G.-J.B.
Target (1733-1807) |
Un
glossaire des termes rencontrés Cheptel |
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ENC
CHEPTEL ou CHEPTEIL, s. m. (Jurispr.) bail à cheptel, est un bail de bestiaux dont le profit doit se partager entre le preneur & le bailleur. Ce contrat reçoit différens noms, selon les différentes provinces où il est usité : en Nivernois on dit chaptel ; en Bourbonnois cheptel, & en quelques endroits chepteil ; dans la coûtume de Solle on dit capitau, & ailleurs chaptail : toutes ces différentes dénominations viennent d'une même étymologie, qui s'est corrompue selon l'idiome de chaque pays. Ducange & quelques autres croyent que cheptel vient de capitale, à cause que le cheptel est composé de plusieurs chefs de bêtes qui forment une espece de capital : d'autres pensent, avec plus de vraisemblance, que cheptel vient de chatal, vieux mot celtique ou bas-breton, qui signifie un troupeau de bêtes ; ensorte que l'on devroit dire chatal, chaptail, ou chatail ; cependant on dit plus communément cheptel, ce qui a sans-doute été ainsi introduit par adoucissement.
L'origine de ce contrat se trouve dans la loi viij. si pascenda, au code de pactis, surquoi il faut voir ce qu'ont dit Mornac & Cujas.
Ce contrat est fort usité dans
plusieurs coûtumes, & particulierement dans celles de Bourbonnois,
Nivernois, Berri,
Ces sortes de baux doivent être passés devant notaires, & non sous signature privée, afin d'éviter les fraudes & les antidates, & que l'on sache d'une maniere certaine à qui appartiennent les bestiaux. Arrêt du cons. du 11 Mars 1609.
On distingue deux sortes de cheptels ; le simple, & celui de métairie.
Le cheptel simple a lieu quand le propriétaire des bestiaux les donne à un particulier qui n'est point son fermier ou métayer, pour faire valoir les héritages qui appartiennent à ce particulier, ou qu'il tient d'ailleurs à loyer, ferme, ou métairie.
Le cheptel de métairie est lorsque le maître d'un domaine donne à son métayer des bestiaux, à la charge de prendre soin de leur nourriture, pour les garder pendant le bail, & s'en servir pour la culture & amélioration des héritages, à condition de partager le profit & le croît du bétail.
On appelle bail à moitié,
en fait de cheptel, quand le bailleur & le preneur fournissent chacun
moitié des bestiaux qui sont gardés par le preneur, à condition de partager
par moitié les chefs, croît & décroît d'iceux ; & en cas d'exigne,
c'est-à-dire de compte, il n'est pas besoin d'estimation, tout se partageant également
entre le bailleur & le preneur. Voyez
Le cheptel affranchi, dont parle la coûtume de Nivernois : tit. xxj. art. 6 & 14. est lorsque le bailleur a retenu pour lui seul les profits & le croît de la totalité des bestiaux, jusqu'à l'entier payement de son capital, après lequel la moitié du cheptel demeure toûjours en propriété au bailleur, ce qui retombe alors dans le cas du bail à moitié. Voyez Despommiers sur Bourbonnois, tit xxxv.
Le bailleur peut donner à son fermier les bestiaux par estimation, à la charge que le preneur en percevra tout le profit pendant son bail, & rendra à la fin des bestiaux de la même valeur ; auquel cas le preneur en peut disposer comme bon lui semble, en rendant d'autres bestiaux de même valeur ; c'est ce qu'on appelle en Berri & ailleurs bêtes de fer, parce qu'elles ne meurent point pour le compte du bailleur, & que la perte tombe sur le preneur seul : il a aussi seul tout le profit, en considération de quoi le prix du bail est ordinairement plus fort.
Dans le simple cheptel, & dans le cheptel de métairie, le preneur ne peut vendre les bestiaux sans le consentement du bailleur, comme il est dit dans la coûtume de Berri, tit. xvij. art. 7. & dans celle de Nivernois, tit. xxj. art. 16. au lieu que dans le bail à moitié & dans le bail affranchi, après le remboursement du capital, le bailleur & le preneur sont également maîtres des bestiaux qui leur appartiennent par moitié.
Au cas que le cheptelier dispose des bestiaux en fraude du bailleur, les coûtumes donnent à celui-ci une action pour revendiquer les bestiaux, qu'elles veulent lui être délivrés : la coûtume de Berri veut même que ceux qui achetent sciemment des bestiaux tenus à cheptel, soient punis selon raison & droit.
