G.-J.B. Target (1733-1807)

 Quand on élit un juge de paix en Seine-et-Marne 

Dans le canton de Boissise-la-Bertrand, de 1790 à 1795

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Sommaire de l'article (vous pouvez accéder directement à chacune des sections du texte :

 

 Introduction : un canton briard en 1791
 1 - En 1790, un vote massif pour l'élection d'Etienne Cartault comme juge de paix du canton
 2 - En 1792, neuf voix de majorité, pour une réélection de justesse
 3 - En 1795, la chute assumée dans la dignité
 Conclusion : démocratie et Révolution

C'est en novembre 1790 qu'a lieu la première élection d'un juge de paix [1] dans ce canton de Seine-et-Marne, plus connu de l'historiographie par l'un de ses prêtres "patriotes" [2] que par ses avatars électoraux. La chronique des trois moments de la vie citoyenne qui se succédèrent, de 1790 à l'an IV, dans cette zone de la proche campagne briarde de la région parisienne [3], dépassant la seule description de l'événement, peut sans doute permettre au chercheur de mieux comprendre les enjeux qu'a pu recouvrir cette nouvelle forme de la démocratie en acte. Elle peut aussi permettre de mieux saisir le profil des personnages et des acteurs de cette pièce qui tendait à répondre aux trois critères voulus par le législateur : la proximité de l'électeur et de l'élu ; le caractère indiscutable de la mission du juge de paix ; la libre disposition de ses jugements que doit conférer à celui-ci le vote démocratique ainsi accompli.

Ce canton, défini dans le cadre de la grande réorganisation territoriale décidée par l'Assemblée constituante à la fin de l'année 1789 et au début de l'année 1790 est, comme le rappelle le procès-verbal de la première assemblée primaire du canton, le dimanche 21 novembre 1790, "composé des paroisses suivantes : Boissettes, Boissise-la-Bertrand, Boissise-le-Roy, Cesson, Dammarie, Le Mée, Nandy, La Rochette, Savigny-le-Temple, Saint-Fargeau, Saint-Port et Ver-Saint-Denis", soit douze paroisses qui se constitueront en autant de communes à partir de 1793. Il s'étend au nord-est de Melun sur une superficie approximative de 10 700 hectares [4]. Sa population totale est alors d'environ 4 700 [5] et son activité économique essentielle repose sur la grande culture et l'exploitation forestière dans le cadre de grands domaines appartenant à l'aristocratie nobiliaire et bourgeoise de Paris [6] affermés à de très importants fermiers, pour la plupart d'entre eux exploitant directement ou par sous-fermages ces domaines agricoles [7].

Le présent travail, à l'occasion de la présentation des trois élections du juge de paix qui ont eu lieu dans ce canton de la périphérie parisienne, de 1790 à 1795, a pour objet d'en montrer l'évolution et, dans toute la mesure du possible, de tirer quelques éléments de réflexion sur les pratiques démocratiques que ce type d'élection peut faire apparaître dans l'histoire de la Révolution.

 

1.    En novembre 1790, un vote massif, bien que contesté, pour l'élection d'Étienne Cartault, premier juge de paix du canton de Boissise-la-Bertrand

 

C'est le dimanche 21 novembre que cette assemblée primaire, composée des citoyens actifs et éligibles du canton de Vert-Saint-Denis [8]? est rassemblée en l'église Saint-Nicolas à Melun, à l'effet de procéder à la nomination d'un juge de paix et des prud'hommes assesseurs du juge de paix.

Deux remarques s'imposent à la lecture de ce premier élément du procès-verbal.

D'une part, la dénomination du canton ne correspond pas alors à celle qui sera officialisée, le lendemain [9], le nom de Vert-Saint-Denis, l'une des principales paroisses, ayant été initialement retenu par les auteurs de la carte administrative des cantons du district de Melun. Les critères de ce choix premier n'apparaissent pas dans la documentation consultée à cet effet.

D'autre part, ce n'est pas sur le territoire même du canton qu'est convoquée cette première assemblée, mais dans une église du chef-lieu de district, Saint-Nicolas de Melun [10]. Les églises d'un certain nombre des paroisses du canton auraient parfaitement pu contenir l'ensemble du corps électoral ainsi constitué. Y eut-il, de la part des administrateurs responsables, volonté de "rapprocher" au sein même de la ville principale, ce corps électoral nouveau et lui donner moins d'autonomie ? Eurent-ils la volonté d'éviter les éventuelles protestations de compétences que le choix d'une des paroisses parmi les autres n'eut pas manqué de susciter à leurs yeux ? Ou, simplement, utilisa-t-on un espace plus traditionnellement connu comme lieu de rassemblement électoral, comme il le fut lors des élections corporatives aux États généraux de mars 1789 ? Rien n'indique que l'une de ces hypothèses soit la bonne et seul demeure le fait que la convocation de l'assemblée a bien eu comme cadre cet édifice melunais.

1.1. Le début d'une séance électorale conforme aux règlements

L'organisation du scrutin a été clairement définie par le "Décret sur la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives du 22 décembre 1789" [11], et parfaitement accomplie par les participants à cette assemblée primaire du canton les 21 et 22 novembre 1790. ainsi, dès l’ouverture de la séance, Duveau, âgé de soixante et dix ans, citoyen actif et éligible de Pouilly-le-Fort, est nommé président d’âge, Jean Coutile de Vaumorin, ancien avocat, commandant de la garde nationale de Dammarie , Farcy et Vosves, secrétaire, Barthélemy Cochet, maire de Savigny-le-Temple, Sylvain-Raphaël Chartrelle, citoyen actif et éligible de Boissettes, Louis-françois Juneux, citoyen actif et éligible du Mée, nommés scrutateurs. Le procès-verbal n’indique pas dans quelles conditions ces "nominations" s'effectuent ; mais le texte du décret de novembre 1789 n'indiquait pas non plus d'autre critère que celui de l'âge des participants.

