G.-J.B. Target (1733-1807)

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Puissance maritale - Divorce

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ENC

 

PUISSANCE MARITALE, est celle que le mari a sur la personne, & les biens de sa femme.

La femme est naturellement & de droit divin dans la dépendance de l'homme : sub viri potestate eris, & ipse dominabitur tui. Genèse, c. iij. vers. 16.

Cette dépendance étoit telle chez les Romains, que la fille qui n'étoit plus sous la puissance paternelle & qui n'étoit pas encore mariée, demeuroit toujours sous la tutele, soit de ses proches, soit des tuteurs, qui lui avoient été donnés par le juge ; telle étoit la disposition de la loi des douze tables.

La loi attilia ordonnoit que le préteur & les tribuns donnassent des tuteurs aux femmes & aux pupilles.

Mais il y avoit cette différence entre les tuteurs des pupilles & ceux des filles ou femmes puberes, que les premiers avoient la gestion des biens, au lieu que les tuteurs des femmes interposoient seulement leur autorité.

Or, de même que la femme non-mariée étoit en la puissance d'un tuteur, la femme mariée étoit en la puissance de son mari ; cela s'appelloit être en la main du mari ; & cette puissance maritale s'établissoit en la forme indiquée par Ulpien, tit. de his qui in manu sunt, in manum convenire, venir en la main du mari.

La maniere la plus solemnelle & la plus parfaite de contracter mariage étoit celle où la femme passoit en la main de son mari ; elle étoit appellée mater familias, parce qu'elle étoit réputée de la famille de son mari, & y tenir la place d'héritier ; au lieu que celle qui étoit mariée autrement, étoit seulement qualifiée de matrone, matrona. On voit par ce qui vient d'être dit, que la puissance maritale ne différoit pas alors de la puissance paternelle.

Mais le dessein de faciliter le mariage, ou plutôt la liberté du divorce, ayant fait peu-à-peu tomber en non-usage les formalités par lesquelles la femme venoit en la main de son mari, la puissance maritale fut grandement diminuée.

Tout ce qui est resté de l'ancien droit, c'est que le mari est le maître de la dot, c'est-à-dire qu'il en a l'administration & qu'il fait les fruits siens ; car du reste il ne peut aliéner ni hypothéquer le fonds dotal, même du consentement de sa femme, si ce n'est dans le ressort du parlement de Paris, suivant l'édit du mois d'Avril 1664, qui permet au mari l'hypotheque & l'aliénation des biens dotaux, quand elle se fait conjointement avec son mari.

La femme est seulement maîtresse en pays de droit écrit de ses paraphernaux.

Les effets ordinaires de la puissance maritale en pays coutumier sont 1°. que la femme ne peut passer aucune obligation, ni contrat, sans l'autorité expresse du mari ; elle ne peut même accepter sans lui une donation, quand même elle seroit séparée de biens. 2°. Elle ne peut pas ester en jugement sans le consentement de son mari, à moins qu'elle ne soit autorisée ou par justice au refus de son mari, ou qu'elle ne soit séparée de biens, & la séparation exécutée. 3°. Le mari est le maître de la communauté, de maniere qu'il peut vendre, aliéner ou hypothéquer tous les meubles & conquêts immeubles sans le consentement de sa femme, pourvu que ce soit au profit de personne capable & sans fraude. Cout. de Paris, art. 223, 224 & 225. Voyez COMMUNAUTE, CONQUETS, DOT, MARI, FEMME, PARAPHERNAL, PROPRES, REMPLACER, VELLEIEN. (A)

 

 

LEG  

 

Coutumes générales et locales du pays et duché de Bourbonnois, commentées et expliquées par Claude-Marie Rouyer, avocat en Parlement, Moulins, 1779, p. 150 (et suivantes):

 

Article CLXX. Femme mariée est en la puissance de son mari.

 Article CLXXI. Contrats de vendition, donation, quittance ou autres, faits par femme mariée ou par enfants en la puissance de leurs peres, tuteurs ou curateurs, sans le consentement desdits maris, peres, tuteurs o curateurs ne valent ; & ne sont tels contrats, confirmés & validés par la dissolution du mariage, ou par la mort dudit pere, émancipation desdits enfants & majorité desdits mineurs.

 

Constitution du 3 septembre 1791 :

 

(…) Titre II (…) – Art. 7. – La loi ne considère le mariage que comme contrat civil. – Le Pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés ; et il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes (…).

 

Loi du 20 septembre 1792

 TITRE I - Des officiers publics par qui seront tenus les registres des naissances, mariages et décès

 

Art. 1er. - Les municipalités recevront et conserveront à l'avenir les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès.

