que l'état défectueux du mur ait été dévoilé et ait entraîné le procès contre la propriétaire de la maison voisine. "Nous soussigné, Balledit, avoir pris à baille de Monsieur Nantivielle une boutique, une cour et un petit caveau …"C'est à titre tout-à-fait exceptionnel que figure, dans les minutes du juge de paix concernant les locations et sous-locations, une référence quelconque à un bail écrit passé entre le propriétaire ou le locataire principal du bien immobilier et le ou les locataires et sous-locataires occupant tout ou partie de l'immeuble. Sur l'ensemble des sentences et des procès-verbaux dépouillés pour la période considérée, seuls 12 actions portent sur les contrats de location avec bail [38]. La plupart du temps, il n'y a pas de bail formellement établi, l'expression la plus courante étant "sans bail". Le 3 février 1793, "le citoyen François Nantivelle, couvreur en bâtiement, propriétaire de la maison sise rue de Versailles n° 1" veut expulser "le citoyen André Baldit, bourrelier", de la boutique et des dépendances qu'il lui a louées par bail sous seing privé passé entre eux le 12 août 1790 et reproduit dans les annexe 4-a et 4-b [39]. Il lui propose de ne pas lui faire payer les deux derniers termes de loyers impayés à condition qu'il "vide les lieux pour le 1er avril et laisse le comptoir et l'alcôve attenant à la boutique". Le défendeur accepte la proposition et le juge prononce une sentence conforme aux vœux des parties. Dans ce document, aucune description n'est faite des locaux qui seront occupés par le bourrelier, hormis l'énumération des pièces et dépendances qui les constituent. Par contre, le montant du loyer est très explicitement indiqué, tant pour la somme annuellement due que pour chacun des termes dus. Et dans l'accord qui met fin à ce bail le juge note les mêmes sommes, ce qui confirme encore la stabilité des loyers pendant les premières années de la période révolutionnaire. En guise de conclusion problématique …Cette première étude rend compte de l'intérêt qui peut être trouvé dans les archives d'une justice de paix sur ces "manières d'habiter" du peuple parisien dont parle Daniel Roche dans l'ouvrage de référence qu'il a lui a consacré. En premier lieu, l'importance quantitative des conflits liés au logement et portés devant le juge de paix de ce quartier est significative de la situation particulière de l'habitat parisien : dans la section du Jardin-des-Plantes (Sans Culottes), ils représentent, comme il a été indiqué plus haut, près de 55 % des affaires traitées en justice contentieuse. À la campagne [40], ces conflits ne portent pas sur l'habitation elle-même, mais sur les rapports qui peuvent exister entre les bailleurs de fonds agricoles et les preneurs de ces fonds : les métayers et les fermiers n'ont l'usage d'un logement que parce qu'ils sont preneurs d'exploitations agricoles. Dans les petites villes, si ces problèmes d'habitat sont plus nombreux qu'à la campagne, ils sont beaucoup moins fréquents qu'à Paris. Par exemple, les études menées à Moulins montrent qu'ils n'occupent, pendant la même période, qu'un peu plus de 20 % des affaires jugées au contentieux. En second lieu, et sur un plan qualitatif, ces conflits mettent en lumière l'extrême précarité de vie des couches laborieuses parisiennes, y compris pour les individus qui ont "pignon sur rue" comme certains artisans ou commerçants. La qualité des logements, telle qu'elle peut apparaître dans ces documents et dans les inventaires après décès dressés par le juge de paix, est le plus souvent médiocre et à la limite de la misère, comme en témoignent les problèmes liés aux réparations et à la vétusté des constructions en cause. Ici encore, la comparaison avec les logements dans les petites villes ne plaide pas en faveur de la "ville-lumière". Enfin, il ne semble pas que les dépréciations monétaires subies par l'assignat aient eu une quelconque conséquence sur le prix nominal des loyers jusqu'en 1795. Dans l'ensemble des procès étudiés, un seul [41] porte sur le paiement en monnaie-papier des termes dus par les locataires ou les sous-locataires : le 20 juillet 1792, "la dame veuve Moreau, demeurant rue de la Clef vis-à-vis Sainte-Pélagie, et propriétaire d'une maison sise rue Mouffetard n° 6 près celle de l'Arbalète", refuse que "le sieur Galichon, marchand de vin patenté et locataire par bail devant notaire d'une boutique et d'une chambre dans ladite maison", lui paie en assignats les 35 livres du terme courant et le menace d'expulsion ; le juge de paix condamne la demanderesse à appliquer les termes du bail et à payer les dépens du procès qu'il fixe à 4 livres. Il serait intéressant de poursuivre l'étude dans les archives de la justice de paix au cours de la période directoriale, la dévaluation de l'assignat étant alors beaucoup plus importante.