L'opération suivante consiste à élire sans délai le bureau définitif de l'assemblée primaire. Le procès-verbal mentionne que cette dernière est composée de 256 votants [12] qui participent individuellement et successivement à l'élection du président. Il indique que Marillier, citoyen actif et éligible de Boissise-la-Bertrand obtient 162 suffrages et est proclamé élu [13]. Le même document constate l'absence du maire, des officiers municipaux et des citoyens actifs de La Rochette (…) arrivent en partie M. Duranton, officier municipal, qui fait pour M. Moreau, maire et le procureur de la commune dont on ne précise pas le nom [14]. Cette élection étant terminée, l'assemblée se sépare jusqu'à trois heures de l'après-midi et reprend alors ses travaux qui consistent à élire le secrétaire ainsi que les trois scrutateurs du dépouillement.

Il n'y a plus que 119 votants présents dans l'église. Cette chute brutale du nombre des électeurs présents est sans doute liée au fait que l'enjeu de l'élection du reste du bureau leur semble moindre que celui qui a précédé. Peut-être aussi que l'ardeur citoyenne s'amoindrit au fil de la journée domincale … Comme pour l'élection du président, celle des quatre membres du bureau qui doivent assister celui-ci s'effectue par un vote nominal de chacun des participants. C'est l'un des scrutateurs provisoires, Coutile de Vaumorin qui est élu par 66 suffrages au poste de secrétaire. Immédiatement après, le président et le secrétaire prêtent le serment qui est prescrit par les décrets [15] entre les mains de l'assemblée et sur le champ l'assemblée a prêté le semblable serment entre les mains de monsieur le président. Les formes les plus précises prévues par la loi sont ainsi respectées et, pour éviter toute contestation ultérieure, le procès-verbal mentionne tout ce qui a trait à la bonne organisation du scrutin.

L'élection des trois scrutateurs est, dans les mêmes conditions, aussitôt réalisée et intronise à la pluralité des voix Louis-François Juneux [16] de la paroisse du Mée, Nicolas Gauthier, curé de Cesson et Nicolas-Charles-Jacques David, fermier de Saint-Leu [17]. Trois scrutateurs suppléants sont ensuite élus, toujours à la pluralité des voix : Sylvain-Raphaël Chartrelle de Boissettes [18], AlexisDesforges de Ponthierry et Pierre Desgranges de Saint-Port [19]. Sur les douze paroisses du canton, le bureau de huit membres est donc composé de citoyens issus de sept communes, ce qui témoigne d'une grande diversité, voulue ou non, dans le choix des votants. Et il n'est pas sans intérêt de noter que le bureau provisoire s'est presque entièrement trouvé reconduit dans le bureau définitif, la notoriété des élus expliquant vraisemblablement cette permanence dans le choix des présents.

Scrutateurs et scrutateurs suppléants prêtent alors serment entre les mains du président qui déclare la séance close à cinq heures et demie du soir et donne rendez-vous aux citoyens actifs pour le lendemain matin.

Le lundi 22 novembre, à dix heures du matin, dans la même église, la séance est introduite par le président qui a fait un discours et lecture des décrets et instructions concernant la nomination, qualités et fonctions du juge de paix et prud'hommes assesseurs du juge de paix. L'analphabétisme qui caractérise la majorité des citoyens présents justifie cette précaution orale et oratoire et témoigne du sérieux avec lequel est conduite la séance dans son principal moment : celui de l'élection, pour la première fois, de celui qui va devoir organiser le règlement des conflits dans son bureau de paix et les juger, s'il le faut dans son audience.

1.2. Quand l'assemblée primaire décide du nom du canton et du lieu des réunions des assemblées primaires

Le procès-verbal indique la présence de 278 citoyens en droit de voter, ce qui témoigne du vif intérêt des électeurs du canton . Il note aussi : Avant l'ouverture, monsieur le président a consulté l'assemblée pour savoir si elle voulait décider où serait le chef lieu du canton. Et, après que la question a été discutée et que messieurs Chalumeau, le curé de Cesson, Garnot, Fragnet, Cartault, Coutile de Vaumorin, Segault ont été entendus, l'assemblée décide à une très grande majorité que le chef lieu serait à Boissise-la-Bertrand. Et les assemblées primaires alterneraient et se tiendraient dans toutes les paroisses du canton, et qu'il serait tiré au sort pour savoir où se tiendrait la première assemblée primaire : à cet effet, les douze maires des douze municipalités composant ledit canton tireraient et seraient appelés par ordre alphabétique. Et les douze premiers magistrats défilent ainsi et tirent au sort l'ordre dans lequel leur paroisse sera appelée à devenir le siège de l'assemblée primaire cantonale [20].

1.3. Quand on reprend l’ordre de la séance électorale

Au procès-verbal est ensuite inscrite une intervention du président Marillier qui propose la nomination des assesseurs par une liste de plusieurs citoyens éligibles mises sur le bureau, lesquels citoyens éligibles auraient été indiqués par les citoyens actifs de la paroisses aux officiers municipaux. A cette proposition un des membres de l'assemblée, le sieur Chalumeau, oppose une autre solution qui consiste à laisser nommer les assesseurs de chaque municipalité par tous les citoyens actifs de cette municipalité. À l'évidence un même objectif est visé par les deux intervenants : éviter un allongement excessif de la durée du scrutin qui risquerait, si le vote devait être organisé en séance plénière, d'entraîner beaucoup de confusion et de disputes, les citoyens ignorant le qualités et les défauts des individus des autres paroisses. Les deux propositions sont laissées en attente et l'on passe à l'élection majeure, celle du juge de paix. Mais d'abord, le serment est pris par l'assemblée : la forme réglementaire est encore une fois respectée, toujours dans le souci du sérieux qui doit être attaché à cette importante opération.

Le nombre des votants constatés par le bureau est de 275.

Après dépouillement des votes par les scrutateurs, le président donne lecture des résultats : Jacques-Claude-Florimond Segrétier (113 voix, soit 41 %) ; Étienne Cartault (95, soit 34,5 %) ; Nicolas Pinard (37) ; Nicolas-Robert Ségault (13) ; Jean Coutile de Vaumorin (10) ; Mrs. Morel et Desgranges (2 voix chacun) ; Mrs. Gilbert, Hermant, Delaplace, Berthole, Gondoin et Chartrelle (1 voix chacun). Le président déclare qu’il n’y a, pour aucun des citoyens ayant obtenus de suffrages, une pluralité absolue des voix et qu’il convient de procéder à un second vote.