Art. 2. - Les conseils généraux des communes nommeront parmi les membres, suivant l'étendue et la population des lieux, une ou plusieurs personnes qui seront chargées de ces fonctions.

 

TITRE IV - Mariages


SECTION I - Qualités et conditions requises pour contracter mariage.

 

Art. 1er. - L'âge requis pour le mariage est de quinze ans révolus pour les hommes et treize ans révolus pour les filles.

Art. 2. - Toute personne sera majeure à vingt et un ans accomplis.

Art. 3. - Les mineurs ne pourront être mariés sans le consentement de leur père ou mère, ou parents opu voisins, ainsi qu'il va être dit.

Art. 4. - Le consentement du père sera suffisant.

Art. 5. - Si le père est mort ou interdit, le consentement de la mère suffira également.

 

SECTION V - Du divorce dans ses rapports avec les fonctions de l'officier public chargé de constater l'état civil des citoyens.

 

Art. 1er. - Aux termes de la Constitution , le mariage est dissoluble par le divorce.

Art. 2. - La dissolution du mariage par le divorce sera prononcée par l'officier public chargé de recevoir les actes de naissances, mariages et décès, dans la forme qui suit.

Art. 3. - Lorsque deux époux demanderont conjointement le divorce, ils se présenteront, accompagnés de quatre témoins majeurs, devant l'officier public, en la maison commune, au jour et heure qu'il aura indiqués : ils justifieront qu'ils ont observé les délais exigés par la loi sur le mode du divorce ; ils représenteront l'acte de non-conciliation qui aura dû leur être délivré par leurs parents assemblés ; et, sur leur réquisition, l'officier public prononcera que leur mariage est dissous.

Art. 4. - Il sera adressé acte du tout sur les registres des mariages ; cet acte sera signé des parties, des témoins et de l'officier public, où il sera fait mention de ceux qui n'auront pu ou su signer.

Art. 5. - Si le divorce est demandé par l'un des conjoints seulement, il sera tenu de faire signifier à son conjoint un acte aux fins de le voir prononcer : cet acte contiendra réquisition de se trouver en la maison commune de la municipalité dans l'étendue de laquelle le mari a son domicile, et devant l'officier public chargé des actes de naissances, mariages et décès, dans le délai qui aura été fixé par cet officier, ce délai ne pourra être moindre de trois jours ; et en outre, d'un jour par dix lieues, en cas d'absence du conjoint appelé.

Art. 6. - A l'expiration du délai, le conjoint demandeur se présentera, accompagné de quatre témoins majeurs, devant l'officier public ; il représentera les différents actes ou jugements qui doivent justifier qu'il a observé les formalités et les délais exigés par la loi sur le mode du divorce, et qu'il est fondé à le demander. Il représentera aussi l'acte de réquisition qu'il aura dû faire signifier à son conjoint, aux termes de l'article précédent ; et, sur sa réquisition, l'officier public prononcera, en présence ou en absence du conjoint dûment appelé, que le mariage est dissous.

Art. 7. - Il sera donné acte du tout sur les registres des mariages en la forme réglée par l'article 4 ci-dessus.

Art. 8. - S'il s'élève des contestations de la part du conjoint contre lequel le divorce sera demandé, sur aucun des actes ou jugements représentés par le conjoint demandeur, l'officier public n'en pourra prendre connaissance ; il renverra les parties à se pourvoir.

Art. 9. - L'officier public qui aura prononcé le divorce, et en aura fait dresser acte sur les registres des mariages, sans qu'il lui ait été justifié des délais, des actes et des jugements exigés par la loi sur le divorce, sera destitué de son état, condamné à cent livres d'amende, et aux dommages-intérêts des parties.

 

 

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REF

 

Godechot (Jacques), Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire,  Paris, PUF, 4ème édition, 1989, p. 50 :

 

Sous l'Ancien Régime, la femme considérée comme inférieure à l'homme ne jouissait d'aucun droit politique. Du point de vue civil même, sa condition comportait de nombreuses infériorités. Les femmes ne pouvaient être témoins aux actes d'état civil. Dans les pays de droit écrit et en Normandie, elles étaient incapables de s'engager pour autrui. Lors de l'ouverture d'une succession, la sœur recevait une part plus petite que le frère.

La question de droits politiques de la femme fut posée à la Constituante.

Robespierre réclama le suffrage des femmes, mais sa motion fut repoussée à la presque unanimité, et les femmes ne reçurent aucun droit politique. En revanche, la Législative leur accorda, le 20 septembre, le jour de la victoire de Valmy, l'égalité des droits civils. Désormais, la femme put s'obliger pour autrui et paraître comme témoin dans un acte d'état civil. Toutefois, la Constituante ne précisa pas le statut de la femme mariée.