Annexe 1 – Jugement du 8 avril 1791 Cejourdhui huit avril mil sept cent quatre vingt onze, cinq heures de
relevée, pardevant nous Jacques René Mortier juge de paix de la section du
jardin des plantes a Paris, assisté de Monsieur Dauplain notre assesseur, est
comparu le sieur Feneuille, charpentier, demeurant a Paris rüe d'Arras n° 11 en
une maison dont il est principal locataire. Lequel nous a declaré qu'il a donné
congé pour le terme du premier avril présent mois à la dame veuve Duval d'une
salle qu'elle occupe dans lad. maison n° 11, lequel congé donné par arrêt le
quatorze février der, lad. de ve Duval a
accepté ; qu'en conséquence de ce congé, il auroit fait faire cejourd'hui avant
midi, par Malgras, huissier commis pour le service de notre jurisdiction,
nomination de satisfaire audit congé et de sortir et vuider les lieux qu'elle
occupe, de faire place nette et de rendre lad. salle en bonne etat de
reparation locative, de remettre les clefs et justiffier de sa quittance de
capitation, comme aussi de payer la somme de vingt sept livres pour les loyers
dus et achevés le premier du present mois ; et que, sur son refus de satisfaire
a tout ce que dessus, elle auroit eté cité a comparoir pardevant nous en notre
demeure, rüe des Bernardins, a ce jour, cinq heures de relevée, pour voir dire
que par notre ordce a intervenir ledit sieur Feneuille seroit
autorisé a expulser lad. de ve Duval des lieux et mettre
dehors ses meubles et effets ; qu'a cet effet, lad. de ve
Duval seroit tenue de faire toute ouverture de porte necessaire sinon qu'elle
seroit faite par un serrurier en présence de deux voisins sur ce requis ; comme
aussi que, faute de payement des loyers meme de reparations locatives et de
representation de la quittance de capitation, les effets de lad. de
ve Duval seront saisis gagés et sequestrés pour ensuite etre vendus
en la manière accoutumée, le tout avec interests et depens. Et a signé
Feneüille Et au même instant est comparue la de ve Duval
laquelle a reconnu avoir recu et accepté le congé pour led. terme d'avril
present mois et qu'elle a laissé led. congé chez elle, mais que le sieur
Feneuille lui avoit fait esperer de la garder si elle payoit promptement les
trois termes qu'elle doit qu'elle offre de payer dans quinze jours et demande à
rester. Et a signé
Duvalle Et a eté repliqué par le sieur Feneuille qu'il etoit vrai qu'il avoit
promis a la ve Duval de casser le congé si elle payoit dans
quinzaine et que n'ayant pas payé, il a loué à la fin de fevrier au sieur
Debarre. Et a signé
Feneuille Est aussi comparu le sr Paul Desbarres, menuisier, demeurant
rüe des Fossés St Victor n° 24. Lequel a declaré que le sieur Feneuille lui
ayant loué pour le premier avril present mois, il demande a entrer dans les
lieux occupés par lad. ve Duval, attendu qu'il a déjà demenagé d'où
il etoit, que ses meubles sont transportés a la porte de sa nouvelle location
et qu'il faut qu'il loge, lui, sa femme et ses enfants, qui ont quitté leur
ancien dle pour habiter les nouveaux lieux. Et a signé
Desbares Desquelles comparutions, dires, declarations et requisitions avons
donné acte et, attendu la reconnaissance faite par lad. ve qu'elle a
recu et accepté le congé des lieux qu'elle occupe pour le premier avril present
mois, nous, de l'avis de notre assesseur, disons que lad. de ve
Duval sera tenue de sortir et vuider les lieux demain avant midi ; sinon disons
que le sr Feneuille sera autorisé a l'expulser de la manière qu'il
appartiendra et condamnons lad. ve Duval a payer les vingt sept
livres repetées par led. sr Feneuil ; et cependant disons, du
consentement du sr Feneuil qu'il sera sursis a l'execution de notre
present jugement en ce qui concerne le payement pendant six semaines et en
payant par lad ve Duval par tiers de quinzaine en quinzaine ; disons que faute
du premier ou autre subsequent payement, lad ve Duval sera contrainte pour tout
ou pource qui restera du ; et la condamnons aux depens que nos avons liquidés a
quatre livres, tant pour le coust de la citation que pour la delivrance de
notre present jugement et sa notification, y compris le papier. Ainsi prononcé en notre demeure, de l'avis de notre assesseur, lesdits
jour et an.