On entend par le croît la multiplication des bestiaux, qui se fait naturellement par génération ; & par le profit, on entend l'augmentation de valeur qui survient, soit par l'âge ou engrais, ou par la cherté du bétail. On comprend aussi sous le terme de profit, la laine, le laitage, le service que rendent les bêtes, & les fumiers & engrais qu'elles fournissent.
Dans le cheptel simple, le croît & le profit se partagent entre le bailleur & le preneur, à la reserve des engrais, labeurs, & laitages des bêtes, qui appartiennent au preneur seul. Coût. de Nivernois, tit. xxj. art. 4. Cela dépend au surplus des conventions portées par le bail.
La coûtume de Bourbonnois, art. 555. déclare illicites & nuls tous contrats & convenances de cheptels de bêtes, par lesquels les pertes & cas fortuits demeurent entierement à la charge des preneurs, & ceux auxquels, outre le cheptel & croît, les preneurs s'obligent de payer une somme d'argent ou du grain, ce que l'on appelle droit de moisson.
Cependant quand les bestiaux sont donnés par estimation, la perte tombe sur le preneur seul ; mais aussi il en est censé dédommagé, parce qu'il a seul tout le profit : il suffit donc qu'il y ait entre le bailleur & le preneur une certaine égalité de profit & de perte, & que la société ne soit pas léonine.
Dans le cheptel à moitié ou affranchi, la perte des bestiaux est supportée par moitié entre le bailleur & le preneur, à moins qu'elle n'arrive par la faute du preneur : dans le cheptel simple, la perte tombe sur le bailleur, à moins que ce ne soit par la faute du preneur. On prétend cependant qu'en Bourbonnois & en Berri le preneur doit aussi supporter sa part de la perte qui est survenue, quand même il n'y auroit pas de sa faute.
L'art. 553. de la coûtume de Bourbonnois porte que, quand les bêtes sont exigées & prisées par le bailleur, le preneur a le choix dans huit jours de ladite prisée à lui notifiée & déclarée, de retenir lesdites bêtes, ou icelles bêtes délaisser au bailleur pour le prix que le bailleur les aura prisées, en payant ou baillant par ledit preneur caution fidé-jussoire du prix, qu'autrement elles sont mises en main tierce ; & que le semblable est observé quand elles sont prisées par le preneur : car en ce cas le bailleur a le choix de les retenir ou de les délaisser dans huit jours.
La maniere dont s'observe cet
article est très-bien expliquée par Despommiers. Voyez les commentateurs
des coûtumes de Berri, Nivernois, Bourbonnois, Bretagne,
REF
Marcel LACHIVER. Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé
cheptel, s.m. (...) 2. Bail à cheptel. Bail à cheptel simple, bail par lequel le bailleur laisse au preneur (généralement un métayer) un certain nombre de bêtes pour les entretenir un temps déterminé, le plus souvent trois ans. Le preneur dispose du fumier, du lait et du travail des animaux, mais partage les autres produits (croît, laine) par moitié avec le bailleur./ Cheptel à moitié, les bêtes sont fournies à part égale par les deux parties./ Cheptel de fer, le preneur fournit les animaux, le bailleur les instruments aratoires et le matériel. Le système de cheptel se rencontre principalement dans les régions de métayage.
MIN
Exemple
de demande présentée par un bailleur concernant le cheptel à Bellenaves (Allier),
le 20 mars 1793
"Aujourdhuy
vingt mars mil sept cent quatre vingt treize second de la republic francoise
heure de onze du matin devant nous juge de paix du canton de Bellenave ont
comparu volontairement Anne Barratier fille majeure de droit demeurante en ce
bourg et psse de Bellenave et Madeleigne Bartoux veuve et commune
de deffunt Jean Sinturel le jeune et tutrice de leurs enfants mineurs
demeurante sur le village de Villard les bois psse de Coutansouze
Lesquelles
nous ont declaré se présenter volontairement sans citation pour nous
demander un jugement au sujet d'un
cheptel d'un cochon pour la somme de dix livres et d'une somme de
quarante cinq livres pour cause de vente d'une vache suivant le compte fait et
recu aujourdhuy entre les parties et la ditte Bartoux est ensuite presentement
convenu quelle avoit ledit cochon en cheptel pour la ditte somme de dix livres
neantmoins en pure vente et qu'elle doit rellement la ditte somme de quarante
cinq livres
Nous faisant droit sur la demande de la ditte Barratier nous avons la ditte Bartoux es qualité cy dessus condamné par jugement en dernier ressort de son consentement a payer a la ditte Anne Barratier la ditte somme de quarante cinq livres pour les causes cy dessus expliquées et de représenter a touttes requisitions de la ditte Barratier le cochon dont il sagit pour etre vendu a mi profit ou par le partage suivant lusage di cheptel (…).