Au cours de ce second tour de scrutin (toujours individuel, chaque bulletin étant déposé successivement dans l’urne placée devant le président), les scrutateurs constatent que 280 bulletins sont comptabilisés soit un de plus que celui des votants. Le citoyen Sylvain Chartrelle déclare avoir mis deux fois le nom de monsieur Cartault dans l’urne. Certains électeurs réclament l’annulation du vote. À la suite d’une discussion dont le procès-verbal ne donne pas les détails, l’assemblée que le dépouillement doit avoir lieu et que le Comité de constitution tranchera. 275 bulletins sont déclarés valides et les scrutateurs constatent que monsieur Étienne Cartault a obtenu 178 voix (soit les deux tiers des suffrages) ce qui fait une majorité de quarante voix. Les résultats des autres citoyens ayant obtenu des voix ne sont pas inscrits au procès-verbal et le président proclame Étienne Cartault élu comme juge de paix du canton. Rien n'indique dans quelles conditions certains citoyens ont modifié leur vote au point que le second concurrent du premier tour devient le brillant vainqueur du deuxième.

Suit alors une scène digne du climat d'émotion et de ferveur qui règne sur bon nombre des manifestations électorales de moment révolutionnaire. Monsieur Cartault déclare qu'il ne sera installé qu'après la décision soit du département, soit du Comité de constitution ; néanmoins qu'il acceptait provisoirement. Ensuite, monsieur de Vauxblanc [21] a pris la parole et a dit : "Les sentiments délicats exprimés par M. Cartault prouvent combien il est digne de vos suffrages. Dans mon opinion, ce scrutin est fort bon parce que Mr. Cartault a obtenu quarante voix de plus que la majorité absolue. Encore un mot, Messieurs, il n'y a jamais eu de plus belle institution que celle des juges de paix. L'Assemblée nationale l'a décrétée pour notre bonheur. C'est le sentiment qui a guidé le roi quand il a sanctionné ce décret. Je vous invite à vous écrier avec moi : Vive l'Assemblée nationale ! Vive le roi !. Et la plus grande partie ont aussi crié : Vive notre nouveau juge de paix !".

Décision est prise de faire nommer les assesseurs par les citoyens actifs dans chaque paroisse, l'assemblée générale convoquée le dimanche suivant devant ratifier ces nominations.

44 signatures [22] suivent celles de Chalumeau vice-président du district. Il n'est pas possible de savoir si ces paraphes représentent la totalité des citoyens sachant signer (ce qui ferait une proportion de 16 %) ou si la longueur de la séance peut expliquer que certains d'entre eux soient partis avant la cérémonie des signatures …

1.4. Une tentative de contestation de l'élection …

Le lendemain même de cette élection, le sieur Nicolas Robert Segault, l'un des concurrents malheureux du scrutin, dépose une plainte auprès des instances du district de Melun, plainte dont le texte se trouve aux Archives départementales de Seine-et-Marne [23]. Il y dénonce à la fois les irrégularités de procédure (des habitants du Mée et de Boissise-le-Roi ont voté bien que n'éant pas citoyens actifs) et les conditions illégales dans lesquelles s'est déroulé le scrutin (le nombre des bulletins trouvés dans l'une était supérieure à celui des votants ; le dépouillement a été perturbé par des participants armés d'épées et de gourdins). Le résultat de cette démarche est très rapidement obtenu, comme l'indique la chronologie des faits [24]. L'assemblée du conseil général du département, tenue à Melun le samedi 4 décembre 1790, et après lecture du procès-verbal de l'assemblée primaire des 21 et 22 novembre, de la protestation du S. Segault du Mée du 23 novembre et de l'avis du district de Melun du 1er décembre suivant (…) confirme (…) l'élection du Sr. Cartault à la place de juge de paix, (…) et arrête qu'il lui sera délivré une expédition du procès-verbal de sa nomination. Le conseil général du département, pour justifier cette décision sans appel, se fonde exclusivement, comme l'avait fait le district, sur le fait qu'aucune réclamation formelle n'a été faite au cours de l'assemblée primaire. Et l'incident est définitivement clos sans intervention du Comité de constitution évoqué plus haut.

L'importance de cette première élection d'un juge de paix dans ce canton est particulièrement lisible à travers trois remarques qu'inspire cette chronique. D'une part, à l'exception de la séance du dimanche après-midi consacrée à la mise en place des adjoints du président, manifestement jugée sans enjeu essentiel, les opérations électorales ont été très bien fréquentées plus de 45 % du corps électoral assiste aux trois principales séances), compte tenu de la distance qu'ont dû parcourir certains électeurs et de la rigueur du climat à cette époque de l'année. D'autre part, l'absence légale de candidats déclarés n'empêche pas les électeurs de porter leurs suffrages sur des personnes qu'ils jugent susceptibles, par leur situation sociale, de remplir cette fonction dont le législateur a voulu, par son caractère électif, qu'elle soit le fait non de spécialistes du droit mais de notabilités reconnues pour leur bon sens et leur humanité. Enfin, le fait que deux tours soient nécessaires pour départager les futurs élus et les allusions formulées par Ségault à la "chaleur" qui a présidé au dépouillement témoigne de la grande ouverture et de l'importance qui caractérise cette première élection. Et il est bien difficile de soutenir que son résultat était inscrit d'avance …

2. Le 8 décembre 1792, Étienne Cartault est réélu juge de paix, à 9 voix de majorité relative

L'article 8 de la loi des 16-24 août 1790 avait prévu que le renouvellement des juges de paix devait avoir lieu au bout de deux ans [25], soit en novembre-décembre 1792. Le décret de la Convention nationale élue après la chute de la royauté confirme cette échéance [26] et fixe même la date de l'élection [27]. Il prévoit même, pour renforcer la participation électorale, de verser une indemnité aux citoyens éloignés du lieu de vote [28].

En application de ce décret, l'assemblée primaire du canton de Boissise-la-Bertrand est convoquée le dimanche 8 décembre 1792 en la paroisse de Saint-Port, lieu déterminé pour ladite assemblée primaire suivant l'alternat convenu et réglé dans le procès-verbal de l'assemblée générale de l'élection du juge de paix tenue en la ville de Melun le 22 novembre 1791. La rotation décidée pour les lieux d'exercice des assemblées primaires est donc bien observée comme est maintenue encore l'appellation "chrétienne" du lieu du vote : le décret concernant la généralisation de l'appellation "commune" pour les circonscriptions administratives de base n'est voté qu'en 1793 [29] et la paroisse conserve son nom de Saint-Port [30].