Mortier
Dauplain Annexe 2 – Exemple de jugement-formulaire (16 août
1793) "Cejourd'hui seize aoust
l'an mil sept centquatre vingt treize
2ème de la rep. faise pardevant Nous Jean
Baptiste Louis Lessore Juge de Paix de la Section Est comparu le
citoyen Léger demeurant rue de Seine
St Victor, Nos 1364, 1365, 1366 et 1367 en une maison dont il est proprietaire
demandeur aux fins de l'exploit de citation du treize aoust pt mois signifié à sa requête par Malgras Huissier commis pour le service de notre jurisdiction au Après avoir entendu les Nous, de l'avis de nos Assesseurs, donnons Ainsi jugé par Nous, Juge de Paix, de l'avis de nos Assesseurs, lesdits
jour et an.
Lessore – Félix – Grandvallet *** L'orthographe
et la ponctuation du manuscrit ont été conservées. Les
lettres et mots écrits en italique
sont de la main du greffier, le reste du document étant imprimé. Annexe 3 – Procès-verbal du 28 juillet 1793 Cejourd'hui vingt huit juillet mil sept cent quatre vingt treize l'an deuxième de la république francaise, sur ce qu'il nous a eté exposé que la citoyenne Jeanne Dubois, veuve de Louis Mathieu, demte rue des Boulangers n° 23, est decedée hier à l'Hotel Dieu par suite d'une fièvre maligne et qu'elle laisse pour heritiers deux enfants dont l'un est absent et qu'il est necessaire de constater les effets qui peuvent dependre de sa succession, nous, Jean Baptiste Louis Lessore, juge de paix de la section des Sans Culottes a Paris, assisté du citoyen Gilbert Imbert notre secretaire greffier, nous sommes transportés rue des Boulangers n° 23, maison de la citoyenne Dessessard. Ou etant arrivés monter au premier etage et arrivés a la porte de la chambre qu'on nous a dit avoir eté occupée par laditte deffunte ve Mathieu, nous en avons fait ouverture avec la clef qui nous a été representé par la citoyenne Anne Marguerite Francoise Duchemin epouse du citoyen Francois Louis Mathieu à laquelle la deffunte l'avoit confiée lorsqu'on l'a transferé à l'Hotel Dieu. Et de suite, en présence de lad. citoyenne Mathieu et de son mari, étant entrés dans lad. chambre ayant vue sur la rue, nous y avons trouvé les objets qui suivent : un lit composé d'un bois de lit, d'une paillasse, un mauvais lit de plume tout dechiré, une vieille couverture en lambeau, un vieux tapi vert, un traversin, trois mauvais rideaux de serge rouge, une mauvaise camisole, deux mauvais draps de plusieurs morceaux ; un morceau de toille a carreau ; deux mauvaises camisoles ; un tas de chiffons ne méritant aucune description ; une vieille corde ; une douzaine et demie de pieces de mauvaise poterie en mauvaise verrerie ; un trepied ; une paire de chenets ; une mauvaise pelle ; une table sur son pied usé ; un autre mauvais rideau de serge verte ; trois mauvaises chaises ; un tour a filer et un devidoir en bois ; une paire de cardes et un metier a matelas ; un bahu dans lequel ne s'est rien trouvé ; un carton vuide ; une cassette dans laquelle s'est trouvé une veste mauvaise de soye, deux jupons dont un de maillou rayé et un de toile d'orrange, deux casaquins de droguet, deux tabliers dont un de soye et un de toille, mauvais ; un petit carton dans lequel un bonnet rond, six sols qu'ils nous ont declaré appartenir a son fils au frontiere ; une bandoulliere de garde en soye ; une paire de poche dans laquelle trois