Orthographe et
ponctuation conservées
Exemple
de demande présentée par un
preneur concernant le cheptel tenu d'un bailleur à Ébreuil (Allier) le 15
messidor an II-3 juillet 1794
"Aujourd'hui, quintidi quinze messidor, l'an deux de la république une et indivisible,
Devant nous Gilbert Mathieu Rozier, juge de paix du canton d'Ébreuil, assisté des citoyens Louis Marcoux et Pierre Deneufville, nos assesseurs,
A comparu Gervais Renoux, citoyen demeurant au lieu du Tillot, commune de Chouvigny, demandeur
Contre Gilbert Chapuzet, citoyen demeurant au lieu et commune dudit Chouvigny, défendeur,
Au sujet de ce que le demandeur tenait à titre de cheptel, croît et mi-croît suivant l'usage du pays, au défendeur entre autres bestiaux, en un bail à cheptel, reçu Bonneau notaire, le vingt cinq mai 1791, quatorze brebis pour le prix et somme de vingt-huit livres ; que ledit Chapuzet ayant depuis environ un mois retiré lesdites quatorze brebis sans vouloir lui faire compte de la moitié du profit d'icelles, prétendant les avoir données chef pour chef, tandis qu'elles avaient été estimées à ladite somme de vingt-huit livres. [C'est] pourquoi le demandeur demande que le défendeur soit condamné à lui payer la somme de soixante livres pour la moitié du profit qu'il peut avoir sur lesdites quatorze brebis et pour la moitié de la laine d'icelles, si mieux n'aime le défendeur les faire estimer à dire d'expert convenu, au prix d'office en la manière ordinaire, aux offres faites par le demandeur de lui déduire la somme de trente-neuf livres qu'il lui doit pour sa portion du profit des autres bestiaux (…).
A laquelle citation le défendeur ayant comparu a dit que la demande dudit Renoux était on ne plus dérisoire en ce que, par acte reçu Bonneau notaire, le 25 mai 1791 (vieux style), il lui donna, à titre de cheptel croît et mi-croît suivant l'usage du pays, deux vaches moyennant cent trente-trois livres et quatorze brebis moyennant vingt-huit livres ; que, depuis environ six semaines, lui dit Chapuzet, voulant retirer ledit cheptel, il convint avec ledit Renoux d'experts pour en faire l'exigue ; lesquels experts ayant procédé estimèrent lesdites deux vaches à trois cent quarante-cinq livres, ce qui faisait pour chacune des parties cent six livres de profit ; que ledit Renoux l'ayant invité de lui laisser une desdites vaches pour cent quarante-cinq livres, prix de l'estimation, il y consentit, en sorte que ledit Renoux fut son débiteur de la somme de trente-neuf livres pour parfaire sa portion du profit qu'il avait sur lesdites deux vaches; À l'égard des brebis, il s'éleva une contestation entre eux : Renoux prétendait les faire estimer et lui dit Chapuzet prétendait au contraire les retirer chef pour chef, ainsi qu'il les avait données suivant l'usage du pays, attendu que c'était une faute du notaire qui les avait portées, dans l'acte sus énoncé, à vingt-huit livres au lieu de les mettre chef pour chef , et en cas de perte ou profit à raison de quarante-cinq sols pièce ; que cela était si vraisemblable, c'était qu'elle ne furent point estimées lorsqu'il les donna audit Renoux ; mais lesdits experts, pour terminer la contestation à l'amiable, l'engageaient, lui dit Chapuzet, à laisser audit Renoux la totalité du croît qui était de trois brebis, ce qu'il fit. En conséquence, il se contenta de reprendre ses quatorze brebis qu'il emmena et Renoux garda les brebis qu'il avait de profit. [C'est] pourquoi il demande que ledit Renoux soit débouté de sa demande (…)".
Orthographe et
ponctuation modernisées