Le bureau élu pour cette assemblée primaire est constitué de son président, Francois Vallot, le plus ancien d'âge de tous les citoyens, d'un secrétaire, Pierre François Ract, d'un vice secrétaire, Jacques François Lampy, de trois scrutateurs, Pierre Desgranges, Thomas Chapus et Pierre Vrillaux, ainsi que d'un "vérificateur", Jean Lefort qui, par lettre s'excuse de ne pouvoir être présent. Aucun des personnages signalés en 1790 comme faisant partie du bureau ne se trouve dans cette liste.

Le procès-verbal indique que les citoyens se sont retirés du bureau et, étant entrés dans le bas de la nef de l'église, se sont ensuite approchés suivant l'appel qui a été fait de chaque municipalité et ont donné leurs suffrages par la voix du scrutin. Le nombre des "scrutins" dépouillés est de 222 et donne le résultat suivant : le citoyen Cartault obtient 104 voix, suivi du citoyen Longuet (93), du citoyen Loizeau, maire de Saint-Fargeau, (17), du citoyen Desgranges (3) et du citoyen Loudié (2), soit un total de 219 suffrages exprimés. Bien que la majorité absolue (111) ne soit acquise par aucun des candidats, l'assemblée a décidé que le citoyen Cartault réunissait pour lui la majorité des suffrages et qu'en conséquence elle le déclarait juge de paix pour le canton de Boissise la Bertrand. À la différence de ce qui avait été prévu en 1790, le greffier du juge de paix n'est plus nommé par le juge lui-même mais doit être élu par l'assemblée primaire aussitôt après l'élection du juge. Il faudrait donc procéder, comme pour ce dernier, à un appel nominal et à un vote personnel de chacun des votants. Mais, dans le même élan de continuité et de vélocité, proposition est faite  et adoptée à l'unanimité de reconduire le citoyen Louis Boyez comme greffier de la justice de paix. Et la lecture du procès-verbal est approuvée à l'unanimité. Au bas du document figurent 29 signatures.

Mais cet "unaninisme" est jugée illégal par le district de Melun et une nouvelle assemblée primaire est convoquée, toujours en l'église de Saint-Port, pour le 16 septembre. Le corps électoral présent ne compte plus alors que 97 votants qui réélisent, à l'unanimité, le bureau élu huit jours plus tôt, à  l'exception du citoyen Ract, absent, remplacé par Lampy. Les résultats de ce vote sont les suivants : le citoyen Boyez, 84 voix ; le citoyen Lampy, 9 ; le citoyen Jeuneux, 2 et le citoyen Boëte, 1. Le document comporte 32 signatures. Ce vote confirme l'accalamation "illégale" du 8 décembre, et cette fois-ci, le suffrage est validé par le district.

Le 23 décembre a lieu une véritable "intronisation" dans le cadre de la municipalité de Boissettes où réside Étienne Cartault, réélu dans les conditions décrites plus haut. Un extrait des délibérations du conseil général de la commune est, en effet, joint à la liasse concernant cette élection : Ce dimanche 23 décembre, première année de la République française, heure de midi, en l'assemblée du conseil général de la commune de Boissettes, district de Melun, dûment convoquée en la manière accoutumée et tenue en l'église à l'issue de la messe paroissiale, où étant les citoyens Antoine Louis Joncières, maire, Charles Duchemin et Jean Lefort, officiers municipaux, Étienne Legros, jean Dauvergne, Jean Bourlier, Denis Glanden et Adrien Martin, notables et Louis Bourlier, procureur de la commune, le citoyen Étienne Cartault est entré comme membre de cette commune et a dit qu'ayant été continué et réélu juge de paix du canton de Boissise-la-Bertrand (…), il se présente pour réitérer et prêter le nouveau serment prescrit par la loi. Après le serment prêté par Cartault, c'est Jean Louis Boyez, greffier de la justice de paix, qui entre à son tour au sein de l'assemblée et prête le serment après toutes lesquelles formalités le juge de paix et son greffier ont été reconduits et installés de nouveau en tant que de besoin dans la salle destinée aux audiences chez ledit citoyen Cartault par le conseil de ladite commune. Tous les assistants signent, y compris Gommet, le secrétaire de la municipalité.

De la part de cette municipalité comme de celle des impétrants, il y a, dans cette cérémonie officielle, volonté manifeste de solenniser encore plus l'élection du juge de paix du canton et de donner à cet événement l'authentification la plus éclatante de la part des autorités constituées. Et cette toute petite paroisse [31] témoigne ainsi de sa fierté d'abriter en ses murs et le principal magistrat judiciaire du canton  et le siège des audiences [32]

Cette seconde élection, bien que différente dans sa forme de celle de 1790, en garde pour l'essentiel les caractéristiques principales. Le nombre des électeurs présents, est plus faible que lors du vote des 21 et 22 novembre 1790 mais demeure important. Les résultats du vote témoignent de la véritable ouverture de cette élection, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages n'étant départagés que par une faible différence, aucun d'entre eux ne pouvant apparaître comme élu d'avance. Ces résultats semblent avoir été obtenus sinon avec l'acquiescement de tous les participants, au moins avec leur accord final, au point que le greffier du juge, déjà en fonction dans la précédente mandature, est élu à la suite d'une proposition "unanime" et sans vote formel (ce qui entraîne, comme il a été dit, son annulation par le district pour vice de forme). Et l'autorité de la fonction sort renforcée de cette manifestation démocratique.

3. Le 1er décembre 1795-10 brumaire an IV, c'est la chute de Cartault …

La Constitution votée par la Convention le 22 août 1795-5 fructidor an III et ratifiée par un vote référendaire dont les résultas sont proclamés le 23 septembre-1er vendémiaire an IV [33] a repris, pour l'essentiel, les conditions de l'élection prévues en 1790 [34]. L'organisation des assemblées primaires est précisément définie dans le titre III dont les 16 articles lui sont entièrement consacrés [35]. La fonction de ces assemblées est très précisément limitée par le texte même de la Constitution [36].

L'assemblée primaire du canton de Boissise-la-Bertrand, convoquée d'après les termes de l'acte constitutionnel pour procéder à la nomination d'un juge de paix, de quatre assesseurs pas chaque commune et enfin du président de l'administration municipale du canton se réunit le 1er décembre 1795-10 brumaire an IV. L'élection du bureau [37] ne rassemble que 56 votants, l'immense majorité des électeurs ayant, cette fois-ci décidé de ne pas participer au scrutin.