paires de ciseaux et une clef ; une vieille paillasse ; une vieille culotte et un gilet qu'ils nous ont declaré appartenir à sond. fils au frontiere ; une boite de bois dans laquelle une cornette et deux manchettes non montées ; une paire de crochets ; une bonne vierge avec un chapelet ; une vieille chemise ; un vieux sac a cendres ; deux autres vieilles chemises ; deux vieilles paires de bas ; un panier vuide ; un soufflet ; une petite fontaine de fayance ; une serpe ; et six vieux volumes de devotion ; une paire de vieux sabots ; huit fourchettes de fer rouillées et quatre cuillères d'etain ; une petite marmitte de fonte. Ce fait et ni ayant plus rien a decrire ni à declarer, et ne s'etant trouvé aucuns scellés a apposer, tous les objets cidevant decrits sont restés en la garde et possession desdits citoyen et citoyenne Mathieu qui le reconnoissent et s'en chargent pour le tout representer quand et a qui il appartiendra. De tout ce que dessus nous avons dressé le present proces verbal en presence des susnommés qui, après qu'il leur a eté lu, le citoyen Mathieu l'a signé avec nous et le citoyen Imbert greffier, les jour et an et lad. citoyenne femme Mathieu a declaré ne savoir signer. Mathieu – Lessore – Imbert
Annexe 4-b – Jugement du 3 février 1793Copie d'un bail de location sous seing privé (transcription)Nous soussignés, mois Balledit avoir pris a baille de monsieur Nantivieille une boutique, une cour et un petit caveau pour le tems et espasse de trois ou six année a commencé le premier janvier 1791 pour prix et somme de soizante et douze livres par chaque anné qui font dix huit livres tout les trois moix. Balledit s'oblige de laissé passé les locatair de ladite maison par dedant ladite boutique et aussis de louée les chambre de ladit maison aux deffaut du sieur Nantivieille et aussis de ne point vendre le fond de la boutique ni la louée sans le consentement de mondit Nantivieille. Fait double entre nous a Paris ce douze aoust1790. Baldit NOTES
[2] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris, réédition 1998, p. XIII. [3] ROCHE Daniel, Jacques-Louis Ménétra, Journal de ma vie, Montalba, 1982. [4] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris …, op. cit., p. XVIII. [5] Loi relative à l'organisation d'une police municipale ( 19 et 22 juillet 1791) : Titre premier. Police municipale :(…) article XLII : Le tribunal de police sera composé de trois membres que les officiers municipaux choisiront parmi eux ; de cinq dans les villes où il a soixante mille âmes ou davantage ; de neuf à Paris. Titre II. Police correctionnelle : (…) article L : À Paris, [le tribunal de police correctionnelle] sera composé de neuf juges de paix, servant par tour ; il tiendra une audience tous les jours et pourra se diviser en trois chambres. Durant le service des neuf juges de paix à ce tribunal, et pareillement durant la journée où les juges de paix de la ville de Paris seront occupés au service alternatif établi dans le lieu central […], toutes les fonctions qui leur sont attribuées par la loi pourront être exercées, dans l'étendue de leur section par les juges de paix des sections voisines, au choix des parties. [6] Voir à ce sujet l'article de Claudine