 

Idem, p. 693-694 :

 

Le Code civil (1804) et la société

(…) En ce qui concerna l'organisation de la famille, le code maintient certains des principes proclamés à l'époque révolutionnaire, notamment l'état civil, indispensable à la conscription, la sécularisation du mariage (…) et le divorce. Mais alors que les lois révolutionnaires tendaient à faire régner dans la famille comme dans l'État la liberté et l'égalité, le code civil organisa la famille à l'image de l'Empire, c'est-à-dire sur le principe de l'autorité.

En vertu du code, la femme non mariée n'est plus considérée comme l'égale de l'homme : elle ne peut faire partie du conseil de famille, ni exercer de tutelle, ni être témoin dans un acte instrumentaire. Elle peut déclarer une naissance comme sage-femme, mais non servir de témoin au déclarant (…).

Lorsque la femme se marie, elle peut être soumise à divers régimes matrimoniaux, mais tous la placent sous l'autorité absolue du mari. (…) quel que soit le régime choisi, la femme est étroitement subordonnée à l'homme ; elle devient une pupille, un être incapable, juridiquement parlant. (…)

L'autorité maritale est établie d'une manière catégorique par l'article 213 du code : "La femme doit obéissance à son mari". Aucune loi de la période révolutionnaire n'avait proclamé une telle subordination ! (…) Le code civil a ainsi étendu à toute la France les incapacités qui étaient connues des seuls pays de droit romain et totalement ignorés des pays de droit coutumier.

   

 

MIN

 

Exemple de conflit intenté par une femme divorcée à son ex mari et à un tiers devant le juge de paix de la section du Jardin des plantes à Paris (8 août 1793)

 

"Cejourdhui huit aoust mil sept cent quatre vingt treize Lan deux de la république francaise (…) a comparu la citoyenne Marie Margueritte Marteau femme divorcée du citoyen Prégermain demte a Paris rue Verderet n° 25 demanderesse aux fins de l'exploit de citation du six aoust present mois signiffié (…) au citoyen Rondet garcon de chantier chez le citoyen Dupain md de bois demt a Paris rue des Fossés Saint Bernard et au citoyen Prégermain mari divorcé de laditte citoyenne Marteau demt a Paris rue des Boulangers n° 17 deffendeurs comparants et en personne

Tendant ledit exploit ; pour a l'égard dudit citoyen Rondet se voir condamner a rendre et remettre à la demanderesse la somme de cent livres qu'elle lui a confié en presence dudit Prégermain ; et a l'égard dudit Prégermain, voir declarer notre jugement commun avec lui et led. Rondet et en cas de contestation se voir condamner aux interets et aux depens

(…) ledit Prégermain a dit qu'il s'opposait a la remise desd. cent livres a son epouse attendu qu'elle les avoit confié aud. Rondet pour lui etre remis lorsque leur divorce seroit prononcé (…)".

 

Orthographe et ponctuation conservées

 

Exemple de conflit d'intérêts après un divorce devant le bureau de paix de Bellenaves (Allier), le 16 messidor an II-4 juillet 1794

 

"Seance du 16 messidor Lan deux de la Republic francaise une et indivisible

Aujourd'huy seize messidore lan deux de la Republic francaise une et indivisible heure de dix du matin ont comparus au bureau de consilliation du juge de paix du canton de Bellenave le citoyen Michel Bonneton demeurant en cette commune de Bellenave d'une part

Et la citoyenne Anne Tourret cy devant femme audit Michel Bonneton , demeurante en cette meme commune, d'autre part

Lesquelles nous ont dit , Scavoir ledit Michel Bonneton qu'il auroit fait citer laditte Anne Tourret en notre bureau de consilliation à ce jourd'huy au sujet de trois chefs auxquels il se trouve condamné par le jugement du tribunal de famille des premier et quatorze germinal derniers (…)

A quoy laditte citoyenne Tourret a repondu que quand au revenu des propres elle en a recu a la vente une partie, quand au surplus ledit Michel Bonneton a fait refus de luy en faire raison et que ce refus est constaté par un proces verbal

que quand aux dix mil livres elle na aucunes connoissance ni de l'emprunt ni de l'emploi qui en a eté fait, et qu'elle ne veut entrer pour rien dans le merite de cette avance 

que quand à la somme de quatre cent soixante livres emprunté du citoyen Dutour, elle soutien que le remboursement en avoit eté fait au moins trois mois avant la demande de divorce  et qu'elle s'en tient pour tous les objets au jugement rendu par le tribunal de famille dont elle reclame l'execution (…)".

 

Orthographe et ponctuation conservées

 

 

 

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