Le procès-verbal indique que les citoyens Marillier, Gayot, Longuet, Cartault et V. de Gamory ayant obtenu le plus grand nombre de voix (…), savoir le citoyen Marillier, 53 voix est proclamé président, le citoyen Gayot, 39 voix, secrétaire.

Longuet, Cartault et de Gamory sont proclamés scrutateurs.

Marillier, déjà président lors de la premier élection du juge de paix en 1790, annonce que selon la Constitution, l'élection du juge de paix se fera par scrutin à la pluralité absolue. Pour confirmer cette décision et avant de procéder au vote, le président lit l'acte constitutionnel relatif à ladite nomination ainsi que l'avertissement fraternel envoyé par les citoyens administrateurs du département et du directoire du district. L’évocation dans ce texte du directoire du district pose problème : depuis l’adoption de la Constitution, ce rouage administratif, mis en place dans la première Constitution [38] et confirmé dans la Constitution de l’an I [39], a été supprimé [40] en même temps que les administrations municipales des communes dont la population est inférieure à cinq mille habitants [41]. Le maintien de la mention de l’autorité du district ne peut donc renvoyer qu’à un maintien, au moins provisoire, de cet échelon administratif jusqu’à la mise en place définitive de structures départementales conformes à la nouvelle constitution.

L’élection du juge de paix a lieu en deux temps. D’abord, 88 électeurs participent à un premier tour : comme il n’y a point eu de majorité absolue, le scrutin a recommencé. Puis, pour le second tour, le procès-verbal indique une participation de 64 citoyens votants. Le résultat définitif est solennellement annoncé par le président de l’assemblée : la majorité s’étant réunie sur le citoyen Claude Éléonore Guyot, ayant eu 39 voix (soit 60,9 % des suffrages), il a été proclamé juge de paix du canton de Boissise-la-Bertrand. Le document ne donne pas d'information sur le scores obtenus par les autres personnalités ayant obtenu des voix.

Dès le lendemain, 2 décembre 1795-11 brumaire an IV, Cartault transmet tous ses pouvoirs à son successeur [42]. Comme le manifeste le texte cité en annexe, les conditions dans lesquelles lequel s'effectue cette passation témoigne du climat de sérénité qui préside à la conclusion de cette confrontation et de l'esprit démocratique dont font preuve en l'occurrence les acteurs de cette pièce électorale. Et cinq jours après cette "cérémonie", le nouveau juge de paix préside, en notre demeure à Croix-Fontaine [43], sa première audience consacrée à l'émancipation de quatre enfants mineurs orphelins de mère et dont le père est gravement malade. Comme son prédécesseur, c'est une pièce de son domicile personnel qui lui sert de salle d'audience. Et aucune solution de continuité n'apparaît dans le fonctionnement de cette justice de proximité.

 

En guise de conclusion provisoire …

La description des opérations électorales de ces trois scrutins successifs permet de préciser les termes de la problématique initiale.
 

D'une part, la participation des citoyens a sensiblement évolué au cours de ces cinq années. À l'évident empressement d'une part notable du corps électoral au cours du scrutin de 1790 s'oppose la désaffection non moins réelle constatée en 1795. La fuite de l'électorat est-elle due à une lassitude civique déjà manifestée lors du vote référendaire de l'été 1795 ? Cet exemple confirmerait localement ce qui est observé dans nombre d'élections locales ou nationales pour d'autres objets, comme en témoignent un certain nombre d'études récentes [44]. L'enjeu de cette élection est-il moindre qu'au début de la Révolution ? La dernière hypothèse ne résiste pas à l'analyse, le rôle des juges de paix n'ayant cessé de croître jusqu'alors [45]. Les jeux paraissent-ils faits avant même l'ouverture du scrutin ? Mais les résultats obtenus par le vainqueur (un peu plus de 59 % des votants), pour être confortables, n'en restent pas moins très relatifs, eu égard au faible nombre des votants. Reste le problème de l'élection "intermédiaire" de l'hiver 1792 qui montre que la participation est plus proche de celle observée en 1790 que de l'effritement brutal de 1795. Le corps électoral est un peu plus important que deux ans auparavant, puisque la distinction accordée aux "citoyens actifs" a disparu et témoigne d'une baisse déjà perceptible de l'enthousiasme électoral. En même temps, les troubles qui président à la vie citoyenne depuis la chute de la monarchie, particulièrement sensibles à proximité de la capitale, peuvent avoir ralenti l'ardeur des citoyens moins de quatre mois après le 10 août 1792 [46].
 

D’autre part, la liste des personnes qui jouent un rôle moteur dans ces assemblées primaires fait apparaître quelques éléments d’analyse intéressants. En effet, la liste des membres du bureau des élections qui ont lieu en décembre 1792 comme celle des citoyens ayant obtenu des voix pour l'élection du juge de paix ne mentionnent aucun des membres qui constituaient le bureau de la première élection, à l'exception du maire de Seine-Port, Pierre Desgranges. Ce dernier a alors perdu son mandat de maire de Seine-Port au profit de Pierre Longuet dont le score est très proche de celui de Cartault lors du scrutin [47]. Ici encore, à défaut d'autres documents plus précis, les minutes de la justice de paix apportent un certain nombre de renseignements sur les membres du bureau et les "lauréats" de l'élection. Tous sont des personnalités locales qui, au titre de leur profession ou de leurs fonctions municipales, jouissent d'une incontestable notoriété. Le secrétaire, Pierre-François Ract, comme le citoyen Loudié (qui a obtenu 2 voix) n’ont jamais à faire avec la justice de paix. Mais tous les autres figurent, à un titre ou à un autre dans les minutes étudiées jusqu’en décembre 1795. Évidemment, Étienne Cartault, propriétaire à Boissettes, apparaît en tête de tous les actes sous la dénomination de "juge de paix du canton de Boissise-la-Bertrand". Le président de la séance, François Vallot, tailleur d’habits, est le procureur de la commune de Savigny-le-Temple en août 1791 [48]. Le vice secrétaire, Jacques Charles Lampy, est jardinier à Seine-Port [49]. Pierre Desgranges , entrepreneur de bâtiment à Seine-Port, en est le maire [50] et son décès intervient, immédiatement après ces élections, dans la nuit du 26 au 27 décembre 1792 [51]. Le vérificateur Jean Lefort est maçon à Boissettes et il paraît très souvent comme assesseur du juge de paix. Pierre Longuet, premier concurrent malheureux du juge Cartault, est un vigneron aisé qui occupe la place de maire de Seine-Port en juin 1794 [52]. Jacques Loizeau est entrepreneur de bâtiment à Saint-Fargeau et a été élu maire de la commune presque sans solution de continuité entre janvier 1792 [53] et février 1795 [54]. Lors de l’élection du greffier de la justice de paix, l’heureux élu, occupant déjà cette fonction dès 1790 , est le maître d’école de Boissettes [55] et, parmi ses concurrents non déjà cités, le citoyen Jeuneux est capitaine de la garde nationale de Dammarie-les-Lys [56] en 1793. Tous savent signer.
 