Durand-Coquard sur ce site. [8] Il faut, en effet, exclure de ces calculs toutes les affaires portées, en plein accord, par les parties devant le bureau de paix et de conciliation : aucune citation n'est alors délivrées, les comparants venant de leur propre gré devant le juge qui établit le procès-verbal de conciliation (ou de non conciliation) sans prononcer aucun jugement. [10] A. Paris, D 12 U1 8 – 335. [11] A. Paris, D 12 U1 9 – 1361. [12] A. Paris, D 12 U1 9 – 1630. [13] A. Paris, D 12 U1 9 – 1611 et 1613. [14] A. Paris, D 12 U1 8 – 1137 et 1144. [15] ARNETTE R., Les classes inférieures parisiennes d'après les inventaires après décès
au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise, Paris 1977. [16] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris …, op. cit., p. 146. [17] A. Paris, D 12 U1 8 – 678. [18] A. Paris, D 12 U1 9 – 1248. [19] A. Paris, D 12 U1 8 – 495. [20] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris …, op. cit., p. 142. [21] A. Paris, D 12 U1 11 – 24. [23] Pour des raisons de cohérence comparative,
ont été exclus du calcul les loyers dus pour d'autres types de logements :
appartements de deux pièces ou plus, boutiques avec ou sans leurs dépendances,
"cabinets", etc. [24] A. Paris, D 12 U1 8 – 339. [25] A. Paris, D 12 U1 8 – 356. [26] ROCHE Daniel, Le peuple de Paris …, op. cit., p. 147-149. [27] Reinhard
Marcel, Nouvelle histoire de Paris? La
Révolution, Paris, 1971, p. 42. [28] DUCOUDRAY Émile, MONNIER Raymonde, ROCHE
Daniel, Atlas de la Révolution française,
Tome 11, Paris, Paris, 2000, p. 30. [29] A. Paris, D 12 U1 9 – 1636. [30] Hilairet Jacques et PAYEN-APPENZELLER Pascal, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, 2 vol., article "Rue Descartes, Au n° 21": "(…) Le collège de Boncourt, fondé en 1353 par
Pierre de Bécoud (collegium Becodianum fut constamment traduit par collège
Boncourt) pour 8 boursiers du diocèse de Thérouenne. Il se trouverait de nos
jours à peu près limité par nos rues Descartes, Clovis, du Cardinal Lemoine et
Alfrred-Cornu. (…) Rattaché en 1638
au collège de Navarre, il fut reconstruit en 1688. Le collège de Tournai lui
était contigu. (…) Il ne reste rien
de ces collèges, la plupart des bâtiments sont des constructions modernes même
récentes (1929-1935 (…)". [31] A. Paris, D 12 U1 8 – 223. [32] A. Paris, D 12 U1 8 – 618. [33] A. Paris, D 12 U1 8 – 119. [34] BURSTIN Haïm, Une révolution à l'œuvre …,
op. cit., p. 150n. "Méderic Joseph Chabouillé, architecte
juré-expert, 46 ans" fait partie, à la même date, des 16 électeurs de
la section du Jardin-de-Plantes membres de "l'assemblée électorale, organe chargé d'élire certains fonctionnaires
publics sans passer par les assemblées primaires". [35] A. Paris, D 12 U1 8 – 1074. [36] A. Paris, D 12 U1 9 – 1702. [37] A. Paris, D 12 U1 9 – 1857. [38] 11 sentences en justice contentieuse et un procès-verbal en justice gracieuse. [39] Annexe 4-a et Annexe 4-b. A. Paris, D 12 U1 9 – 1261. [40] Voir, à ce sujet, les études conduites sur
les cantons d'Ébreuil et de Bellenaves dans l'Allier ou dans celui de
Boissise-la-Bertrand en Seine-et-Marne par Claude Durand-Coquard et Claude
Coquard, consultables soit sur le présent site, soit dans leur ouvrage Société rurale et justice de paix. Deux
cantons de l'Allier en Révolution, Clermont-Ferrand, 2001. [41] A. Paris, D 12 U1 8 – 1137 et 1144. [42] BURSTIN Haïm, Une révolution à l'œuvre …, op. cit., p. 451n. |