Enfin,  dans ce canton de Boissise-la-Bertrand, l'abstention, déjà perçue lors du vote référendaire sur la Constitution de l'an III, a pu entraîner l'échec subi par le juge de paix en place depuis 1790. Il est néanmoins important de nuancer cette conclusion dans la mesure où jamais Étienne Cartault n'a été élu sans concurrence réelle ni même sans difficulté. Par ailleurs, il serait nécessaire de revisiter les travaux consacrés aux élections de juges de paix pendant la période électorale qui s'étend de la monarchie constitutionnelle jusqu'au début du Directoire [57] pour tenter de dresser une tableau comparatif, dans le temps et dans l'espace, qui puisse apporter aux historiens et aux politiques une vue moins parcellaire que celle dont ils disposent actuellement.

  

NOTES

 [1]  Archives parlementaires (A.P.), t. XVIII, p. 104-114. Décret sur l'organisation judiciaire, du 16 août 1790, sanction le 23 août, proclamation le 24 août 1790 : Titre III. Des juges de paix

Art. 1. Il y aura dans chaque canton un juge de paix, et des prud'hommes assesseurs du juge de paix.
(...) Art. 3. Le juge de paix ne pourra être choisi que parmi les citoyens éligibles aux administrations de département et de district, et âgés de trente ans accomplis, sans autre condition d'éligibilité.
Art. 4. Le juge de paix sera élu au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, par les citoyens actifs réunis en assemblées primaires.
(…) Art. 6. Les électeurs nommeront parmi les citoyens actifs de chaque municipalité, au scrutin de liste et à la pluralité relative, quatre notables destinés à faire les fonctions d'assesseurs du juge de paix. Ce juge appellera ceux qui seront nommés dans la municipalité du lieu où il aura besoin de leur assistance.
(…) Art. 8. Les juges de paix et les prud'hommes seront élus pour deux ans et pourront être continués par réélection .
[2]  Il s'agit du curé de Boissise-la Bertrand, François-Nicolas Parent, qui fut un des plus ardents "patriotes" de la commune et s'illustra notamment par les courriers pleins de fougue républicaine et "laïque" qu'il fit parvenir à la Feuille villageoise.
[3]  A.D. Seine-et-Marne L 158.
[4]  MICHELIN Louis, Tableau scénographique faisant suite aux Essais historiques sur le département de Seine-et-Marne, Melun, 1843.
[5] A.D. Seine-et-Marne L 278. Un Tableau de population, indigence (…) du district de Melun, non daté mais qui se réfère aux mesures d’aides prises en 1793 par la Convention nationale, indique une population totale de 4 692 habitants pour le canton de Boissise-la-Bertrand. La répartition en est la suivante. Boissettes : 186 ; Boissise-la-Bertrand : 312 ; Boissise-le-Roi : 249 ; Cesson : 250 ; Dammarie-les-Lys : 612 ; La Rochette : 177 ; Le Mée : 238 ; Nandy : 260 ; Moulignon-Saint-Fargeau-Jonville : 905 ; Saint-Port : 570 ; Savigny-le-Temple : 390 ; Vert-Saint-Denis : 543.
Au recensement de 1999, les douze communes de l'ancien canton comptaient une population de 107 258 habitants.
[6] Par exemple, comme il est indiqué sur le site officiel de la commune de Boissise-la-Bertrand (http://www.boissise-la-bertrand.com) , à partir des documents trouvés aux Archives départementales, "Boissise-la-Bertrand [au cours de la seconde moitié du 18e siècle] suivit le sort de l'important domaine de Sainte-Assise qui, jusqu'à la Révolution, appartint successivement, en 1748, à M. de Montullé, puis, en 1773, à la marquise de Montesson, épouse morganatique du duc d'Orléans, enfin, en 1785, au comte de Provence, futur Louis XVIII".
De même, (http://www.savigny-le-temple.com), pour le territoire de Savigny-le-Temple, "après l'arrestation des Templiers en 1307, les possessions de Savigny-le-Temple passent aux Chevaliers de l'Ordre de Malte. Avec la Révolution, Savigny rentre dans le domaine public".
[7] Dans les actes de la justice de paix du canton, apparaissent à plusieurs reprises les "fermiers" suivants : Jean Foucault, à Vert-Saint-Denis, Léonard Berton père et Louis Chevalier à Pouilly-le-Fort (dépendant de Vert-Saint-Denis), Charles-Jacques David et la Dame Galice à Cesson, Nicolas Rabourdin à Saint-Fargeau. Le "sieur" Germain Garnot est fermier non seulement d'une partie de Pouilly-le-Fort, mais aussi, sur la rive gauche de la Seine, de l'important domaine d'Orgenoy à Boissise-le-Roi, ancienne possession de la riche famille Thumery.
[8] Tous les textes transcrits en italiques soulignées sont exactement copiés à partir des documents étudiés aux archives départementales. L'orthographe et la ponctuation ont été modernisées.
[9] Voir plus loin, le vote populaire du 21 novembre 1790.
[10]  Près de l'ancien couvent des Récollets, transformé au milieu du 18e siècle en établissement hospitalier.
[11]  A.P., t. XI, p. 191-194 :
Art. 15. chaque assemblée primaire, aussitôt qu'elle sera formée, élira son président et son secrétaire au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des voix : jusque là le doyen d’âge tiendra la séance ; les trois plus anciens d’âge après le doyen recueilleront et dépouilleront le scrutin en présence de l’assemblée.
Art. 16. Il sera procédé ensuite, en un seul scrutin de liste simple , à la nomination de trois scrutateurs, qui recevront et dépouilleront les scrutins subséquents. Celui-ci sera encore recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d’âge.
[12]  Le nombre des citoyens actifs peut être évalué à environ 600 citoyens, beaucoup d'habitants ne pouvant justifier des conditions électorales fixées par le décret du 22 décembre 1789 concernant la constitution des assemblées primaires :
A.P., t. XI, p. 191-194 :
Art. 3. Les qualités nécessaires pour être citoyen actif sont : 1° D'être Français ou devenu Français ; 2° D'être majeur de vingt-cinq ans accomplis ; 3° D'être domicilié dans le canton, au moins depuis un an ; 4° De payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail ; 5° De n'être point dans l'état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gages.
[13]  Une évidente confusion entache, à ce sujet, le texte du site de la ville de Boissise-la-Bertrand :
"Avec le découpage administratif de la Convention [sic], Boissise-la-Bertrand eut l'honneur de devenir chef-lieu de canton, dont le graveur Marillier fut le premier juge de paix, domicilié au hameau de Beaulieu, dans le château du XVIIe siècle (…)". Comme le prouve le document étudié, Marillier ne fut pas le premier juge de paix du canton, mais le président de l'assemblée primaire qui élut le premiers juge de paix, Etienne Cartault.
[14]  A.D. L 609. Dans un acte de la justice de paix daté du 11 novembre 1792, André Floquet, jardinier et procureur de la commune de La Rochette intervient aux côtés de la municipalité dans une affaire de rixe entre des gardes forestiers de Fontainebleau et un habitant de la paroisse. Mais rien n'indique qu'il occupait les mêmes fonctions un an auparavant.
[15]  A.P., t. XI, p. 195-204 :
(...) § II. Éclaircissements sur les vingt-et-un premiers articles de la section première du décret concernant les assemblées primaires (décret du 22 décembre 1789)  (…) aussitôt que les prochaines assemblées primaires seront formées et auront nommé leur président et leur secrétaire, comme il sera expliqué ci-après, leur président et leur secrétaire prêteront, en présence de l’assemblée, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi ; de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la fonction publique et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur seront confiées. Ensuite, tous les membres de l’assemblée feront le même serment entre les mains du président. Ceux qui s’y refuseraient seraient incapable d’élire et d’être élus.
[16] Déjà nommé dans les mêmes fonctions au sein du bureau provisoire.
[17] Saint-Leu est un lieudit de Cesson.
[18] Déjà nommé dans les mêmes fonctions au sein du bureau provisoire.
[19] Actuellement Seine-Port. De nombreux renseignements figurent sue le site de la commune  http://pagesperso-orange.fr/mairie-seine-port/index.htm
[20] Voici le texte lui-même : 
"Le maire de Boissettes ayant été appelé le premier, il a tiré le numéro premier. Le maire de Boissise la Bertrand ayant été appelé le second a tiré le numéro huit; le maire de Boissise le Roy ayant été appelé le troisième a tiré le numéro trois; Le maire de Cesson (…) le numéro quatre. Le maire de Dame Marie (…) le numéro six. Le maire du Mée (…) le numéro sept. Le maire de Nandy (…) le numéro neuf. Le maire de La Rochette ayant été appelé plusieurs fois, M. Duranton, officier municipal en l'absence du maire a tiré le numéro cinq. Le maire de Savigny le Temple (…) le numéro dix. Le maire de Saint Fargeaux (…) le numéro douze. Le maire de Saint Port (…) le numéro deux. Le maire de Ver Saint Denis (…) le numéro onze. L'ordre ainsi établi détermine le lieu des douze prochaines assemblée primaires".
[21] Jaurès Jean, Histoire socialiste de la Révolution française, Éditions Sociales,Paris, 1970
 T. 2, p. 131 : "Note 25. Vaublanc (Comte de Viénot), (1756-1845), officier en retraite à la veille de la Révolution, président du département de Seine-et-Marne en 1790, député à l'Assemblée législative. Vaublanc fut élu président le 15 novembre 1791, par 257 voix sur 343 votants. (...)".
T. 2, p. 698 : "[Le 9 août 1792] Viénot-Vaublanc alla jusqu'à dire que, plutôt que de délibérer sous les menaces d'une "faction", l'Assemblée devait quitter Paris et aller à Rouen". 
T. 3, p. 20 : "[Marat, L'Ami du peuple du 16 août 1792] (…) "Déjà les membres contre-révolutionnaires de l'Assemblée, les Lameth, Dumas, Vaublanc, Pastoret, Dubayet, devraient être arrêtés. Espérons que nos commissaires parisiens ne s'endormiront pas" .
[22]  AD Seine-et-Marne, L 610.
[23]  Figure dans cette liste la signature du curé de Boissise-la-Bertrand, François Nicolas Parent, déjà cité.
[24] AD Seine-et-Marne, L 158. Protestation de Nicolas Robert Segault contre l'élection de Cartault comme juge de paix(scrutin des 21 et 22 novembre 1790).
[25] Ibid.
[26]  Voir note [1].
[27]  A.P., t. LII, p. 574-576 :
Art. 1. Il sera, dans la forme et les délais ci-après fixés, procédé au renouvellement de :
(…) - les juges de paix, assesseurs et greffiers ; (…).
Art.8. Il n'y aura que deux tours de scrutin dans toutes les élections pour lesquelles la loi jusqu'ici en admettait trois. Dans le scrutin individuel, le 2ème tour n'opposera que les deux premiers, et s'il s'agit d'un scrutin de liste simple, la majorité même relative produite par ce deuxième tour de scrutin terminera l'élection.
[28]  Ibid. :
Art. 11. Le dimanche qui suivra immédiatement l'achèvement des élections ci-dessus confiées aux corps électoraux de district [il s'agit de toutes les élections concernant les rouages administratifs du district et du département],les assemblées primaires de canton (…) procèderont à l'élection des juges de paix, assesseurs et greffiers des juges de paix.
[29]  Ibid. :
Art. 16. Les électeurs qui seront obligés de quitter leur domicile recevront quinze sous par lieu de poste pour l'aller et autant pour le retour et trois livres par jour de séjour.
[30]  Décret de la Convention nationale du 10 brumaire an II (31 octobre 1793) :
"La Convention nationale, sur la proposition d'un membre, décrète que toutes les dénominations de ville, bourg ou village sont supprimées et que celle de commune leur est substituée".
[31] Paladilhe Dominique, Seine-Port, son histoire, ses vieilles maisons, Melun, 1995 : 
"(…) On s'étonnera de constater que c'est seulement après la chute de Robespierre, c'est-à-dire en juillet 1794, que le village prit le nom de Seine-Port. Tout ce qui rappelait la religion était alors sévèrement proscrit. Saint-Fargeau s'appela Fargeau tout court, Sainte-Assise Seine-Assise, Savigny-le-Temple Savigny-sur-Balory, etc. Avec la venue de Napoléon, le nom de Saint-Port reprit sa place, et ce jusqu'en 1824 où Seine-Port fut définitivement adopté".
[32]  Boissettes est, géographiquement et démographiquement, la plus petite paroisse du canton : elle ne comporte à l'époque qu'environ 186 habitants pour 246 hectares, la plus importante se trouvant être Saint-Fargeau-Ponthierry avec une superficie de 972 hectares pour une population évaluée à environ 900 habitants.
[33]  Les minutes de la justice de paix de Boissise-la-Bertrand confirment, s'il en était besoin, que presque toutes les audiences (à l'exception des procès-verbaux d'inventaires après décès ou les constats d'accidents) n'ont pas été "itinérantes", comme le prévoyait la loi des 16-24 août 1790, mais tenues dans la paroisse/commune où le juge avait sa résidence personnelle, sa maison servant même de lieu d'exercice en l'absence d'un bâtiment officiel ad hoc.
[34]  La Constitution est accepté par 1 057 390 oui contre 49 978 non ; mais environ 5 000 000 électeurs (soit plus de 75 %)  se sont abstenus.
[35]  Godechot Jacques, Les Constituions de la France depuis 1789, éd. mise à jour par Thierry Godechot, GF-Flammarion, Paris, 1995, "La Constitution de 1795 ou de l'an III", p. 125 :
(…) Titre VIII. Pouvoir judiciaire (…) De la justice civile
(…) Art. 212. – Il y a, dans chaque arrondissement déterminé par la loi, un juge de paix et ses assesseurs. – Ils sont tous élus pour deux ans, et peuvent être immédiatement et indéfiniment réélus.
[36]  Ibid., p. 105-107.
[37]  Ibid., p. 106 :
Art. 26. – Les Assemblées primaires se réunissent : 1° pour accepter ou rejeter les changements à l'acte constitutionnel, proposéés par les Assemblées de révision ; 2° Pour faire les élections qui leur appartiennent suivant l'acte constitutionnel.
Art. 29. – Ce qui se fait dans une Assemblée primaire (…) au-delà de l'objet de sa convocation, et contre les formes déterminées par la Constitution, est nul.
[38]  Ibid., p. 106 :
Art. 20. – Les Assemblées primaires se constituent provisoirement sous la présidence du plus ancien d'âge ; le plus jeune remplit provisoirement les fonctions de secrétaire.
Art. 21. – Elle sont définitivement constituées par la nomination, au scrutin, d'un président, d'un secrétaire e de trois scrutateurs.
[39]  Ibid., "La Constitution de 1791", p. 37 :
(…) Titre II. De la division du royaume, et de l’état des citoyens
Article premier. – Le Royaume est un et indivisible : son territoire est distribué en quatre-vingt-tois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons.
[40] Ibid., "La Constitution de 1793", p. 83 :
(…) De la distribution du peuple
Art. 2. – Le peuple français est distribué, pour l’exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de cantons.
Art. 3. – Il est distribué, pour l’administration et la justice, en départements, districts, municipalités.

[41]  Ibid., "La Constitution de 1795 ou de l'an III", p. 121 :
(…) Art. 179. – Il y a dans chaque commune, dont la population est inférieure à cinq mille habitants, un agent municipal et un adjoint.
Art. 180. – La réunion des agents municipaux de chaque commune forme la municipalité de canton.
Art. 181 – Il y a de plus un président de l’administration municipale, choisi dans chaque canton.
[42]  Voir Annexe III, Procès verbal de l'installation du nouveau juge de paix de Boissise-la-Bertrand, (2 novembre 1795-11 brumaire an IV)
[43]  A.D. Seine-et-Marne, L 617. Croix-Fontaine est un lieudit de la commune de Seine-Port, situé sur une hauteur surplombant le fleuve.
[44]  Les thèses développées par Patrice Guéniffey dans Le nombre et la raison, Paris, 1993, doivent être nuancées par les travaux contemporains de chercheurs anglo-saxons comme Malcolm Crook, "Élection et comportement électoral sous le Directoire" in Pouvoir local et Révolution, Rennes, 1996 ou Melvin Edelstein, "La participation électorale des Français (1789-1870)" in Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, octobre-décembre 1993. Et l'ouvrage édité par le C.T.H.S. en 1999, Voter, élire pendant la Révolution française, guide pour la recherche, constitue un ouvrage de référence indispensable.
[45]  COQUARD Claude et COQUARD-DURAND Claudine, Société rurale et justice de paix : deux cantons de l'Allier en Révolution, Presses universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2001, "Des fonctions multipliées au cours de la Révolution", p. 28-32.

[46] AD Seine-et-Marne, L 608.Ces troubles ont même un écho dans la salle d'audience du juge de paix, notamment à l'occasion d'un conflit salarial qui a opposé des moissonneurs à un fermier.

[47] Voir plus haut les résultats du vote de novembre 1792.

[48] AD Seine-et-Marne, L 606.

[49] AD Seine-et-Marne, L 607.

[50] AD Seine-et-Marne, L 606.

[51] AD Seine-et-Marne, L 609.

[52] AD Seine-et-Marne, L 612.

[53] AD Seine-et-Marne, L 609.

[54] AD Seine-et-Marne, L 615.

[55] AD Seine-et-Marne, L 606.

[56] AD Seine-et-Marne, L 611.

[57] La documentation archivistique concernant les élections qui ont eu lieu, au niveau cantonal, entre 1796 et 1799, est très fragmentaire et pose un réel problème méthodologique au niveau de la recheche.

 

 
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